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Auteur(s) : Agnès Faessel
La crémation est le premier choix des propriétaires confrontés à la mort de leurs animaux familiers. Cette possibilité devrait être bientôt élargie aux chevaux de loisirs. Mais les centres d’incinération devront alors respecter des contraintes environnementales plus lourdes, et certainement adapter leurs tarifs.
Environ 1,2 million de chiens et de chats domestiques meurent chaque année, selon les estimations. Les propriétaires doivent alors décider du devenir des dépouilles. D’après les résultats d’une étude de la Compagnie d’incinération des animaux familiers (Ciaf)(1), les propriétaires opteraient, en proportion presque égale, pour l’inhumation ou l’incinération (respectivement 41 % et 46 % de réponses spontanées). Ils sont 55 % à préférer la seconde solution lorsque les différentes options leur sont présentées. Ainsi, plus de 650 000 cadavres d’animaux familiers pourraient être potentiellement incinérés chaque année.
L’incinération des animaux de compagnie bénéficie d’un encadrement depuis seize ans. Un arrêté du 4 mai 1992 prévoit en effet cette option et en détaille les modalités. Auparavant, les cadavres étaient essentiellement dirigés vers l’équarrissage. Depuis, la réglementation européenne a confirmé cette possibilité (voir encadré ci-contre).
L’arrêté de 1992 définit en particulier les contraintes, environnementales notamment, auxquelles les centres d’incinération animalière doivent se soumettre : implantation, équipement, fonctionnement, effluents, sécurité, contrôles, etc. Il précise aussi les modalités de transport et de stockage des cadavres, et prévoit leur incinération dans un délai le plus court possible. Même placés en chambre froide négative (congelés), ils ne peuvent être conservés plus de trois jours.
Prévue pour les animaux « dits familiers ou de compagnie », la crémation reste néanmoins interdite pour bon nombre d’espèces. En effet, seuls les chiens, les chats, les rongeurs, les lapins et les oiseaux sont concernés à ce jour (ils figurent sur la liste des catégories d’animaux admises, en annexe de l’arrêté). Mais cet inventaire s’étendra probablement dans les mois à venir, en raison de l’adoption d’un nouveau texte réglementaire dont la publication est espérée d’ici à la fin de l’année. Il devrait fournir une liste d’exclusion, en remplacement de l’actuelle énumération des espèces susceptibles d’être incinérées. Cette liste “négative” comprendrait notamment toutes les espèces de ruminants. Il serait donc impossible d’incinérer la brebis “tondeuse à gazon”. En revanche, cette option serait envisageable pour les équidés de loisirs (définis comme tels à la naissance). Il s’agirait de l’évolution la plus marquante. Aujourd’hui, ces animaux sont destinés à l’équarrissage. Autoriser leur crémation est une attente forte des propriétaires de chevaux.
Les nouvelles espèces adoptées comme animaux de compagnie pourraient aussi entrer plus facilement dans le dispositif. Aujourd’hui, en effet, incinérer un furet ou un reptile est interdit. Avec la future réglementation, les centres d’incinération devraient pouvoir répondre à cette demande – régulière – des maîtres.
Le nouveau texte devrait aussi durcir les mesures à appliquer par les centres en termes de respect de l’environnement. D’après Antoine Sénécaut, directeur de la Ciaf, l’évolution envisagée imposera des investissements élevés. Par exemple, « les nouveaux fours à installer pour respecter les normes sont deux fois plus chers qu’il y a dix ans, pour une puissance deux fois moindre », précise-t-il.
En outre, la hausse du prix des énergies fossiles a un impact sur les coûts d’incinération. Elle se répercute directement sur le coût du fonctionnement des fours, mais aussi indirectement sur celui de la collecte des cadavres. Les tarifs d’incinération d’un animal devraient logiquement augmenter.
Par ailleurs, certains centres d’incinération animalière, de taille modeste, pourraient être fragilisés par les changements à venir. Aujourd’hui, la plupart des intervenants du secteur sont des petites structures locales qui s’adressent à des clients de proximité et leur offrent un service sur mesure. Les structures qui dépassent l’envergure régionale sont largement minoritaires. La Ciaf, administrée par des praticiens, est la plus développée. Avec ses huit sites, elle est présente sur presque tout le territoire français (voir l’article ci-dessous). Orsia(2), pour sa part, forte de cinq sites dont deux équipés de crématoriums, propose ses services sur la moitié nord-ouest du pays.
Le service offert est de deux types : crémation individuelle ou collective. La première option est encore minoritaire, même si elle ne cesse de progresser. Dans ce cas, les maîtres souhaitent généralement récupérer les cendres de leurs animaux dans une urne. Lors de crémation collective, cette restitution est, bien entendu, impossible. Les propriétaires s’interrogent alors régulièrement sur le devenir des cendres, considérées comme des déchets industriels, qui varie selon la société. Toutefois, leur stockage puis leur élimination sont encadrés par la réglementation. L’article 9 de l’arrêté de 1992 prévoit ainsi une élimination « dans des conditions n’entraînant pas de pollution pour l’environnement (épandage des champs autorisés par le préfet, mise en décharge autorisée, dispersion en mer, etc.) ». L’épandage impose l’analyse régulière des sols afin de prévenir toute accumulation de métaux lourds. Cette possibilité est inenvisageable pour les grandes structures, au même titre que la dispersion en mer, proposée plutôt par des centres qui n’ont qu’une activité modeste et sont situés à proximité du littoral.
Aujourd’hui, seule la mise en centre d’enfouissement (décharge) est possible pour les incinérateurs de grande capacité.
D’après Guy Hannotte, praticien dans le Pas-de-Calais et directeur général de la Ciaf, il convient de réfléchir et de développer des solutions alternatives. En effet, les centres d’enfouissement agréés pour recevoir ces déchets doivent aussi s’adapter aux évolutions réglementaires qui visent à protéger l’environnement. Et leurs capacités pourraient se réduire.
La traçabilité des dépouilles est également un point fondamental prévu par la réglementation. L’article 15 de l’arrêté de 1992 exige ainsi qu’une fiche d’identification accompagne tout cadavre animal dirigé vers l’incinération. Elle précise notamment la cause de la mort. L’article mentionne aussi la vérification obligatoire du contenu des sacs destinés à l’incinération. Lors de traitement individuel, ce contrôle est évident. Mais il se révèle plus complexe en cas de traitement collectif. Pour Yves Content, praticien dans l’Ain et administrateur de la Ciaf, cette nécessaire traçabilité mérite d’être soulignée et une coopération avec les vétérinaires intermédiaires est souhaitée. Les sacs individuels, destinés à l’incinération animalière, ne doivent contenir aucun déchet de soins ni accessoires et, bien entendu, aucune espèce exclue du dispositif.
L’ouverture systématique des sacs pose à l’évidence un problème sanitaire. L’utilisation de matières translucides, déjà testée, n’a pas été bien acceptée. Notre confrère n’exclut pas l’idée de quelques contrôles, effectués au hasard lors de la collecte, afin de sensibiliser les praticiens à l’importance de se soumettre à la législation. Il les alerte également sur le besoin de transparence à respecter vis-à-vis des propriétaires. Certains changent parfois d’avis et sollicitent a posteriori une crémation individuelle plutôt que collective. D’autres demandent simplement à revoir leurs compagnons « une dernière fois ». « Les non-dits [comme la réalisation d’une autopsie sans accord, Ndlr] sont alors catastrophiques, regrette Yves Content. La confiance du propriétaire en son vétérinaire disparaît irrémédiablement. »
Alternative à l’incinération, l’équarrissage des animaux de compagnie constituait auparavant une solution commune. Mais depuis la réforme du service public d’équarrissage en 2006, le paiement du traitement est désormais à la charge du propriétaire (ou du détenteur) de l’animal (voir l’article en page 36). Il ne s’agit donc plus d’une option “bon marché”, qui faisait parfois reculer quelques réticences. Les propriétaires lui préfèrent l’incinération.
L’autre choix majoritairement suivi est l’enfouissement du cadavre. Celui-ci peut s’effectuer dans des cimetières pour animaux (il est impossible d’être enterré avec son animal dans un cimetière “humain”). Ces derniers, comme les sociétés d’incinération, sont répertoriés sur le site de l’Ordre (www.veterinaire.fr). Le plus connu – et sans doute le plus étendu – est celui de l’île des Ravageurs, à Asnières, en région parisienne, où sont notamment enterrés des chiens de personnalités (Camille Saint-Saëns, Sacha Guitry) ou des vedettes canines (Rintintin, Barry).
Le plus souvent, l’animal est enterré dans le jardin de ses propriétaires. Cette possibilité est prévue dans les règlements sanitaires départementaux, et peut donc varier. Les dispositions habituelles prévoient un enfouissement à plus de trente-cinq mètres des habitations, des puits et des sources.
Originale, surprenante, voire risible pour certains, la conservation de l’animal sous forme naturalisée est une autre option envisageable. La technique est habituellement réservée aux trophées de chasse. Mais les taxidermistes sont régulièrement sollicités pour traiter des animaux familiers. Cela n’est pas interdit, contrairement à l’empaillage des espèces protégées (sauf désormais ceux nés en captivité). D’après Gérard Paquet, président du Syndicat des naturalistes taxidermistes(3), cette demande a doublé en vingt ans et représente en moyenne 5 % de l’activité d’un professionnel en province (elle est supérieure dans les grandes agglomérations, particulièrement à Paris). Mais tous les taxidermistes n’acceptent pas de naturaliser un animal de compagnie, car son expression est difficile à reproduire. Apporter une photographie de l’animal de son vivant est d’une grande aide.
Dans tous les cas, gratuit et ouvert à chacun sans restriction d’espèce, le cimetière virtuel est sans doute la solution la plus moderne. Le site www.lecimetiere-animalier.net propose ainsi de publier des photos et des textes, afin « d’honorer la mémoire » d’un animal disparu. Des messages peuvent être déposés, ainsi que des fleurs qui, « comme les vraies, fanent au bout de quelques jours ».
(1) Etude DBM-Marketing effectuée en 2003-2004 auprès de trois cents propriétaires de chiens et de chats.
(2) www.orsia.fr
(3) Les coordonnées des taxidermistes adhérents au syndicat sont disponibles sur www.taxidermistes.com
La réglementation concernant le devenir des cadavres d’animaux de compagnie s’éparpille dans plusieurs textes, dont quatre majeurs.
• Règlement européen n° 1774/2002 du 3 octobre 2002 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine. Il fixe notamment les normes à respecter pour la collecte, le transport, le stockage, la manipulation et le traitement des cadavres d’animaux. Les modalités d’agrément des usines d’incinération sont aussi développées, incluant la possible crémation des animaux domestiques.
• Arrêté du 4 mai 1992 relatif aux centres d’incinération de cadavres d’animaux de compagnie.
• Décret n° 2005-1220 du 28 septembre 2005 pris pour l’application de l’article L. 226-1 du Code rural, qui restreint le service public d’équarrissage à compter de janvier 2006 et en exclut (sauf exceptions) les animaux de compagnie. Plus globalement, les articles L. 226-1 à L. 226-9 du Code rural relatifs au devenir des sous-produits animaux et particulièrement aux cadavres.
• Règlements sanitaires départementaux, article 98 sur les « cadavres d’animaux ».
Agnès Faessel• Equarrissage : procédé de transformation des cadavres d’animaux non destinés à l’alimentation humaine, aboutissant à des sous-produits tels que la peau, les os, les graisses, éventuellement valorisables.
• Incinération, crémation : l’incinération est l’action de réduire en cendres. S’agissant de cadavres, la crémation est un terme synonyme.
• Inhumation, enterrement, enfouissement : ces trois noms désignent la mise en terre du cadavre. Le terme inhumation est habituellement réservé aux dépouilles humaines, et élargit l’acte à son accompagnement par les cérémonies d’usage.
• Naturalisation, taxidermie : technique de conservation des animaux. Le verbe empailler semble aujourd’hui impropre, car la paille n’est plus utilisée (il s’agirait plutôt “d’emplastiquer”…).
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