Maladies infectieuses. Rencontre à Paris le 21 mai
Actualité
Auteur(s) : Michel Bertrou
Les épizooties, dont l’impact financier est considérable, sont un facteur d’agitation médiatique et politique(1).
L’Académie d’agriculture recevait l’Académie vétérinaire, le 21 mai dernier, pour se pencher ensemble sur les conséquences sociales et économiques des grandes mesures de lutte sanitaire. Cette séance commune était organisée par Claude Milhaud, président de l’Académie vétérinaire, et Barbara Dufour, enseignante-chercheur en maladies contagieuses à l’école vétérinaire d’Alfort.
« Les maladies infectieuses ne s’effaceront jamais. Il en naîtra toujours de nouvelles, il en disparaîtra quelques-unes et celles qui subsisteront ne se montreront plus sous la forme que nous connaissons actuellement », déclarait Charles Nicolle en 1935, cité par Alain Philippon, premier intervenant à la tribune. « Si les grandes zoonoses ont disparu ces cinquante dernières années, nous restons soumis à des menaces constantes », a estimé notre confrère. Se fondant sur une étude publiée en février dans Nature, il a expliqué que le nombre des maladies infectieuses chez l’homme augmente avec le temps. Dans plus de 60 % des cas, elles sont liées à l’animal. Selon lui, le poids médiatique contraint aujourd’hui à prendre des décisions rapidement. Mais pour être efficaces, ces mesures doivent également être acceptées, a-t-il rappelé.
La question de l’acceptabilité sociétale des méthodes de lutte sanitaire était au cœur des débats. De ce point de vue, les mesures médicales (la vaccination) sont généralement mieux reçues que les mesures sanitaires. L’outil vaccinal, s’il réduit l’expression clinique de la maladie et la circulation de l’agent pathogène, permet cependant rarement une éradication complète, a souligné Barbara Dufour.
Les dispositions sanitaires, nombreuses, peuvent être défensives, pour protéger les élevages ou les territoires indemnes, et offensives, avec l’objectif d’éradiquer la maladie. Si elles peuvent efficacement arrêter la diffusion de l’agent pathogène (restriction de mouvements, zonage, abattage), elles sont contraignantes et coûteuses. Ce sont également les plus difficiles à faire accepter. Parfois indispensables, elles n’en sont pas moins choquantes et doivent être maniées avec une extrême précaution, a souligné notre consœur. « Il ne faut pas tout mélanger. Il existe différents types d’abattage. En raison de la difficulté de perception de nos méthodes dans la France actuelle, il y aurait intérêt, pour garder l’outil indispensable qu’est l’abattage en cas de foyers, à arrêter de l’utiliser de n’importe quelle manière. »
L’importance économique des mesures sanitaires a été abordée via l’exemple du Mali, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Chiffres à l’appui, Jean-Paul Pradère, coordonnateur de programmes à l’OCDE(2), a dressé un tableau peu reluisant de l’élevage sur ce territoire, en état de crise sanitaire chronique. Le manque de ressources y exclut toute politique de santé publique vétérinaire. Dans cette situation, 95 % de la lutte contre les maladies infectieuses sont pris en charge par les éleveurs eux-mêmes, l’aide de l’Etat et le soutien international se partageant le reste. « Si les maladies contagieuses représentent une faible part des pertes, elles interdisent l’espérance de gains pour les éleveurs qui ne peuvent plus exporter vers des marchés solvables », a expliqué Jean-Paul Pradère. Un cercle vicieux s’installe alors. Toute amélioration est exclue et les réservoirs infectieux s’entretiennent. Alors que l’assistance s’interrogeait sur l’existence d’évaluations financières comparables en France, Barbara Dufour a souligné la divergence des situations : « Les pays développés ne laissent pas les grandes maladies infectieuses se développer et le coût global des mesures est difficile à évaluer. Dans le domaine de la santé publique, par exemple, nous ne comptons pas, encore moins s’il s’agit de zoonoses. Pour certaines maladies, cela vaudrait cependant la peine de raisonner économiquement et de s’interroger sur les pertes commerciales. Ainsi, pour la fièvre catarrhale, les mesures de blocage n’ont-elles pas coûté plus cher que la maladie elle-même ? Je ne réponds pas, je pose la question. » Et l’épidémiologiste d’ajouter : « Dans un pays indemne de tout, les agents infectieux se répandent d’autant mieux. Je crois que la vraie question est celle-là : il faut choisir nos agents pathogènes. »
« Tout est affaire de calcul », a renchéri Jean Blancou en concluant la séance. L’ancien directeur de l’Organisation internationale de la santé animale (OIE) a insisté sur l’intérêt, en amont de toute prophylaxie, d’effectuer une balance précise entre son coût humain et financier (sans omettre les pertes indirectes) et le bénéfice retiré. Il a également défendu l’importance de l’effort de pédagogie afin d’augmenter l’acceptabilité des mesures, à l’intention des éleveurs en premier lieu. Quant aux effets de l’amplification des médias, dont il a beaucoup été question au cours de cette rencontre, « nous n’avons aucune prise, a regretté notre confrère, à moins de créer une cellule de communication spécialisée au sein des services vétérinaires »..
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