Orthopédie
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Damien Devaux*, Bertrand Pucheu**
Fonctions :
*praticien à la clinique Saint-Maur, à La Madeleine (Nord)
**praticien à la clinique Saint-Maur, à La Madeleine (Nord)
En se fondant sur des critères biomécaniques et anatomiques pour le choix du traitement, le pronostic est bon. Une boiterie peut toutefois persister.
Un lévrier afghan âgé de cinq mois est présenté en consultation pour une boiterie antérieure consécutive à un accident de la voie publique. L’examen clinique général ne révèle aucune anomalie, l’examen orthopédique met en évidence une boiterie permanente du membre antérieur droit et une douleur à la mobilisation de l’épaule ipsilatérale.
Après la réalisation d’un examen clinique et radiographique écartant la présence de lésions concomitantes, une tranquillisation (xylazine à 2 mg/kg et kétamine à 5 mg/kg par voie intraveineuse) permet la prise de deux clichés radiographiques du membre antérieur droit (incidences médio-latérale et ventro-dorsale). Ils révèlent une fracture du tubercule supraglénoïdal et une fracture oblique distale de l’épine scapulaire (voir clichés 1 et 2). L’animal est hospitalisé dans l’attente d’une intervention chirurgicale, prévue le lendemain.
Un protocole analgésique est mis en œuvre (chlorhydrate de morphine à 0,5 mg/kg par voie intramusculaire et carprofène à 4 mg/kg par voie sous-cutanée). Après une prémédication par voie intramusculaire (acépromazine à 0,05 mg/kg et chlorhydrate de morphine à 0,5 mg/kg), l’induction de l’animal est effectuée au thiopental sodique (10 mg/kg par voie intraveineuse). Après la mise en place de l’intubation endotrachéale et du relais gazeux (oxygène et isoflurane), le membre antérieur droit est préparé chirurgicalement.
Un abord crânio-latéral de l’épaule est réalisé. Après l’incision de la peau et du fascia, le muscle supra-épineux est récliné cranialement et permet de visualiser la fracture oblique de l’épine scapulaire (voir photo 3). La visualisation de la fracture du tubercule supraglénoïdal est réalisée par le même abord, en réclinant cranialement le tendon du muscle supra-épineux et caudalement la partie acromiale du muscle deltoïde, ainsi que le muscle infra-épineux. Cela permet de voir la fracture du tubercule supraglénoïdal et l’intégrité du nerf suprascapulaire (voir photo 4). Une fois la réduction anatomique du tubercule supraglénoïdal obtenue et maintenue par un davier à pointe, la stabilisation est réalisée au moyen de deux broches de Kirschner (1,8 mm) et d’un hauban (0,8 mm). La fracture de l’épine scapulaire est stabilisée par deux broches de Kirschner (1,8 mm) au niveau de l’acromion, associées à un hauban (cerclage de 0,8 mm) et à une plaque DCP en L droit de 2,7 mm pour assurer une plus grande stabilité au montage (voir photo 5). Après un rinçage, la plaie est fermée plan par plan. La réalisation de clichés radiographiques postopératoires montre une réduction satisfaisante des fractures (voir clichés 6 et 7). Le membre est maintenu par une écharpe Velpeau® avant le transfert en salle de réveil.
A la suite d’une hospitalisation de vingt-quatre heures, l’animal est rendu à ses propriétaires avec une prescription de céfalexine (15 mg/kg, per os, deux fois par jour) et de carprofène (4 mg/kg, per os, une fois par jour). Un exercice réduit est recommandé pendant six semaines. L’écharpe Velpeau® est retirée dix jours après l’intervention. Au contrôle clinique deux mois après l’opération, l’animal ne présente aucune boiterie et une radiographie confirme la cicatrisation complète des fractures.
Les fractures de la scapula sont rares et représentent entre 0,5 et 2,5 % des fractures rencontrées chez le chien. Comme dans ce cas, elles surviennent souvent après un choc violent comme un accident de la voie publique (68 à 95 % des cas suivant les études) et touchent principalement des animaux jeunes (70 % ont moins de quatre ans). Ainsi, elles sont considérées comme des fractures à haute énergie, souvent associées à d’autres lésions. Selon les études, des lésions concomitantes sont observées dans 56 à 70 % des cas, en particulier au niveau du thorax (32 à 72 % des cas), mais aussi des fractures sur d’autres membres (16 à 56 % des cas). Le nerf suprascapulaire est souvent atteint lors de fracture du col de la scapula, mais l’absence de branche cutanée rend difficile l’évaluation préopératoire de son intégrité. Les propriétaires doivent donc être prévenus qu’une éventuelle lésion de celui-ci entraîne une atrophie des muscles infra-épineux et supra-épineux et une proéminence de l’épine scapulaire.
La classification des fractures de la scapula se faisait classiquement selon la localisation du trait de fracture, sans tenir compte des principes biomécaniques indispensables dans le choix objectif d’une thérapie conservatrice ou chirurgicale. Une classification combinant des critères biomécaniques (fracture stable ou instable) et anatomiques (articulaire ou non) est, par conséquent, privilégiée aujourd’hui (voir arbre décisionnel en page 46).
Les fractures articulaires désignent celles de la cavité glénoïdale et du tubercule supraglénoïdal. Les fractures de la cavité glénoïdale concernent majoritairement la partie craniale de l’articulation (environ 60 % des cas). Ces fractures en T ou en Y nécessitent une réduction anatomique et une stabilisation rigide pour réduire le risque de dégénérescence arthrosique et pour assurer une récupération fonctionnelle optimale. Leur stabilisation se fait au moyen d’une vis de compression ou de broches de Kirschner en croix. Si la taille des fragments rend la réduction anatomique impossible, un traitement conservateur ou une arthrodèse de l’épaule peuvent alors être envisagés. Les fractures du tubercule supraglénoïdal se rencontrent chez de jeunes animaux en croissance. En effet, ce tubercule possède un centre d’ossification propre et la contraction du muscle biceps, lors du choc, provoque des fractures par avulsion. Le fragment est souvent fortement déplacé et nécessite un abord large par ostéotomie ou ténotomie du tubercule majeur de l’humérus. La mise en place de vis de compression ou de broches de Kirschner, associées à un hauban, constitue le traitement de choix.
En présence de fractures extra-articulaires, le clinicien doit évaluer la stabilité de la fracture. Les fractures “instables” nécessitent un traitement chirurgical. Cependant, la notion d’instabilité est parfois difficile à évaluer, puisqu’elle est liée non seulement à des critères intrinsèques à la fracture (localisation, déplacement des fragments), mais aussi à des critères extrinsèques relatifs à l’animal (comportement, activité, poids, etc.).
Les fractures proches d’une zone d’insertion musculaire soumise à une traction importante (acromion), ou celles fortement déplacées qui peuvent léser des structures nobles adjacentes (col, corps distal de la scapula), sont considérées comme instables. En effet, lors de fracture acromiale, la traction de l’insertion du muscle deltoïde génère une traction intermittente qui limite la cicatrisation. La stabilisation chirurgicale s’effectue généralement par la mise en place de deux broches de Kirschner et d’un hauban. Les fractures du col sont plus rares, mais causent souvent une instabilité de l’articulation scapulo-humérale. Leur traitement chirurgical repose sur la mise en place de deux broches de Kirschner en croix ou d’une plaque en L ou en T.
Les fractures extra-articulaires stables sont principalement des fractures éloignées de l’articulation, non soumises aux tractions musculaires (épine scapulaire), et des fractures faiblement déplacées (corps de la scapula, voir cliché 8). Certaines fractures du col peuvent être classées dans cette catégorie et non traitées chirurgicalement. Cependant, le passage du nerf suprascapulaire sur le col implique un risque de neuropraxie secondaire en cas de déplacement des fragments.
Avant de faire le choix d’un traitement conservateur, le clinicien doit toujours envisager les facteurs extrinsèques liés à l’animal tels que son poids, sa tolérance à la thérapie conservatrice et sa destination (animal de travail). Le traitement conservateur repose sur la mise en place d’une écharpe de Velpeau® qui immobilise le membre et une activité réduite pendant quatre semaines. L’écharpe est à retirer après deux à trois semaines (dix jours chez le jeune) pour éviter la contracture des tendons fléchisseurs du carpe et la fibrose du muscle triceps.
En se fondant sur des critères biomécaniques pour le choix du traitement, le pronostic des fractures de la scapula est bon. Toutefois, en présence de fractures articulaires (cavité glénoïdale et tubercule supraglénoïdal), la récupération, souvent plus lente, s’accompagne d’une boiterie persistante d’intensité variable dans 85 % des cas. Les complications les plus fréquemment rencontrées sont les non-unions, les dégénérescences arthrosiques précoces et les infections qui sont souvent la conséquence d’une instabilité résiduelle ou d’une mauvaise technique chirurgicale.
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