Le pronostic est réservé lors de lupus érythémateux systémique - La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/09/2008

Dermatologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Kévin Le Boëdec

Fonctions : assistant au service de médecine de l’ENV d’Alfort. Article rédigé avec le groupe de discussion en dermatologie-parasitologie (Blaise Hubert, Geneviève Marignac, Céline Hadjaje, Odile Crosaz, Niksa Lemo) réuni le 11/6/2008.

La maladie lupique évolue souvent vers des complications articulaires, rénales ou hématologiques, et de nombreuses récidives sont observées.

Les lésions cutanées du lupus érythémateux systémique sont protéiformes (alopécie, érythème, croûtes, squames, séborrhée). Le plus souvent diffuses, elles peuvent atteindre n’importe quelle zone du tégument, mais préférentiellement la face, les oreilles et la partie distale des membres, en fait les régions du corps les plus exposées aux rayons ultraviolets (). Néanmoins, chez un bichon frisé, une localisation dermatologique inhabituelle, circonscrite à l’épaule, est décrite (). Il s’agit d’une lésion bulleuse érosive, également présente en régions axillaire et thoracique, ainsi qu’au niveau des pavillons auriculaires et des commissures labiales. Cette présentation atypique est associée à un lupus érythémateux systémique bulleux de type I. L’âge moyen lors du diagnostic est de cinq ans, sachant que les manifestations cliniques sont parfois antérieures de plusieurs mois, voire quelques années.

Le chien atteint type est un jeune berger allemand mâle. En effet, les mâles paraissent plus souvent affectés, avec un sex-ratio d’environ sept mâles pour trois femelles. Les autres animaux appartiennent à des races de taille moyenne ou grande, souvent des croisements de berger allemand et, occasionnellement, des bergers belges, briard, bouvier des Flandres, épagneul breton, etc.

Les lésions cutanées sont observées dans 30 à 60 % des cas

Les lésions cutanées sont observées dans 30 à 60 % des cas de lupus érythémateux systémique (). Elles sont importantes dans la reconnaissance du syndrome lupique puisqu’elles représentent quatre des onze critères diagnostiques établis en médecine humaine par l’American Rheumatism Association (ARA) et l’un des sept critères majeurs dans le système diagnostique de S.L. Marks et C.J. Henry (, ). Elles résultent de la fixation d’auto-anticorps à des antigènes présents à la surface des cellules basales épidermiques. Ces antigènes, normalement intranucléaires, s’expriment à la surface de la membrane cytoplasmique sous l’influence des rayons ultraviolets. Les auto-anticorps se fixent aux kératinocytes qui sont dégradés par cytotoxicité anticorps-dépendante. Les cellules lésées libèrent des cytokines, notamment l’IL2, chimiotactique pour les lymphocytes et les histiocytes, à l’origine d’une infiltration lympho-histiocytaire correspondant à une dermatite lichénoïde d’interface (). Classiquement, ces atteintes cutanées sont définies par la triade lupique qui regroupe trois types de lésions (voir encadré ci-contre).

Le résultat du titrage des Acs-antinucléaires peut être faussement positif ou négatif

Pour établir un diagnostic de lupus, au moins quatre critères sur les onze établis par l’ARA doivent être retrouvés chez l’animal suspect (voir encadré ci-contre). Ces critères peuvent être présents simultanément ou consécutivement, ce qui complique l’établissement du diagnostic. La positivité d’un test révélant des anticorps antinucléaires n’est théoriquement pas indispensable au diagnostic de lupus érythémateux systémique. Cependant, si un chien exprime au moins deux critères considérés comme majeurs (polyarthrite symétrique des carpes et lésions érythémato-croûteuses photo-aggravées de la face, par exemple, voir encadré ci-contre), il existe une forte probabilité que les anticorps antinucléaires soient positifs (). S’il exprime au moins quatre critères majeurs, les anticorps antinucléaires seront positifs dans 100 % des cas (). Toutefois, ceux-ci peuvent être positifs dans d’autres maladies parfois cliniquement proches du lupus érythémateux systémique comme la leishmaniose, l’ehrlichiose ou encore la bartonellose (), ainsi qu’à l’état sain, avec généralement un faible titre chez le berger allemand (). En outre, il existe différentes sous-classes d’anticorps antinucléaires dosables, certaines pouvant se révéler positives contrairement à d’autres.

Des complications imprévisibles rendent difficile le traitement de la maladie lupique

Le lupus érythémateux systémique canin est une maladie spontanément oscillante. La survenue imprévisible dans le temps d’une polyarthrite symétrique des extrémités (carpes, tarses), puis de lésions rénales ou, plus tardivement encore, d’une leucopénie, rend difficile la conduite du traitement. Celui de la forme érythémateuse se fonde sur la corticothérapie (prednisolone, à raison de 2 mg/kg, de préférence une fois par jour, en dose d’induction, puis progressivement dégressive durant un ou deux mois), associée au lévamisole (150 mg/j pour un animal de plus de 20 kg et de 2 à 5 mg/kg/j pour un chien de moins de 20 kg, toutes les quarante-huit heures). Cet antiparasitaire est prescrit pour ses propriétés immuno-stimulatrices promouvant la synthèse des lymphocytes T auxiliaires et de l’ADN (). La neutropénie que le lévamisole peut occasionner impose un contrôle de la numération blanche dix jours après le début du traitement et son arrêt si cette anomalie est identifiée.

Le traitement de la forme bulleuse associe la prednisolone (2 mg/kg, deux fois par jour) à un antibiotique, la dapsone (Disulone®, spécialité humaine, 1 mg/kg  trois fois par jour), dotée d’une action anti-inflammatoire non spécifique ().

Le pronostic du lupus érythémateux systémique est en général réservé et de nombreuses récidives sont observées (). En l’absence de traitement, aucune rémission clinique supérieure à trois ans n’est rapportée. En outre, plus de 40 % des chiens atteints de lupus érythémateux systémique meurent l’année qui suit le diagnostic, de causes naturelles (insuffisance rénale, septicémie, etc.) ou à la suite du traitement, voire sont euthanasiés (). Une étude indique néanmoins un pronostic un peu moins sombre, avec une rémission à long terme dans plus d’un cas sur deux (rémission de plus de neuf ans) quand il n’y a pas d’atteinte rénale (). La forme bulleuse est également d’un mauvais pronostic, le bichon frisé atteint de lupus érythémateux systémique bulleux ayant été euthanasié après cinq mois de traitement immunodépresseur ().

Critères diagnostiques du lupus systémique(1)

• Erythème : zones à peau fine ou peu protégées par le pelage.

• “Lupus discoïde” : vitiligo, érosion, ulcères, croûtes (truffe, chanfrein).

• Photosensibilité : aggravation des lésions lors d’exposition solaire.

• Ulcères buccaux : ulcérations des muqueuses (palais dur, pharynx).

• Arthrite : non érosive et symétrique des articulations distales ou du rachis.

• Inflammation des séreuses : pleurésie, péricardite.

• Désordres rénaux : protéinurie persistante supérieure à 0,5 g/l ou cylindrurie.

• Troubles neurologiques centraux : convulsions ou modifications comportementales.

• Désordres hématologiques : anémie hémolytique avec réticulocytose, leucopénie inférieure à 3 000/mm3.

• Désordres immunologiques : présence d’anticorps anti-histones, anti-Sm ou anti-type1.

• Anticorps antinucléaires : titre anormal et élevé obtenu par immuno-fluorescence ou par d’autres méthodes.

K. Le B.

Triade lésionnelle cutanée lupique

Lors de lupus, qu’il soit systémique ou non, les atteintes cutanées regroupent classiquement :

– des lésions érythémateuses érosives et croûteuses, fréquemment rencontrées chez le berger allemand (), ou érythémato-squameuses dans le cas particulier du lupus exfoliatif du braque allemand ;

– des lésions ulcératives observées chez les chiens de race colley ou shetland (lupus érythémateux cutané vésiculeux, ) ;

– des lésions alopéciques résiduelles cicatricielles précédemment photosensibilisées ().

K. Le B.

Critères majeurs du diagnostic(2)

– Polyarthrite symétrique non érosive (60 à 100 % des cas) ;

– atteinte rénale (50 % des cas) ;

– lésions cutanées ou muqueuses (truffe) photo-aggravées (30 à 60 % des cas) ;

– modifications immunologiques ;

– modifications hématologiques (hémogramme modifié dans 60 à 70 % des cas) ;

– lésions des séreuses ;

– troubles neurologiques.

K. Le B.

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