Pays-Bas. Etude sur la rentabilité de l’exercice
Actualité
Auteur(s) : Isabelle Desjardins
La médecine vétérinaire équine a connu, ces dernières années, des progrès surprenants. En parallèle, les exigences des propriétaires de chevaux ont changé et les revenus des praticiens ont baissé.
Des techniques complexes (ostéosynthèse, traitement chirurgical des coliques, transfert embryonnaire, etc.) ont vu le jour en médecine équine, puis se sont propagées dans de nombreuses cliniques vétérinaires dans le monde entier. Tous ces développements sont nés d’un intérêt scientifique, d’une curiosité ou de frustrations cliniques plutôt que de considérations économiques. Ces dernières, par le passé, ont eu peu d’importance, dans la mesure où le nombre de vétérinaires équins était insuffisant et où ceux-ci étaient pleinement respectés. En cette période faste d’excellence reconnue des soins vétérinaires aux chevaux, les praticiens facturaient des honoraires appropriés, la viabilité économique de leurs cliniques semblait acquise, et la qualité de vie des confrères était satisfaisante.
Pourtant, le vent a tourné et l’aura des praticiens équins semble avoir perdu en intensité. Les soins prodigués aux chevaux sont devenus une commodité accessible, et si l’excellence technique est reconnue, elle est aussi exigée.
Plusieurs facteurs expliquent cette mutation. Tout d’abord, le profil des propriétaires de chevaux a changé, avec une abondance de “non-initiés” face à la diminution du nombre de professionnels “hommes de cheval”. Ces “nouveaux propriétaires” d’Europe et d’Amérique du Nord possèdent des moyens économiques qui leur permettent de recourir aisément aux soins vétérinaires. Ensuite, le lien entre l’homme et le cheval s’est modifié : le pragmatisme a laissé une large place à la relation émotionnelle. Ainsi, le coût des traitements dépasse souvent la valeur du cheval (et parfois les capacités financières du client…).
En outre, les prouesses en médecine humaine, connues du grand public, ont conduit les vétérinaires à investir davantage de temps et d’argent dans leur structure, pour répondre à la demande croissante de savoir et de compétences. Il apparaît donc normal, pour les propriétaires, d’exiger un bon résultat de traitement et de juger les praticiens équins non seulement sur leurs services, mais aussi sur leur qualités relationnelles et leurs prix. La négociation des tarifs est devenue monnaie courante, de même qu’une “infidélité” de la clientèle, qui n’hésite pas à consulter plusieurs confrères.
De plus, en Europe du Nord, il existe une baisse substantielle du marché traditionnel rural, et les cliniques sont beaucoup plus dépendantes économiquement de la branche équine et du secteur des animaux de compagnie. En conséquence de ces modifications, ce n’est plus la même population d’étudiants ou de jeunes diplômés qui collaborent à ces structures, en termes de “culture rurale”, d’attitude face au travail et d’heures de travail investies.
Les nouvelles exigences du marché ont entraîné une compétition dans les relations entre les différentes cliniques privées équines. Les praticiens se heurtent en outre à d’autres problèmes comme la baisse des revenus (inférieurs à ceux d’autres catégories socio-professionnelles) et une surcharge de leur emploi du temps. Il apparaît urgent, pour la profession, de trouver une solution à ces dérives qui ne soit pas intuitive, mais fondée sur des faits précis de management d’entreprise.
J.B.A. Loomans et ses collaborateurs(1) se sont penchés sur la gestion de cliniques équines aux Pays-Bas pour tenter de répondre à plusieurs questions : quelle est la charge de travail des praticiens équins ? De quelles compétences disposent-ils ? Quelle est leur viabilité économique ? Quel est leur sentiment sur la demande du marché actuel ? Ils ont ainsi réalisé une étude auprès des cliniques mixtes et équines pures néerlandaises. Dans le pays, le secteur du cheval est en pleine croissance, particulièrement les disciplines du saut d’obstacles, du dressage et de l’attelage. Par rapport aux autres Etats européens, le domaine des courses (trot, galop) est peu développé. Une tendance à la spécialisation vétérinaire par espèce est notée, et même par discipline pour une même espèce. La profession compte quatre cent quinze praticiens équins et soixante-trois spécialistes nationaux ou internationaux.
Trente-quatre cliniques (soit 16 % des structures du pays), employant 22 % du nombre total de vétérinaires équins, ont répondu à un questionnaire complet, en janvier 2003, concernant leur situation financière, leurs compétences et les examens pratiqués, et ont pris l’avis personnel de chaque vétérinaire.
Les questions relatives aux services offerts incluaient la nature du service en lui-même, sa fréquence, l’évolution de la demande en clientèle depuis les cinq dernières années, le temps moyen pour le réaliser et son tarif de facturation au client. Du côté économique, le chiffre d’affaires annuel, celui par catégorie animale (équidés, animaux de compagnie ou de rente) et la nature des dépenses (personnel, locaux, investissements) ont été étudiés, avec une évolution sur cinq ans.
Un revenu par unité de temps investi dans une intervention et un revenu par cheval ont été calculés pour comparer des données économiques statistiquement significatives entre les différentes cliniques de l’étude et identifier ainsi les facteurs de succès et d’échecs financiers.
Bien que les structures aient été sélectionnées sur la présence d’au moins un praticien équin pur, moins de la moitié de leurs revenus totaux sont issus de l’activité équine. Les animaux de compagnie, les bovins et dans une moindre mesure les porcs génèrent la majorité des revenus. Sur les cinq dernières années, le chiffre d’affaires des cliniques a augmenté, surtout grâce à l’activité équine et canine. Le montant total des dépenses annuelles s’est accru pendant la même période, sans différence notable entre les diverses catégories observées.
En comparant le pourcentage de temps consacré à la pratique équine et le taux de revenu généré entre les cliniques mixtes et équines pures, il apparaît que dans les premières, le revenu issu de l’activité équine est similaire à celui d’autres activités, alors que dans les secondes, le chiffre d’affaires de l’activité équine est plus élevé.
La majorité du revenu est générée par les interventions liées au système locomoteur (27,2 %), à la gynécologie (17,2 %), aux visites de vente et d’achat (15,5 %), au système digestif et aux maladies métaboliques (11,3 %), aux vaccinations (7,8 %). Les interventions sur le système locomoteur et digestif génèrent un revenu proportionnel au temps passé, alors que l’activité gynécologique engendre un investissement en temps élevé, pour des revenus inférieurs à la moyenne des autres services. En revanche, les activités “visite d’achat” et “reproduction mâle” sont proportionnellement plus rentables par unité de temps que les autres.
Les cliniques équines possèdent une capacité d’accueil plus grande et des moyens techniques plus importants (anesthésie par inhalation, appareils de monitoring, etc.). Elles ont davantage de matériel endoscopique et arthroscopique à leur disposition, mais il n’y a pas de différences significatives avec les mixtes en termes d’accès à l’échographie, à la radiologie et aux services de laboratoire (analyses sanguines, bactériologie, parasitologie, etc.).
Le temps consacré aux examens des chevaux (hors transport) est en moyenne de 71,4 heures par mois, au lieu de 34,1 heures dans les cliniques mixtes. Ainsi, le revenu par heure de travail effectif auprès de l’animal est de 196 € pour les structures équines versus 209 € pour les mixtes (avec d’importantes variations individuelles, de 42 à 450 €/h !). En incluant le temps de trajet des consultations ambulatoires, le revenu par heure de travail passe à 140 € pour une clinique équine et à 150 € pour une clinique mixte. Le revenu total par cheval est de 151 € en pratique équine, au lieu de 110 € en exercice mixte.
Les auteurs s’attendaient à de meilleures performances des cliniques d’équine pure en termes de revenu par heure de travail auprès du cheval et de revenu par animal. Pourtant, les praticiens mixtes génèrent au moins autant et parfois plus de revenus par heure de travail effectif, avec moins de facilités d’installation et d’équipement, donc moins de coûts. Cela peut être mis en relation avec le fait que les activités les plus rentables au niveau du rapport coût/horaire, et majoritaires en termes de revenus, sont celles qui sont accessibles à des praticiens mixtes, y compris seulement ambulatoires (examens de vente et d’achat, gynécologie, vaccinations, pathologie locomotrice, soins de plaies, soins dentaires, etc.).
Plusieurs points communs rapprochent les trois cliniques les plus rentables en termes de rapport temps/chiffre d’affaires. Ainsi, leur gamme de services est moins étendue (donc l’investissement matériel est moindre), leur mode de fonctionnement est essentiellement ambulatoire, et leurs honoraires sont convenables. A l’inverse, les cliniques les moins rentables de l’étude facturent des frais de déplacement élevés, demandent des honoraires insuffisants en gynécologie et n’offrent pas de services rentables en termes de temps de travail. Le revenu rapporté à l’heure de travail est trop bas.
D’après l’enquête, les vétérinaires équins qui privilégient, dans leur activité, le travail de diagnostic et la chirurgie sous anesthésie générale ont le même revenu horaire que ceux qui exercent surtout en ambulatoire, avec peu d’investissement matériel (mais, en corollaire, avec un temps de travail mensuel plus long). Dans le futur, il pourrait donc être avantageux de développer ce secteur. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’une clinique bien équipée en matériel et en locaux ne garantit pas un revenu supérieur par heure de travail ou par cheval.
L’ambition des praticiens équins qui souhaitent constamment améliorer leurs performances professionnelles peut se heurter à des difficultés si leurs honoraires ne sont pas assez élevés. La médecine vétérinaire équine ne doit pas seulement être une vocation, mais aussi une entreprise viable à part entière.
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