Entre nous
VOUS AVEZ LA PAROLE
Auteur(s) : Jacques Amédéo (A 75)
Les témoignages(1) le confirment, les murs des écoles vétérinaires ont stoppé net les turbulences de la rue en mai 68. Cependant, elles sont certainement à l’origine d’une vague de fond beaucoup plus spectaculaire, en mars 1972. Il est en effet difficile d’expliquer les événements qui perturbèrent l’école d’Alfort durant trois à quatre mois sans chercher leur origine dans la tempête survenue quatre ans plus tôt. Les élèves qui, en mai 68, étaient au lycée, en terminale ou en prépa ont vécu cette période bien différemment de leurs futurs collègues, déjà dans les ENV. Le “phénomène Join-Lambert/Devisme” et les polémiques irritantes d’Olivier Hurstel sur l’enseignement vétérinaire ne peuvent se comprendre sans voir dans leur engagement iconoclaste et contestataire le prolongement de réflexions issues de mai 68. Il faut imaginer la surprise des étudiants qui, ayant vécu les événements, ont retrouvé dans les écoles vétérinaires une situation « guère changée depuis la période de Bourgelat », selon Olivier Hurstel. Imaginons la rencontre des mandarins qui verrouillaient l’évolution de l’enseignement dans les ENV avec ceux qui avaient quasiment défenestré leurs homologues des universités peu d’années auparavant !
A défaut de parler de mai 68, je préfère évoquer Alfort 72. Cette année-là, en mars, un assistant particulièrement apprécié des étudiants se voit fermer les portes de l’enseignement. Un incident banal… sauf quand, dans cette même école, le duo Join-Lambert et Devisme rencontre le révolté Olivier Hurstel. L’incident provoque une assemblée générale : la grève des cours et des examens est décidée à la quasi-unanimité. Des commissions d’études et de propositions sur les cours, les travaux dirigés et la réforme de la prépa commencent à siéger. Des anciens, écoutés avec passion, témoignent sur l’avenir de la profession et l’évolution de l’agriculture.
Je n’ai malheureusement pas retrouvé les “Actes d’Alfort 72”, mais je me souviens précisément de quelques axes de revendication :
- la prépa en deux ans pour établir un lien avec les prépas agro et sortir la prépa véto de son isolement ;
- l’ouverture vers les programmes des facs pour permettre un passage plus facile lors d’échec au concours ;
- un enseignement pluridisciplinaire, groupé sur des thématiques précises ;
- un contrôle continu à l’issue de ces “blocs d’enseignement” pour supprimer le stérile bachotage de fin d’année ;
- un enseignement optionnel et approfondi en 4e année ;
- l’ouverture des écoles vétérinaires à des enseignants provenant d’horizons différents ;
- une reconstruction des programmes selon l’évolution du métier de vétérinaire ;
- la fin des sacro-saintes “chaires”, voire des « chapelles » (selon le terme de Philippe Join-Lambert) ;
- la suppression du poste autoproclamé “d’inspecteur des écoles vétérinaires” d’un certain professeur de pharmacie de Toulouse.
J’ai en mémoire, lors des forums, les exposés sur le rôle du vétérinaire dans les élevages industriels, l’approche de la maladie au niveau du troupeau et la fin programmée de la “seringue d’or” du vétérinaire. Lors de ces forums, la contribution de jeunes enseignants comme François André, Monique Wyers et d’autres était particulièrement appréciée.
L’épilogue de cette tourmente a été moins glorieux : refus des autres écoles de suivre “l’exemple alforien”. La cocasse épopée de la casquette du général Courtade qui, quittant les vestiaires de l’Institut Mérieux, se retrouva provisoirement sur la tête des célèbres statues de l’ENVA, a donné une note d’humour à un mouvement qui commençait à s’essouffler. Vinrent ensuite la menace de fermeture de l’école par Bernard Pons, la pose de micros dans la salle du conseil des professeurs et la révélation de leur incroyable cynisme, le vote de la reprise des examens, le “matraquage” de la promotion de 2e année par le professeur d’alimentation (trente redoublants dont certains choisis à l’aveuglette parmi les plus brillants étudiants)… et la reprise des cours en septembre comme si de rien n’était.
Cela a peut-être laissé un goût amer à certains, mais aussi la certitude, pour beaucoup, que plus rien ne serait comme avant, ce qui s’est vérifié quelques mois et années après, au niveau tant de la profession que des écoles. La révolution des ENV n’avait pas eu lieu, mais le progrès se mettait en marche. Aujourd’hui, quarante ans plus tard (ou plutôt trente-six…), cette marche en avant (trois pas en avant, deux pas en arrière) se poursuit (certaines réformes ne vous rappellent pas quelque chose ?).
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