Des lynx sont atteints par le sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine en Belgique - La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/09/2008

Blue tongue. Contamination et mort de deux félidés

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

La consommation de viande virémique serait la source de la contamination.

L’information a de quoi surprendre : deux lynx eurasiens (Lynx lynx) d’un zoo en Belgique ont été infectés l’automne dernier par le sérotype 8 du virus de la blue tongue et… en seraient morts. Cette découverte étonnante, récemment communiquée sur l’Internet(1), a été faite par Thierry Jauniaux, de l’université de Liège, en collaboration avec Kris de Clercq, du Centre d’études et de recherches vétérinaires et agrochimiques (Cerva).

En septembre 2007, les deux lynx, qui cohabitent dans la même cage, deviennent subitement léthargiques. Le premier succombe deux jours plus tard, tandis que le second ne meurt qu’en février dernier. Les deux félidés étaient nourris avec des avortons de ruminants et des veaux mort-nés provenant des fermes des environs, dans une zone où de nombreux cas de blue tongue sont confirmés. L’autopsie du premier animal révèle une anémie, des hématomes sous-cutanés, des pétéchies et un œdème pulmonaire. Le second lynx présente également une anémie et des pétéchies, ainsi qu’une cachexie, de gros nœuds lymphatiques et une pneumonie. L’examen microscopique identifie, chez chacun des animaux, un œdème des parois vasculaires avec une hypertrophie des cellules endothéliales. Une inflammation subaiguë à aiguë des vaisseaux est mise en évidence dans les muscles, le myocarde, le péritoine et le poumon. Des échantillons tissulaires de la rate, du poumon et de l’intestin sont analysés par RT-PCR quantitative. Tous ceux provenant du premier animal contiennent l’ARN du virus de la blue tongue, alors que ceux du second lynx, mort plus tard, se révèlent négatifs. Le virus est isolé à partir d’un échantillon du poumon du premier animal après l’inoculation d’œufs embryonnés et l’amplification sur cultures cellulaires. La neutralisation virale utilisant un sérum de référence montre qu’il s’agit bien du sérotype 8. Concernant le second animal, des anticorps contre le sérotype 8 sont mis en évidence dans le tissu pulmonaire.

Aucune mortalité n’est rapportée parmi les autres animaux du zoo, ruminants inclus

Une infection naturelle par le virus sauvage de la blue tongue a déjà été décrite en 1994 chez des carnivores africains(2). Une séroconversion, sans aucune affection, avait alors été notée. Des mortalités avaient par ailleurs été enregistrées la même année chez des chiens infectés accidentellement par un vaccin contaminé(3).

Dans le cas belge, les deux animaux du zoo n’ont reçu ni vaccin ni autre injection. En revanche, le premier lynx est mort au moment du pic de l’épizootie 2007 de blue tongue en Belgique. Durant cette période, aucune mortalité n’est toutefois rapportée parmi les autres animaux du zoo, ruminants inclus. L’intervalle de temps qui s’est écoulé entre l’apparition des signes cliniques chez le second lynx et sa mort peut justifier qu’aucun ARN viral n’ait pu être détecté. La suspicion d’atteinte par le virus de la blue tongue chez cet animal se fonde sur la présence d’anticorps, l’inflammation des vaisseaux et la pneumonie, c’est-à-dire des signes similaires à ceux découverts en 1994 chez les chiens accidentellement contaminés.

L’existence d’une nouvelle voie de transmission est prouvée

Cette découverte belge soulève de nouvelles questions sur l’épidémiologie de l’arbovirose qui embrase l’Europe. Faudra-t-il élargir la liste des animaux sensibles, du moins pour le sérotype 8 ? Bien que la transmission par un insecte vecteur soit le mécanisme naturel avéré de l’infection par une souche sauvage du virus, le franchissement de la barrière transplacentaire par le sérotype 8 est décrit chez les bovins(4). Si une infection due à un insecte ne peut être totalement écartée dans le cas des lynx, la transmission orale doit être suspectée, car ils étaient nourris avec des avortons et des veaux mort-nés vraisemblablement virémiques. Cette hypothèse s’appuie d’une part sur les cas de carnivores africains séropositifs précédemment décrits et d’autre part sur la mise en évidence cet hiver, en Irlande du Nord, en l’absence de vecteurs, d’une transmission latérale du virus(4).

Le rôle de la faune sauvage, en particulier des carnivores, dans l’épidémiologie de la blue tongue mérite de futures investigations afin de déterminer s’ils constituent des culs-de-sac épidémiologiques ou, au contraire, de possibles réservoirs de l’infection du bétail.

Quoi qu’il en soit, cette étude originale souligne qu’une nouvelle voie de transmission est possible et qu’elle permet au virus de franchir la barrière des espèces. En conséquence, l’infection d’espèces domestiques, autres que les ruminants, ne peut désormais plus être exclue. Une information qu’il faudra, bien entendu, communiquer avec beaucoup de précaution…

  • (1) T.P. Jauniaux, K.E. de Clercq, D.E. Cassart, S. Kennedy, F.E. Vandenbussche, E.L. Vandemeulebroucke et coll. : « Blue tongue in eurasian lynx. Emerging infectious diseases », septembre 2008, http://www.cdc.gov/EID/content/14/9/1496.htm

  • (2) K.A. Alexander, N.J. MacLachlan, P.W. Kat, C. House, S.J. O’Brien, N.W. Lerche et coll. : « Evidence of natural blue tongue virus infection among african carnivores », American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, 1994, n° 51, pp. 568-576.

  • (3) J.F. Evermann, A.J. McKeiman, L.A. Wilbur, R.L. Levings, E.S. Trueblood, T.J. Baldwin et coll. : « Canine facilities associated with the use of a modified live vaccine administered during late stages of pregnancy », Journal of Veterinary Diagnostic Investigation, 1994, n° 6, pp. 353-357.

  • (4) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 4/7/2008 en page 23.

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