Techniques vaccinales en aviculture
Formation continue
FILIÈRES
Auteur(s) : Karim Adjou*, Khaled Kaboudi**
Les méthodes vaccinales collectives, dans l’eau de boisson ou par nébulisation, semblent faciles à mettre en œuvre. Mais leur application exige de la rigueur pour éviter d’éventuelles réactions ultérieures.
L’intensification des productions avicoles a nécessité la mise au point de vaccins susceptibles d’être administrés aux volatiles de façon collective, afin de lutter contre les principales maladies virales. En apparence, les techniques de vaccination dans l’eau de boisson ou par nébulisation paraissent simples. Cependant, il faut garder à l’esprit l’objectif, qui est d’administrer une dose à chacun des oiseaux. Pour y parvenir, de nombreuses règles sont à respecter.
Lors d’une vaccination dans l’eau de boisson, il convient en premier lieu de s’assurer que le système de distribution d’eau utilisé (abreuvoirs ou rampes) est correctement nettoyé, désinfecté et rincé abondamment pour éliminer les traces d’éventuels désinfectants. En présence de rampes, il est conseillé d’administrer un acide organique consommable par les animaux deux à trois jours avant la vaccination, afin d’éliminer le biofilm formé sur les parois internes des canalisations. Avant d’envisager les étapes suivantes, il n’est pas inutile de rappeler que le “vaccinateur” doit se laver soigneusement les mains.
Il est nécessaire que l’eau utilisée soit d’excellente qualité. Elle doit répondre aux normes de potabilité (pH proche de la neutralité, sans bactéries) et être dépourvue de toute trace de désinfectant et de chlore, ainsi que de tout ion métallique (notamment le fer), car ces diverses molécules peuvent inactiver les vaccins. L’adjonction de thiosulfate de sodium, à raison de 16 mg/l, a le pouvoir de neutraliser le chlore résiduel.
Du lait écrémé en poudre peut être ajouté à l’eau de boisson, à la dose de 2,5 g/l. Il protège le virus vaccinal et améliore sa stabilité. Cette poudre de lait permet aussi de visualiser la solution vaccinale (couleur blanchâtre) et de contrôler son arrivée aux points d’abreuvement (R.F. Gentry et M.O. Braune, 1972 ; A. Puybasset, 2004). Mais il faut veiller à bien dissoudre la poudre avant d’ajouter le vaccin, car il peut être précipité par les particules non solubilisées.
Le recours aux pastilles colorantes (sans danger pour les animaux) permet d’une part de contrôler l’arrivée de l’eau dans les systèmes d’abreuvement, d’autre part de vérifier la consommation de la solution vaccinale. Une fois la vaccination achevée, il est en effet possible d’évaluer le nombre de sujets qui ont bu ou ont été en contact avec le vaccin. Il suffit de prélever cent oiseaux et de compter ceux marqués par le colorant au niveau de la cavité buccale et du jabot (par transparence). La distribution est considérée comme satisfaisante lorsque la coloration s’observe sur au moins 90 % des sujets (D. Foumier, 1998 ; C. Cazaban, 2004 ; A. Puybasset, 2004). L’ouverture des flacons de vaccins doit se faire dans l’eau pour éviter tout contact du virus vaccinal avec l’air (A. Puybasset, 2004).
La quantité d’eau à utiliser varie selon l’âge des oiseaux et la température ambiante. Dans tous les cas, l’objectif est d’atteindre une quantité de solution vaccinale qui couvre deux heures de consommation après l’assoiffement (D. Foumier, 1998). Il faut compter environ 1/5e de la quantité d’eau consommée la veille. Une règle pratique, qui manque cependant de précision, est parfois appliquée. Elle consiste à utiliser, pour mille volatiles au minimum, un nombre de litres d’eau correspondant à leur âge exprimé en jours. Par exemple, 17 l d’eau seront employés pour mille poulets de dix-sept jours. Mais cette formule n’est applicable que dans les trois premières semaines de vie (C. Cazaban, 2004). L’assoiffement des oiseaux, une règle d’or à respecter, est réalisé pendant une à deux heures (durée dépendante de la température et de l’hygrométrie) avant l’administration du vaccin (D. Foumier, 1998 ; A. Puybasset, 2004). Ce laps de temps peut être réduit dans les pays chauds, tout en prenant la précaution d’intervenir pendant les heures les plus fraîches de la journée. Si cette durée est insuffisante, les animaux ne consomment pas assez de vaccin. C’est au cours de cette phase d’assoiffement que la solution vaccinale est préparée.
Lors d’une distribution de l’eau via des rampes, la solution vaccinale, déjà préparée, est versée dans le réservoir. Le remplissage des canalisations fait suite à l’ouverture de la vanne d’alimentation du réservoir. Lorsque la solution (blanchâtre ou bleue) arrive au bout des canalisations, les bouchons qui s’y trouvent sont fermés et les rampes sont abaissées pour que tous les animaux aient accès au vaccin simultanément.
Si la distribution se fait dans les abreuvoirs amovibles, ceux-ci doivent être suffisamment nombreux et répartis d’une façon équilibrée sur toute la surface du bâtiment. Plusieurs personnes assurent la distribution du vaccin à l’aide d’arrosoirs adéquats (en plastique, nettoyés, désinfectés, rincés). Il est nécessaire que l’opération soit assez rapide pour éviter l’inactivation du vaccin et l’entassement des oiseaux sur les premiers abreuvoirs remplis.
Au cours de la vaccination, il est préconisé qu’une ou deux personnes circulent toutes les trente minutes dans le bâtiment, particulièrement près des murs et des coins, pour réveiller les oiseaux et les inciter à s’abreuver. La solution vaccinale doit être consommée en une heure trente à deux heures trente. Au-delà de trois heures, le vaccin sera instable et dégradé (D. Foumier, 1998).
A la fin de la distribution, dans le cas des rampes, 200 à 300 l d’eau déchlorée sont à ajouter dans le bac pour chasser la solution vaccinale résiduelle dans les canalisations.
La deuxième technique de vaccination collective est la nébulisation. Elle est à privilégier pour la vaccination contre les maladies à tropisme respiratoire. Elle consiste à mettre en contact la suspension vaccinale avec les muqueuses oculaires et respiratoires. Les particules vaccinales stimulent les glandes de Harder, activant ainsi l’immunité locale puis systémique de l’animal. Cette méthode est plus difficile à maîtriser que la vaccination par l’eau de boisson. Elle exige une grande rigueur, tant dans le choix de la préparation de l’appareil que dans la distribution du vaccin proprement dite.
La préparation de l’appareillage passe par la sélection des buses et la vérification du jet. Le réglage de la pression, fixée à 2 bars, assure l’émission d’un jet homogène. Les gouttelettes pénètrent plus ou moins profondément dans l’appareil respiratoire selon leur taille.
Lors d’une nébulisation (ou pulvérisation), la taille des gouttelettes s’échelonne de 100 à 150 µm. Cette technique est utilisée aussi bien pour les primovaccinations que pour les rappels.
Pour sa part, l’atomisation est une nébulisation qui se fait à plus haute pression (via un appareil électrique qui fabrique de fines gouttelettes). Produisant un brouillard de gouttelettes de 50 à 70 µm, les atomiseurs à disque rotatif, développés au cours des dernières années, sont généralement adaptés aux vaccinations de rappel, par exemple dans le cadre de la maladie de Newcastle (A. Puybasset, 2004). L’atomisation peut s’accompagner de réactions sévères, car les fines particules vaccinales atteignent l’appareil respiratoire profond (poumons et sacs aériens). Ces réactions postvaccinales sont d’autant plus graves dans les pays chauds, en raison du rythme respiratoire plus élevé des volailles.
La préparation de la solution vaccinale se fait en dissolvant la pastille de lyophilisat dans la fiole de vaccin à l’aide de 10 ml d’eau par flacon. La quantité d’eau nécessaire pour la solution finale est d’environ 1,5 l pour mille sujets, lorsque les volailles sont âgées et que la vaccination s’effectue avec des gouttelettes de taille importante.
Au moment de la vaccination, trois facteurs peuvent empêcher les gouttelettes d’atteindre les oiseaux. Il s’agit des pertes par dérive (dues aux courants d’air dans le bâtiment, ce qui nécessite d’éviter toute source de courant d’air, de couper les ventilateurs, etc.), par sédimentation (dues aux gouttelettes qui tombent sur la litière ou sur le matériel, obligeant à regrouper les animaux sans les entasser) et par évaporation. Il faut minimiser ces pertes pour garantir une bonne vaccination, grâce à la maîtrise d’une ambiance parfaitement confinée (arrêt de la ventilation, extinction des chauffages).
En élevage au sol, il convient de rassembler les animaux, sans toutefois les entasser. La réduction de l’intensité lumineuse permet de maintenir les oiseaux en groupe. Pour l’élevage en cages, la direction du jet est importante. Il peut être dirigé perpendiculairement ou obliquement aux cages, assez loin de l’opérateur. Dans les deux cas, il faut que la nébulisation soit constante et régulière (D. Foumier, 1998). Quel que soit le type de l’élevage, plusieurs passages sont nécessaires, tout en maintenant une distance d’émission de 30 à 40 cm par rapport aux animaux. En effet, l’espace entre les buses et les animaux ne doit être ni trop grand – pour que les gouttelettes ne se perdent pas à gauche et à droite et tombent sur la cible – ni trop faible (A. Puybasset, 2004). La durée de la vaccination ne doit pas excéder une heure. L’objectif est atteint lorsque les têtes des oiseaux sont mouillées.
La sécurité du manipulateur est importante, particulièrement lors d’atomisation. Il est fortement conseillé de porter un masque de protection à usage unique pour éviter de respirer l’aérosol, qui peut entraîner une réaction d’hypersensibilité. Dans les quinze à trente minutes qui suivent la fin de la vaccination, la ventilation et les chauffages sont remis en fonctionnement, et les trappes sont ouvertes. Le matériel est nettoyé abondamment à l’eau chaude. Une vaccination factice est souvent nécessaire en pulvérisant de l’eau claire. En effet, elle permet au manipulateur de préciser le débit de l’appareil, le nombre de passages, le volume de la solution vaccinale et la durée et la régularité de l’opération.
• W.H. Allan, J.E. Lancaster et B. Toth : Vaccins contre la maladie de Newcastle : production et utilisation, 1980, Edition de l’Organisation des Nation Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, collection FAO (production et santé animales), 178 pages.
• C. Cazaban : « Water quality determines the success of oral vaccination », Word Poultry, 2004, vol. 20, n° 5, pp. 32-34.
• T.F. Davison : « The immunologist’s debt to the chicken », British Poultry Science, 2003, n° 44, pp. 6-21.
• T. Degefa, L. Dadi, A. Yami, K.G. Mariamet M. Nassir : « Technical and economic evaluation of different methods of Newcastle disease vaccine administration », J. Vet. Med., vol. 51, n° 7-8, pp. 365-369.
• D. Foumier : « Des règles pour vacciner efficacement », Filières Avicoles, octobre 1998, pp. 60-66.
• R.F. Gentry et M. Braune : « Prevention of virus inactivation during drinking water vaccination of poultry », Poultry Science, 1972, n° 51, pp. 1450-1456.
• Laboratoires Intervet : « L’indispensable amélioration des pratiques vaccinales », Filières avicoles, février 1997, pp. 129-133.
• A. Puybasset : « Bien vacciner pour bien protéger », Réussir Aviculture, 2004, n° 98, pp. 13-21.
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