Quelles évolutions de l’exercice canin vous ont marqué durant la dernière décennie ?

L’essor de l’informatique et de l’Internet

Les dix dernières années sont surtout marquées par l’essor de l’informatique et de l’Internet. L’informatisation des cabinets a facilité la gestion comptable, comme celle des stocks et des fiches clients. L’Internet nous permet de nous former à distance, de rechercher des informations rapidement (oublié le Minitel pour retrouver le propriétaire d’un chat ou d’un chien !) et de discuter avec des confrères via des forums. Cet outil accélère aussi la rapidité des commandes auprès des fournisseurs. Mais l’Internet permet également aux clients de s’informer ou de se désinformer. Ainsi, ils arrivent de plus en plus souvent en consultation avec leur diagnostic, et même parfois le nom du traitement qui convient à leurs animaux, le tout avec plus ou moins de succès. Nous avons par ailleurs assisté au développement ou à la réactualisation de bon nombre de réglementations plus ou moins casse-pieds. Je citerai en premier lieu la limitation d’accès à certains médicaments, réservés aux cliniques vétérinaires (comme les anesthésiques gazeux), ou même l’interdiction totale de différents produits aux vétérinaires, alors que plusieurs nous étaient fort utiles sans nuire à la santé publique (le cisapride, par exemple). Ensuite vient la radioprotection, pour laquelle les exigences sont revues à la baisse, car nos instances ont prouvé que nous ne sommes pas des dangers publics ! J’évoquerai aussi la formation continue qui va peut-être devenir obligatoire, alors que beaucoup de vétérinaires s’y astreignent sans qu’il soit nécessaire de leur fixer un quota annuel.

Du côté de la clientèle, nous avons surtout noté l’arrivée massive des NAC dans nos salles d’attente, ainsi qu’une hausse des chats.

Une baisse de la population canine à Paris

Le développement de l’Internet est incontestablement ce qui a eu le plus d’impact sur notre pratique quotidienne. L’accès aux publications internationales et aux sites vétérinaires offre des possibilités multiples de formation continue. La communication avec la clientèle est plus ciblée et personnalisée. La gestion administrative de la clinique a gagné en fonctionnalité (communication avec les organismes sociaux, les banques, les fournisseurs, etc.). Mais nos clients ont aussi accès à toutes sortes d’informations, ce qui ne simplifie pas toujours l’exercice. La clientèle féline et celle des NAC se sont développées, mais le plus marquant, à Paris, c’est la forte baisse de la population canine. Prépondérante à la fin des années 90 (environ 70 % de chiens et 30 % de chats), elle ne représente que 30 % de notre activité.

L’essor de l’imagerie médicale vétérinaire et le professionnalisme des confrères qui ont développé l’échographie puis le scanner et l’IRM nous ont permis d’avoir accès à des moyens de diagnostic incomparables et de faire en sorte que la clientèle nous considère comme une profession performante. L’imagerie au sein de la clinique a aussi beaucoup évolué : des échographes puissants et financièrement abordables améliorent notre réactivité et la précision diagnostique. L’investissement dans un système de radiologie numérique voici trois ans a également changé notre pratique. Ces équipements, couplés aux analyseurs de biochimie et d’hématologie, permettent de rendre des résultats rapides, ce qui est apprécié par notre clientèle. Par ailleurs, les vétérinaires itinérants nous permettent d’offrir, dans nos locaux, des services spécialisés. Les propriétaires bénéficient de leurs compétences et notre équipe de leur pédagogie.

En dernier lieu, j’ai assisté, au fil des dix dernières années, à l’amélioration continue de la formation spécialisée, notamment au niveau de l’internat des écoles vétérinaires. La possibilité offerte aux étudiants de poursuivre leur cursus à l’étranger nous permet aussi de rencontrer et de travailler avec de jeunes confrères de haut niveau.

Les chats sont maintenant pris en considération

Praticienne en clientèle canine en milieu urbain depuis dix ans, j’ai constaté une évolution des mentalités et des besoins des propriétaires. Aujourd’hui, nous parlons de NAC. Par ailleurs, la médicalisation des chats s’est accentuée. Ils ne sont plus les parents pauvres de la médecine vétérinaire : des congrès, des cliniques et des livres leur sont dédiés, les médicaments sont adaptés.

Médicalement et chirurgicalement, les traitements et les techniques sont de plus en plus performants : recours à la chimiothérapie, aux examens tomodensitométriques, études génétiques des maladies, etc. Référer les animaux suivis n’est plus un signe d’incompétence, mais de conscience professionnelle. Parallèlement, les clients sont plus exigeants en matière de soins et de moyens utilisés. L’information qu’ils recherchent sur l’Internet est sans doute pour beaucoup dans cette attitude. Cette décennie est également marquée par l’évocation fréquente du stress chez le vétérinaire (un paradoxe pour un professionnel qui soigne des animaux à l’effet rassurant et apaisant !) : face aux propriétaires, aux lourdeurs administratives, aux contraintes législatives (radioprotection, formation continue, etc.), à la gestion du personnel.

La médecine doit continuer à évoluer en tenant compte des réalités du terrain et des vétérinaires (par exemple via une formation sur les NAC, des médicaments qui leur sont spécifiquement dédiés, etc.).