Contrôle de la douleur périopératoire
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Valérie Trudel*, Eric Troncy**
Fonctions :
*Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal.
**Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal.
L’analgésie préopératoire abaisse l’intensité et la durée de la douleur.
La douleur physiologique est ponctuelle et protectrice, car elle sert d’avertissement. La douleur pathologique, pour sa part, n’a aucune utilité. Elle peut entraîner une hypersensibilisation au niveau des systèmes nerveux périphérique et central. La sensibilisation périphérique est le fruit des nombreux médiateurs de l’inflammation (“soupe sensibilisatrice”) relâchés par des cellules endommagées, qui causent une diminution du seuil de l’activation des fibres nerveuses nociceptives. La sensibilisation centrale, elle aussi générée en partie via ces médiateurs, entraîne une augmentation de la réponse aux stimuli douloureux et une hausse de la sensibilité autour et à distance du site lésé. Cela engendre des phénomènes d’hyperalgie (réponse exagérée à un stimulus douloureux) et d’allodynie (réponse douloureuse à un stimulus non douloureux). La sensibilisation centrale peut être réduite grâce à une analgésie préopératoire qui diminue les transmissions nociceptives. Sans être éliminée, la douleur est atténuée, dure moins longtemps et est plus facile à contrôler en période postopératoire. Il est nécessaire de prendre en charge la douleur postopératoire. Dans le cas contraire, elle peut persister sous forme chronique et ne plus être contrôlable. L’analgésie préopératoire possède d’autres avantages, comme la diminution de la quantité d’agent anesthésique volatil nécessaire, l’action de l’analgésie dès le réveil, la baisse de la sensibilisation centrale et des effets neuro-endocriniens associés. Toutefois, il convient d’administrer régulièrement des analgésiques en phase postopératoire, pendant toute la période où l’animal ressent de la douleur. Notre consœur Karol A. Mathews rappelle que plusieurs facteurs influencent l’apparition, l’intensité, la durée et le type de douleur postopératoire, selon l’intervention (site, nature, durée) ; le type d’incision et l’importance du traumatisme iatrogène ; la préparation préopératoire psychologique, physiologique et pharmacologique de l’animal ; la présence de complications opératoires ; le contrôle anesthésique ; la qualité des soins postopératoires. Ce dernier aspect est le point le plus important, selon elle.
Il n’existe pas de recette ou de protocole unique pour traiter la douleur. Le programme de soins est à adapter à la situation de l’animal, en tenant compte des éléments précédemment mentionnés. Par exemple, après une opération du rectum, il inclut un laxatif pour faciliter l’évacuation des selles en période postopératoire. Dans le cadre d’une intervention chirurgicale orale, un tube d’alimentation peut être utile pour réduire la douleur associée à la prise d’aliments, alors que des analgésiques en perfusion continue seront privilégiés chez un animal atteint d’une pancréatite, afin de disposer d’une analgésie adéquate à tout moment.
Pour permettre la prise en charge des douleurs chirurgicales en toutes circonstances, chaque clinique devrait disposer d’un morphinique agoniste m pur, associé à un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Le butorphanol, agoniste partiel, peut convenir aux douleurs faibles à modérées. L’utilisation d’un opioïde agoniste m pur (comme la morphine, à une dose de 0,05 à 0,4 mg/kg par voie intramusculaire ou 0,05 à 0,2 mg/kg par voie intraveineuse lente) est essentielle pour contrôler la douleur modérée à sévère. En cas de surdosage, notre consœur conseille la naloxone (0,1 ou 0,25 ml de la solution à 0,4 mg/ml diluée dans 10 ml de NaCl à 0,9 %) afin de faciliter la titration de la réversion d’effets opioïdergiques. L’ajout d’un AINS est bénéfique (sauf contre-indication). S’il n’est pas administré en période préopératoire, il doit l’être quarante-cinq minutes avant le réveil. Une faible dose de morphinique donnée trente minutes avant le réveil pour qu’il soit facilité peut aussi être une option. Les analgésiques devraient être administrés à intervalle régulier, sans attendre que l’animal en ait vraiment besoin, car la posologie nécessaire est alors plus importante. Il convient de réévaluer constamment la douleur pour adapter le programme de soins. S’il faut procéder à un ajustement régulier des doses, une perfusion continue est à envisager. Dans ce cas, pour calculer la dose adéquate, il convient de donner la dose initiale, qui serait éventuellement utilisée pour soulager la douleur en bolus (par exemple 0,1 mg de morphine par voie intraveineuse en dose de charge). Cette même dose est administrée, répartie sur toute la durée d’action de la drogue (par exemple, 0,1 mg/kg/4 h, soit 0,025 mg/kg/h, immédiatement après la dose de charge). L’idéal est de procéder à une titration de la perfusion pour s’ajuster exactement aux besoins et éviter tout surdosage.
La douleur pathologique n’a aucun caractère positif. La peur d’avoir mal empêche la respiration profonde, la toux et certains mouvements, ce qui peut occasionner une hypoventilation. Les spasmes et la tension musculaires aggravent aussi la douleur. La réponse endocrinienne à la douleur conduit à un état catabolique, qui peut entraîner de nombreuses conséquences néfastes. En outre, la réponse à l’anxiété provoquée chez l’animal génère une perte de poids, un ralentissement de la guérison des plaies, une augmentation du taux d’infection, une perfusion inadéquate des tissus, un dysfonctionnement de plusieurs organes et un prolongement du temps d’hospitalisation. Elle brouille aussi les résultats des études expérimentales. Les effets négatifs d’un mauvais traitement de la douleur surpassent donc largement les inquiétudes potentielles suscitées par l’usage d’analgésiques.
Karol A. Mathews, diplomate de l’American College of Veterinary Emergency and Critical Care (ACECC), Ontario Veterinary College, university of Guelph (Canada).
Article issu de la conférence « Comprendre et traiter la physiopathologie de la douleur », présentée lors du congrès de l’International Veterinary Academy of Pain Management, de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec et de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal, du 1er au 3 novembre 2007. Ont collaboré au programme scientifique la Société canadienne contre la douleur, le Conseil canadien de protection des animaux et l’Association vétérinaire pour l’anesthésie et l’analgésie animales (4A-VET).
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