La bactériémie pourrait être sous-estimée chez le cheval adulte - La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/09/2008

Dissémination bactérienne

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ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Jusqu’à présent, ce phénomène était surtout détecté chez des poulains nouveau-nés.

Le diagnostic de la bactériémie, qui se définit comme la présence de bactéries viables dans le courant sanguin, se fonde sur l’isolement de micro-organismes à partir du sang (hémoculture). Il s’agit d’un processus préoccupant, car il peut engendrer le développement d’un ou de plusieurs foyers septiques dans l’organisme ou initier un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS). Chez l’homme et plusieurs espèces animales, la présence d’une bactériémie est d’ailleurs associée à une hausse de la morbidité et de la mortalité. Dans l’espèce équine, jusqu’à présent, la bactériémie a surtout été détectée chez des poulains nouveau-nés. La source présumée des bactéries était alors le tractus gastro-intestinal.

Dans des études menées chez l’homme, l’hypothèse de la libération de bactéries par l’intestin est retenue dans le cas de patients à sepsis “non localisable” (pas de foyer infectieux évident). Le mécanisme serait celui d’une translocation bactérienne, c’est-à-dire le passage de bactéries entériques viables dans les nœuds lymphatiques mésentériques ou des sites extra-intestinaux.

Une lésion de la barrière intestinale est nécessaire pour provoquer une bactériémie

La voie empruntée par les bactéries et les médiateurs inflammatoires depuis l’intestin vers la circulation systémique a donné lieu à de nombreuses recherches et suppositions. Selon l’hypothèse initiale, les bactéries traversent la barrière de la muqueuse intestinale et gagnent la circulation portale avant de se disséminer vers d’autres organes en raison de la saturation des capacités phagocytaires du foie. Cependant, aucune bactérie ou endotoxine n’est mise en évidence dans le sang portal de patients atteints de bactériémie. Il a ensuite été montré que la voie prédominante d’accès des bactéries à la circulation sanguine est le réseau lymphatique. Fait intéressant, la présence de bactéries au-delà des nœuds lymphatiques mésentériques n’est pas requise pour initier un syndrome de réponse inflammatoire systémique. La destruction bactérienne par le système immunitaire dans les nœuds lymphatiques mésentériques libère suffisamment de médiateurs inflammatoires (endotoxines et cytokines) pour induire ces réactions inflammatoires en chaîne.

Un certain degré de translocation bactérienne se produit “physiologiquement”, mais à un degré insuffisant pour établir une colonisation bactérienne des nœuds lymphatiques mésentériques. Une lésion de la barrière intestinale est indispensable pour provoquer une bactériémie.

Plusieurs situations amenuisent les défenses contre la translocation bactérienne

L’intestin dispose de plusieurs moyens de défense pour prévenir la translocation bactérienne. Tout d’abord, dans la lumière intestinale, la flore bactérienne physiologique prédomine et prévient une multiplication anarchique des bactéries potentiellement pathogènes. Par ailleurs, l’activité péristaltique intestinale prévient l’adhérence des bactéries à la couche de cellules épithéliales. En outre, une barrière physique entre le sang (stérile) et l’intestin (contaminé) est constituée d’une couche de mucus, de cellules épithéliales et de jonctions serrées. Ces dernières empêchent le passage de macromolécules et d’agents pathogènes. Les cellules de la muqueuse elles-mêmes constituent également une barrière physique efficace. En dernier lieu, le tissu lymphoïde intestinal compose une défense de seconde ligne au cas où des bactéries franchiraient cette barrière. De plus, les bactéries et les endotoxines qui parviennent accidentellement dans la circulation portale sont neutralisées par les cellules de Kupffer hépatiques.

Plusieurs situations peuvent rendre les mécanismes de défense beaucoup moins efficaces. Par exemple, l’administration d’antibiotiques peut tuer la microflore protectrice et encourager la multiplication de bactéries pathogènes. Toute inflammation intestinale diminue la couche protectrice de mucus, de même que l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une infection comme une salmonellose augmente la perméabilité de la muqueuse. Un choc hypovolémique et/ou endotoxémique diminuant la circulation splanchnique lèse la muqueuse intestinale.

L’administration de certains antibiotiques et d’AINS fait partie des facteurs de risque

La technique la plus fiable pour diagnostiquer une translocation bactérienne est la réalisation d’une culture des nœuds lymphatiques mésentériques, ce qui est difficilement applicable en pratique. La corrélation entre les tests de perméabilité intestinale et la présence de bactéries dans la circulation sanguine n’est pas bonne. Par ailleurs, la sensibilité des hémocultures est faible. Les techniques de PCR sur le sang ont une bien meilleure sensibilité.

Chez les poulains, la bactériémie est fréquente chez les nouveau-nés atteints de diarrhée. Chez le cheval adulte, la situation est moins claire. Une bactériémie est rapportée de façon occasionnelle chez les sujets qui souffrent d’une salmonellose ou d’une entérite granulomateuse. Des pneumonies fongiques sont aussi décrites chez des chevaux adultes présentant une perte d’intégrité de la barrière intestinale et une embolisation fongique depuis l’intestin.

Des auteurs ont réalisé une étude rétrospective sur trente-deux chevaux admis au New Bolton Center en 2005, alors qu’ils présentaient une diarrhée aiguë. Seules deux hémocultures positives sont notées. En raison de la faible sensibilité de cette technique, l’incidence de la bactériémie chez les chevaux adultes est probablement plus élevée.

Les facteurs de risque potentiels à garder en mémoire sont une entérocolite, l’action pathogène de salmonelles, de toxines clostridiennes (toxines A et B de Clostridium difficile), l’administration d’antibiotiques qui perturbent la flore intestinale et d’AINS à effet ulcérogène gastro-intestinal, l’hypovolémie et l’endotoxémie. La présence d’un ou de plusieurs de ces facteurs chez un cheval adulte doit donc faire suspecter le risque non négligeable de dissémination septique et de syndrome de réponse inflammatoire systémique.

  • (1) I. Johns, N. Mymms : « Bacteriemia and bacterial translocation in horses with enterocolitis », proceedings du congrès de l’Acvim, 4 au 8/6/2008, San Antonio, Texas.

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