LE MANDAT SANITAIRE ATTIRE TOUS LES REGARDS - La Semaine Vétérinaire n° 1325 du 05/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1325 du 05/09/2008

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Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Le mandat sanitaire est toujours un sujet délicat, en constante évolution. Les dernières années ont vu la naissance du bilan sanitaire bovin et l’amélioration des communications avec les services vétérinaires, mais il reste beaucoup à faire. Le rôle des confrères dans la politique sanitaire est encore mal défini, comme le prouve la mise en place de la campagne de vaccination contre la fièvre catarrhale ovine.

Voici sept ans, le rapport Risse(1) a établi un bilan de la situation de la profession en rurale et de son lien avec l’administration, par le biais du mandat sanitaire. Parmi les principaux sujets de discorde figuraient la baisse de revenus engendrée par la réduction des campagnes de prophylaxie, un manque de reconnaissance de la part des éleveurs et de l’administration, le rôle mal défini du vétérinaire dans la politique sanitaire. En 2004, Patrick Gerbaldi a, pour sa part, livré un rapport sur « la veille sanitaire » au ministre de l’Agriculture. Le constat y était similaire : un mandat non rentable, mal valorisé et peu valorisant, associé à un profond malaise chez les vétérinaires sanitaires. « Il est paradoxal que nous remettions en cause ce mandat, alors que le reste du monde nous copie et que les médecins nous l’envient », souligne Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).

Le problème de la rentabilité demeure récurrent

Le gain financier lié au mandat est passé de 30 à 5 % du chiffre d’affaires, voire moins, en l’espace de vingt ans, selon le rapport Gerbaldi. Certes, la fièvre catarrhale modifiera les statistiques, mais faiblement, car le bénéfice lié à la vaccination est contrebalancé par l’embauche éventuelle d’un assistant et le travail des auxiliaires. Le temps passé à organiser et à réaliser les tournées ne peut être consacré au travail habituel ou à des activités plus rentables.

Le tarif des actes réglementés a été quelque peu revalorisé depuis deux ans et les temps de trajet sont parfois pris en compte. Cependant, les paiements sont toujours décalés. Plusieurs mois s’écoulent parfois entre l’acte et sa rétribution, même s’il existe des différences régionales et départementales. L’exemple le plus récent concerne l’engagement du gouvernement à payer les vaccinations contre la fièvre catarrhale sous quarante-cinq jours. Les délais ont explosé. Les premiers versements devraient toutefois débuter prochainement.

Le désengagement financier de l’Etat dans le domaine des maladies animales s’aggrave. La sous-budgétisation de la crise actuelle a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre après la parution du rapport de la sénatrice Nicole Bricq(2), en juillet dernier. La réduction des crédits alloués à la Direction générale de l’alimentation (DGAL) a des répercussions sur la politique sanitaire et son financement. Une prise en charge par les associations agricoles deviendra alors une nécessité pour garder un niveau sanitaire du cheptel correct, avec le risque d’un déplacement de responsabilité. Dans cette situation, le rôle et la subordination du vétérinaire sanitaire devront être bien définis.

Le rôle et les responsabilités de chacun doivent être clarifiés

Un autre point majeur du rapport Bricq concerne le manque de lisibilité, les fréquents changements de réglementation et la place floue accordée au vétérinaire sanitaire. Autant de remarques à mettre en perspective avec celles émises en 2001. Le vétérinaire sanitaire jouissait alors d’un rôle majeur dans la surveillance et la protection sanitaires. Est-ce toujours le cas ? De partenaire privilégié de l’Etat, il a l’impression d’être réduit à la fonction de vaccinateur, de voir niées ses compétences professionnelles et sa connaissance du terrain. En résumé, d’être la cinquième roue du carrosse. La mise en place d’une campagne de vaccination massive contre la fièvre catarrhale ovine aurait pu être facilitée si les lignes directrices avaient été claires et bien définies dès le départ. Personne n’a oublié les conséquences d’une phrase malheureuse et – volontairement ? – nébuleuse du ministre de l’Agriculture, qui laissait aux éleveurs l’espoir de vacciner eux-mêmes. Le choix entre une vaccination obligatoire dans certains cas, facultative dans d’autres, entre un cadre réglementé et un cadre libéral, renforce la confusion qui entoure la place du vétérinaire sanitaire dans la gestion des maladies animales réglementées. Cette situation rend nécessaires une réévaluation des missions liées au mandat, mais surtout une clarification du rôle et de la responsabilité de chacun, en temps normal ou pendant une crise.

Alors que le passage à une vaccination obligatoire est annoncé pour le début de l’année prochaine, le bilan de la première campagne pourrait être résumé à un seul mot : fiasco. En effet, la reprise virulente de la maladie a gagné contre la vaccination. Pas le temps de finir de vacciner pour certains, de commencer pour d’autres, pas le temps de voir s’installer une immunité : le virus est déjà là, avec plus de trois mille nouveaux cas en une semaine pour le sérotype 8. La situation dans le Sud, où le sérotype 1 se diffuse, n’est guère meilleure. La vaccination préventive des départements qui entourent les foyers n’a pas limité l’extension du virus, même si elle est plus lente qu’avec le sérotype 8. Devant un tel échec, le premier réflexe des éleveurs est de se tourner vers les responsables, et souvent d’accuser les vétérinaires. Certains ignorent encore que la stratégie vaccinale qui a privilégié les régions historiquement atteintes au détriment des zones indemnes est celle préconisée par les représentants des éleveurs et que les praticiens n’y sont pour rien. Dans ces conditions, l’envie de rendre son mandat n’est pas loin, même si rares sont ceux qui l’envisagent sérieusement. Seuls les praticiens canins restent à l’écart de la tourmente.

La différence s’accentue entre praticien des villes et praticien des champs

Pour les vétérinaires canins, être titulaires du mandat sanitaire se résume à vacciner contre la rage et à remplir les passeports. C’est certes important pour prévenir un retour de la maladie, mais cela n’exige pas de contact étroit avec les services vétérinaires et ne contribue donc pas à combler le fossé qui s’est créé entre eux, surtout dans les régions où l’activité d’élevage s’est raréfiée.

L’évaluation comportementale des chiens dangereux n’a pas été définie dans le cadre du mandat sanitaire, mais d’autres pistes sont à l’étude pour resserrer les liens entre les confrères et leurs directions départementales des services vétérinaires (DDSV). La multiplication des nouveaux animaux de compagnie (NAC) pourrait aussi offrir des aspects à valoriser dans le cadre sanitaire réglementé. Certains NAC représentent en effet des facteurs de risque en termes de zoonoses, et sont par ailleurs faciles à faire entrer sur le territoire sans contrôle. « Des missions concernant les animaux de compagnie seront également proposées concernant les foires, les animaleries, les fourrières et les chiens dangereux », ajoute Christophe Brard.

L’instauration, par la DGAL et la SNGTV, de la formation continue rémunérée des vétérinaires ces deux dernières années accentue la mise à l’écart des praticiens canins par rapport à ceux qui interviennent en productions animales. En effet, si l’obligation de formation existe pour tous, seuls les confrères ruraux doivent valider des modules obligatoires. Plusieurs sessions sont organisées dans chaque région en partenariat entre les GTV et les directions des services vétérinaires, sous l’égide de l’Ecole nationale des services vétérinaires, qui fournit les supports pédagogiques. La mise en place se fait progressivement, mais les formations déjà réalisées sont appréciées par les praticiens. Les premières, sur l’influenza aviaire puis la fièvre catarrhale ovine, en 2006, ont servi de test. Cette année, deux thèmes sont au programme : pharmacie et santé publique, autopsie des volailles. Le module de formation initial prévu pour les étudiants en fin de cursus donne lieu à une attestation et permet de sensibiliser les futurs praticiens à leur rôle de vétérinaire sanitaire. Un rôle qui sera une nouvelle fois abordé à l’occasion de la mission que réalise actuellement le sénateur Charles Guené. Même si l’objet de son étude est plus large, elle en définira les contours et proposera des modifications pour l’avenir. Peut-être cela permettra-t-il de réconcilier les vétérinaires sanitaires avec leur mandat.

L’avis de Christian Rondeau, président du Conseil supérieur de l’Ordre

Je suis l’ambassadeur du mandat sanitaire en Europe orientale, essentiellement dans les pays qui ont rejoint l’Union européenne depuis peu, mais également en Afrique et en Amérique du Sud. Le modèle français sert de référent en matière de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé. Il convient cependant de mieux définir ses missions, son financement, ainsi que le statut des vétérinaires sanitaires. Les missions doivent mieux correspondre à la réalité sanitaire nationale, notamment en matière de sécurité sanitaire des aliments, et se développer dans toutes les espèces.

Le trépied entre les éleveurs, les vétérinaires et l’Etat a très bien fonctionné jusqu’à présent, mais ce dernier se désengage de plus en plus du financement des campagnes sanitaires. Il est aussi nécessaire de mettre en concordance avec les textes le statut du vétérinaire sanitaire, car le praticien libéral devient agent de l’Etat dans le cadre de son mandat, ce qui correspond à deux situations différentes.

S. P.
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