Médecine interne
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Jérôme Séguéla
Le dosage de la lipase canine spécifique du pancréas (cPL) est une méthode diagnostique sensible et spécifique des pancréatites chez le chien.
Les lésions du pancréas sont retrouvées dans 1 à 2 % des cas lors des études nécropsiques chez le chien. Les pancréatites fulminantes, associées à une morbidité importante, sont bien connues, mais elles ne représentent finalement que peu de cas. En réalité, les formes asymptomatiques, subaiguës ou chroniques totalisent 90 % des cas et sont sous-diagnostiquées. Cela est surtout lié à la faible sensibilité des tests diagnostiques habituellement utilisés que sont le dosage des lipases et l’échographie. En pratique courante, le dosage de la lipase pancréatique spécifique du pancréas (cPL), soit par radio-immuno-essai (canine pancreatic lipase immunoreactivity, cPLI), soit par enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa), présente un réel intérêt.
Les pancréatites sont dues à l’activation locale des enzymes produites par le pancréas (activation des grains de zymogène inactifs par les enzymes des acini).
Les formes suraiguës sont secondaires à une activation locale, une libération intra-abdominale et sanguine d’enzymes et de médiateurs de l’inflammation. Il en découle un syndrome de réponse inflammatoire locale et systémique, ainsi qu’un syndrome de dysfonctionnement organique multiple.
Les formes aiguës sont secondaires à une activation strictement locale des enzymes qui engendrent des lésions limitées au pancréas et aux zones péripancréatiques (cytostéatonécrose). Les formes chroniques sont dues à une infiltration de cellules inflammatoires et de fibrose du pancréas. Il s’agit, dans ce cas, de lésions irréversibles qui peuvent entraîner une insuffisance pancréatique exocrine, voire un diabète sucré. Une hypothèse de réaction auto-immune est également émise, comme chez l’homme.
Les signes cliniques ne sont ni spécifiques ni caractéristiques (appétit capricieux, anorexie, vomissements, douleur abdominale, asthénie, abattement, etc.) et sont souvent masqués ou combinés à d’autres affections (hépatopathies, entéropathies, néphropathies). Ils sont uniquement compatibles avec… une pancréatite.
Auparavant, le diagnostic de pancréatite était fondé sur des symptômes compatibles associés à une activité catalytique sérique des amylases et/ou des lipases supérieure à plus de trois fois la valeur supérieure de référence. Or ces tests posent un réel problème de sensibilité (55 % pour la lipase, 62 % pour l’amylase). Seulement 69 % et 39 % des chiens atteints de pancréatite ont respectivement une amylasémie et une lipasémie élevées. La demi-vie courte de l’amylase (vingt-quatre à quarante-huit heures) fait qu’une valeur dans l’intervalle de référence ne permet pas d’exclure une pancréatite. Il existe également un problème de spécificité (73 % pour la lipase, 57 % pour l’amylase). L’amylase se trouve dans le foie, mais aussi dans l’intestin ; la lipase est présente dans le gros intestin et les vaisseaux sanguins. En outre, des affections telles que des glomérulonéphrites, des hépatopathies, des néoplasmes peuvent provoquer une augmentation de la concentration de ces enzymes.
La sensibilité de la radiographie n’est que de 24 %, mais reste intéressante dans le diagnostic différentiel, notamment pour la recherche de signes d’occlusion.
L’échographie possède une sensibilité de 68 %(1), mais les résultats de cet examen dépendent du manipulateur. Les images échographiques évocatrices de pancréatites ne sont visibles que lors de lésions sévères.
Aujourd’hui, d’autres outils diagnostiques sont disponibles, avec des validités intrinsèques variables. Ainsi, le dosage de la trypsine like immunoreactivity (TLI), avec une sensibilité de 38 %, présente peu d’intérêt. La sensibilité du dosage de la cPL, soit par radio-immuno-essai (test cPLI dosé aux Etats-Unis), soit par l’Elisa (dosage semi-quantitatif au cabinet avec le test Idexx Snap cPL®, ou dosage quantitatif au laboratoire Idexx d’Alfort avec Spec cPL®), est d’environ 82 %. La spécificité des deux tests Elisa est de 97 %. Il s’agit actuellement d’un outil diagnostique incontournable des pancréatites chez le chien.
Certaines données cliniques ou biologiques sont associées à un pronostic réservé lors de pancréatites aiguës ou suraiguës (voir encadré).
Les critères de Ranson, utilisés chez l’homme pour évaluer une pancréatite, sont adaptés au chien par P.J. Watson en 2004(2). Ce score repose sur l’évaluation de signes cliniques et biologiques (leucocytes supérieurs à 24 000/µl, créatinine supérieure à 30 mg/l, transaminases supérieures à trois fois les valeurs usuelles, bicarbonates supérieurs à 26 mmol/l, glycémie supérieure à 2,2 g/l) et semble être corrélé à la mortalité. Une valeur de 1 est attribuée pour chacun des paramètres cités. Si le score cumulatif est de 1 ou 2, il y a environ 20 % de mortalité. Pour des scores de 3 et 4, il y a respectivement environ 70 % et 100 % de mortalité.
La fluidothérapie est le premier geste de réanimation à mettre en place afin de corriger les désordres hydroélectrolytiques dus aux pertes digestives, pour éviter une ischémie du tissu pancréatique (en raison de l’hypovolémie). Le Ringer lactate, complémenté en potassium, est à utiliser en première intention. La transfusion de plasma frais permet d’apporter des anti-protéases et des protéines. Le contrôle des vomissements et des lésions digestives est primordial (maropitant, métoclopramide, ranitidine, sucralfate, etc.).
La prise en charge de la douleur est également essentielle à l’aide de morphine, de butorphanol, de fentanyl (patch) ou encore d’une perfusion associant morphine, lidocaïne et kétamine. L’antibiothérapie n’est pas systématique et est mise en place pour contrôler les complications locales ou systémiques (abcès, péritonite septique, translocation bactérienne, cholangite associée). Le métronidazole ou la marbofloxacine peuvent être utilisés. Les tétracyclines sont à proscrire.
L’alimentation entérale est essentielle et doit être précoce (vingt-quatre à quarante-huit heures) afin de contrôler le déficit calorique, d’éviter un iléus et l’atrophie des villosités intestinales, et de diminuer le risque de translocation bactérienne. Le Fortol® dilué aux deux tiers avec du glucose à 30 % semble être bien supporté. Les aliments humains de réalimentation, riches en glucides, sont bien adaptés. Il convient de choisir des aliments carencés en matières grasses et pas trop riches en protéines (aliment diététique low fat).
D’autres traitements sont utilisés, mais leur efficacité n’est pas démontrée (dopamine, sélénium, aprotinine).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont à proscrire, car ils engendrent de nombreux effets secondaires au niveau digestif. Les corticoïdes sont, depuis peu, rayés de la liste des médicaments toxiques pour le pancréas chez l’homme. Leur efficacité et leur innocuité ne sont toutefois pas démontrées en médecine vétérinaire pour les pancréatites. En outre, un monitorage clinique, biologique et échographique est indispensable. Une décision chirurgicale peut être prise lors de complications locales graves (péritonite septique, nécrose extensive, ulcères perforés, etc.), d’abcès pancréatiques, de masses nécrotiques ou phlegmoneuses, ou encore d’obstruction des voies biliaires. Un drainage abdominal, une exérèse de tissus nécrotiques, un débridement et une omentalisation des abcès peuvent être réalisés.
Lors de pancréatites chroniques, il est possible de prescrire des enzymes pancréatiques, en raison du risque d’insuffisance exocrine du pancréas. Certains auteurs évoquent un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion pancréatique. D’autres préconisent l’utilisation de corticoïdes pour une affection chronique.
Les pancréatites sont des affections qui peuvent être mortelles et sont une réalité actuelle. Le dépistage systématique est d’un réel intérêt pour mettre en évidence des formes subaiguës ou chroniques, inconnues hier, et encore sous-diagnostiquées aujourd’hui. Le dosage de la cPL est une méthode diagnostique sensible et spécifique des pancréatites. Les complications (insuffisance exocrine du pancréas, diabète sucré, prolifération bactérienne intestinale) doivent être recherchées.
(1) R.S. Hess et coll. : « Clinical, clinicopathologic, radiographic and ultrasonographic abnormalities in dogs with fatal acute pancreatitis : 70 cases (1986-1995) », Javma, 1998, vol. 213, n° 5, pp. 665-670.
(2) P.J. Watson, In Practice, 2004, vol. 26, pp. 64-77.
Patrick Lecoindre, diplomate de l’ European College of Veterinary Internal Medicine (Ecvim).
Article tiré de la conférence « Pancréatites canines : mythe ou réalité ? », organisée par le laboratoire Idexx, le 19/6/2008 à Alfortville (Val-de-Marne).
• La race : les terriers semblent surexposés. Les races les plus représentées sont également le cocker, le caniche, le labrador et le schnauzer nain (problème héréditaire lié à l’hyperlipémie familiale). La moyenne d’âge des animaux malades tourne autour de sept ans.
• Les médicaments : le bromure de potassium (toxicité idiosyncrasique, qui toucherait surtout les caniches), la L-asparaginase, l’azathioprine, les tétracyclines, les sulfonamides, les organophosphorés.
• Les affections intercurrentes : l’hypercalcémie (idiopathique ou paranéoplasique), les endocrinopathies (diabète sucré, hypothyroïdie), l’hypovolémie et l’hypoperfusion (choc, traumatisme, hypocorticisme, anesthésie).
• L’obésité, l’hyperlipémie, une alimentation riche en graisses.
J. S.• Atteinte multisystémique (cytolyse hépatique, cholestase, insuffisance rénale, hyperglycémie, hypo-albuminémie).
• Lactatémie supérieure à 3,5 mmol/l (valeurs usuelles : 0,5 à 3 mmol/l).
• Une valeur de cPL supérieure à 1 000 µg/l (avec le test Spec cPL®) semble être associée à des pancréatites nécrotico-hémorragiques (étude Idexx en cours).
• Epanchement abdominal.
• Cytologie d’épanchement avec des neutrophiles, ou une valeur de lipases supérieure à 8 700 U/l sur le liquide d’épanchement.
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