Infection due à Plasmodium chez les oiseaux
Formation continue
FAUNE SAUVAGE ET NAC
Auteur(s) : Antoine Leclerc
Les oiseaux sont frappés de manière variable par cette infection, souvent mortelle chez les sphénisciformes.
Le paludisme est une infection causée par des hémosporidies du genre Plasmodium, à transmission vectorielle. Bien connu chez l’homme, il peut également toucher d’autres vertébrés, notamment les oiseaux. Toutefois, sa fréquence et sa malignité au sein de cette classe sont particulièrement variées, puisqu’elle peut être courante et totalement bénigne chez certains oiseaux ou extrêmement débilitante, voire fréquemment mortelle au sein de certains ordres. C’est notamment le cas chez les sphénisciformes (manchots), dont les représentants peuvent être infectés par trois espèces de Plasmodium (P. relictum, P. elongatum et P. juxtanucleare) transmises par des culicidés. Les Plasmodium qui infectent les oiseaux sont des espèces spécifiques à cette classe, ce qui signifie que toute transmission à l’homme (ou à un autre mammifère) est impossible.
Les infections à Plasmodium sont fréquentes chez les manchots détenus dans des parcs zoologiques, où elles représentent une cause majeure de mortalité. De nombreux cas ont été rapportés dans les zoos d’Amérique du Nord et d’Europe, ainsi qu’en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande. Il s’agit du premier facteur de mortalité chez les individus maintenus dans des enclos extérieurs et au sein des populations captives de manchots du Cap (Spheniscus demersus). L’infection est souvent — et massivement — fatale chez les jeunes, puisqu’au moins la moitié des poussins, des juvéniles et des jeunes adultes exposés pour la première fois au vecteur peuvent succomber chaque année faute d’une surveillance intense et de la mise en place d’une chimiothérapie. La maladie peut donc anéantir les stratégies de reproduction et, selon certains auteurs, l’infection serait sous-estimée.
Concernant les populations sauvages de manchots, l’impact du paludisme est sujet à controverse, même si des infections sont clairement rapportées en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans diverses îles du Pacifique Sud.
L’infection par Plasmodium des manchots captifs est saisonnière. Des décès sont rapportés de mai à octobre, avec un pic au mois d’août, qui correspond à la densité maximale des populations locales du vecteur. Plusieurs auteurs ont tenté d’expliquer la sensibilité marquée des sphénisciformes. Certains avancent l’absence d’exposition au vecteur lorsque les manchots sont dans leur milieu naturel, pour des raisons climatiques ou écologiques. Cependant, contrairement à une idée reçue, tous les manchots ne vivent pas sur la banquise, et beaucoup sont confrontés à des culicidés. En outre, des infections sont décrites au sein de colonies sauvages, d’où la seconde hypothèse, qui consiste en l’absence de protection croisée entre des sous-espèces sauvages et les Plasmodium contractés dans les zoos. Quoi qu’il en soit, la sensibilité des manchots reste en partie inexpliquée.
La maîtrise de l’infection dans les zoos se révèle complexe, car elle passe par l’immunisation naturelle des individus et/ou la rapidité du diagnostic de l’infection dans le but de mettre en place un traitement au plus vite. En effet, la plupart des manchots succombent sans présenter le moindre prodrome. Les symptômes, s’ils apparaissent, sont en outre subtils et non spécifiques (anorexie, abattement, parfois vomissements ou dyspnée). Un seul cas de guérison véritable (c’est-à-dire chez des manchots traités après l’apparition des premiers signes) est rapporté.
Le diagnostic de certitude passe par la mise en évidence directe du parasite sur un frottis sanguin ou sur une coupe histologique d’organe (surtout le foie, la rate, le rein, le poumon ou le cœur) post mortem. D’autres outils performants (Elisa ou PCR) existent, mais leur mise en œuvre au quotidien est encore difficile en France, car aucun laboratoire ne les propose en routine. Du côté de l’arsenal thérapeutique, l’efficacité de la chloroquine et de la primaquine est discutée, même si ces molécules, souvent associées, sont les plus fréquemment citées dans la littérature. La doxycycline et la pyriméthamine pourraient donner de bons résultats (notamment en prophylaxie), mais les preuves concrètes de leur efficacité chez les manchots sont encore inexistantes.
Un vaccin a été développé aux Etats-Unis, mais les études relatives à ce produit sont abandonnées, faute d’efficacité clairement démontrée. Les deux stratégies actuellement adoptées dans les zoos sont donc la réalisation systématique et hebdomadaire de frottis sanguins chez les manchots et le traitement des individus parasités (technique lourde et chronophage choisie outre-Atlantique dans le but d’immuniser les individus) ou la chimioprévention systématique du printemps à l’automne (qui semble donner de bons résultats au zoo de La Palmyre).
Les manchots sont une composante majeure de la biomasse des régions océaniques australes et ils jouent un rôle écologique central. De nombreuses espèces sont menacées par la destruction de leur habitat, la disponibilité de leur nourriture (pêche) et la perturbation de leur reproduction. Cependant, la plupart des espèces de manchots sont protégées et l’effectif de certaines populations est aujourd’hui en hausse. La conservation de ces espèces in situ ou ex situ et la maîtrise sanitaire de ces populations sont donc primordiales.
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