Pascal Sulzer exerce son métier à Londres depuis une huitaine d’années

Changement de millénaire, changement de vie. En 2000, notre confrère Pascal Sulzer (A 87) quitte la clinique de Chartres où il travaillait depuis onze ans pour traverser la Manche avec toute sa famille. « Une certaine lassitude professionnelle s’était installée. En plus, je voulais que mes enfants soient bilingues. Tout cela m’a décidé à partir, malgré les obstacles », explique-t-il. Aujourd’hui, une salle de l’Elizabeth Street Clinic est mise à sa disposition et il est le seul vétérinaire français à exercer à Londres.

Le but est de cibler une niche de clientèle précise : les Français

Pourtant, des obstacles, il y en a eu. Pascal Sulzer parle un anglais “scolaire” et ne connaît personne sur place quand il décide de quitter la France. « Il a fallu faire son trou, rencontrer des confrères anglais pour connaître le marché, reconnaît-il. C’était une période difficile. Je ne pouvais même pas ouvrir un compte bancaire, car je n’avais pas de travail. »

Une rencontre avec un vétérinaire britannique va tout changer. Les deux hommes deviennent amis et décident de s’installer ensemble. Rapidement, ils se rendent compte de la difficulté d’ouvrir une clinique à Londres, car les règles d’implantation sont particulièrement strictes. Le projet tombe à l’eau, mais l’ami de Pascal Sulzer lui fait une proposition inédite. Il est l’un des quatre investisseurs qui possèdent la clinique d’Elizabeth Street, dans le centre de Londres. Il lui propose donc un partenariat. Notre compatriote peut utiliser la clinique quand il en a besoin, à condition de viser une niche de clientèle précise : les Français. « Je n’ai pas le droit de communiquer vers la clientèle britannique pour ne pas faire de concurrence à mes confrères, souligne-t-il. Mon rôle est d’attirer une autre clientèle. » Ainsi, Pascal Sulzer communique directement sur son site Internet ou à travers les nombreux journaux français de la capitale anglaise. En échange de l’utilisation du matériel et du personnel de la clinique, il reverse un pourcentage de ses honoraires.

La pratique outre-Manche est particulièrement codifiée

Petit à petit, le bouche-à-oreille fait son œuvre et notre confrère commence à exercer. « J’ai appris le jargon vétérinaire anglais sur le terrain, souligne-t-il. Mon anglais était correct, mais sans plus. D’ailleurs, je suis encore loin d’être parfait aujourd’hui. Mes enfants parlent mieux que moi ! »

Le french vétérinaire découvre alors les pratiques britanniques, une façon de travailler différente de tout ce qu’il avait connu. « Tout est codifié, constate-t-il. Il y a beaucoup de procédures à suivre à la lettre, de règles à respecter sans faute. » Les poursuites judiciaires en cas de pépin sont aussi beaucoup plus nombreuses… Toutes ces procédures servent en fait à s’en prémunir.

Il découvre alors que les animaux sont presque toujours anesthésiés, même pour une radiographie. Ils sont systématiquement intubés en cas d’opération, même pour une castration de chat. Au final, Pascal Sulzer apprécie cette nouvelle façon de travailler. « Avec ce système, tous les animaux sont traités exactement de la même façon, rien n’est jamais fait en vitesse. » Effectivement, au moins un quart d’heure est consacré à la préparation des animaux avant toute intervention. Du coup, les tarifs sont beaucoup plus élevés qu’en France. Le coût de la chirurgie est cinq fois plus important. D’ailleurs, il est recommandé aux propriétaires de prendre une assurance pour leur animal.

« Il y a aussi de nombreuses infirmières, très compétentes, ajoute notre compatriote. Elles ont beaucoup plus de responsabilités que les auxiliaires en France. » Dans la clinique où il travaille, il y a sept salariés non vétérinaires pour un vétérinaire.

Aujourd’hui, Pascal Sulzer exerce deux ou trois matinées par semaine. La demande ne lui permet pas de travailler plus. Il effectue beaucoup de vaccinations et de nombreuses procédures de départ ou de retour en Angleterre pour les animaux de compagnie. Il a progressivement intégré une clientèle d’expatriés d’autres nationalités pour compenser l’évasion des Français. En effet, ces derniers ne restent qu’un an ou deux ans à Londres, en général, et il y a un turn-over important de la clientèle française installée dans la capitale britannique, où tout est plus cher qu’en France. « C’est quelque chose que je n’avais pas prévu au départ », remarque-t-il. Notre confrère renouvelle ainsi un tiers de ses clients chaque année.

Au final, Pascal Sulzer semble plutôt satisfait de son choix, pourtant pas évident au départ. Il se voit bien passer encore quelques années à Londres. « Mes deux enfants de douze et quatorze ans vont certainement passer leur baccalauréat ici, réfléchit-il. Après, on verra. J’aimerai bien vivre à cheval entre la France et l’Angleterre ! »