Une journée d’audiences en chambre disciplinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/09/2008

Justice ordinale. Comptes rendus des débats

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Une fois par trimestre, la chambre de discipline du Conseil supérieur de l’Ordre examine en appel les affaires jugées en première instance par les conseils régionaux.

Mardi 16 septembre : cinq affaires passent devant les conseillers ordinaux réunis en chambre disciplinaire présidée par un magistrat professionnel. Voici les comptes rendus résumés de trois d’entre elles. Les décisions de la chambre, dans chaque affaire, seront notifiées aux appelants le 22 octobre prochain.

Première affaire : des cartons d’invitation distribués pour l’inauguration de la clinique

Devant la chambre de discipline, Melle A fait amende honorable : « Je n’ai jamais eu l’intention de nuire. Je viens d’une famille de vétérinaires. J’ai été élevée dans le respect du Code de déontologie. La confraternité est une valeur importante pour moi. »

Petit retour en arrière…En 2005, après avoir signé deux contrats à durée déterminée (CDD) chez une consœur dans un petit village du sud de la France, Melle A propose à son employeur, Mme B, de s’associer. Elles tombent d’accord. Et Melle A, enthousiaste, commence à chercher un local en vue de l’installation. Mais au retour des vacances d’été, c’est un contrat à durée indéterminée (CDI) de deux jours par semaine qui est proposé à Melle A. Elle ne le signe pas, mais envoie quelques semaines plus tard sa lettre de démission. Peu après, une erreur de livraison apprendra à Mme B que son ex-employée s’est installée à 1,5 km de sa clinique. Surprise, mais aussi stupéfaction lorsque le mari de Mme B découvre, chez plusieurs commerçants du village, des cartons d’invitation pour l’inauguration de la nouvelle clinique. Il s’empresse de les collecter. Plus tard, deux insertions publicitaires dans le calendrier des pompiers finiront par convaincre Mme B et deux praticiens exerçant dans des communes voisines de porter l’affaire devant le conseil régional ordinal de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse. Celui-ci condamne Melle A à une année d’interdiction d’exercice pour concurrence illicite et non-respect du Code de déontologie. « Je reconnais avoir fait acte de négligence pour le calendrier. J’ai été légère. Quand les pompiers m’ont contactée, j’ai appelé l’Ordre qui m’a répondu que je pouvais faire une insertion limitée aux numéros d’urgence. J’ai simplement donné ma carte de visite. Je n’ai pas vu le bon à tirer.

— Mais le calendrier porte la mention “parking facile”, remarque le président, qui ne figure pas sur la carte que j’ai sous les yeux.

— J’ai fait faire plusieurs cartes de visite différentes, se défend Melle A.

— Tout de même, 153 € pour figurer dans une liste de numéros utiles, c’est beaucoup, non ?

La chambre aborde ensuite le problème des cartons d’invitation.

— C’est mon ami qui les a réalisés. Il y en avait quarante ou cinquante pas plus, ils devaient être remis seulement de la main à la main aux quelques amis que j’invitais, soutient Melle A. On rapporte qu’il y en a plus, je ne l’explique pas.

— Si c’était pour des amis, pourquoi reproduire un plan d’accès ?, demande un conseiller.

— C’est la clinique qu’on fêtait, pas moi.

— Quarante ou cinquante ? J’en ai ici deux cent cinquante ! intervient l’avocat de Mme B, brandissant un paquet d’invitations entouré d’un gros élastique. Nous en avons trouvé chez le boulanger, le fleuriste, le pharmacien, au club de tennis, et quelques-unes dans des boîtes aux lettres. Combien ont été distribuées ? Des milliers peut-être.

— Comment expliquez-vous qu’il y ait autant d’invitations ?, demande le président.

— Je ne l’explique pas.

— Reconnaissez-vous ces invitations comme étant les vôtres ?, relance-t-il.

— Cela y ressemble.

— Mais encore ?

— Ça ressemble.

— Le papier est-il le même ? » Long silence gêné de Melle A.

Vient ensuite le contentieux autour de son installation à quelques centaines de mètres de la clinique de son ex-employeur, alors que ses contrats de travail successifs faisaient tous mention d’une clause de non-concurrence de deux ans et de 25 km. « Ma cliente a signé trois contrats de travail. Les deux CDD, entre lesquels il y a eu un intervalle de plusieurs mois, sont arrivés à leur terme sans que Melle A soit payée de sa clause de non-concurrence. Et même si elle ne signe pas son troisième contrat, le CDI, elle envoie une lettre de démission à laquelle son employeur répond par un solde de tout compte, encore une fois sans payer la clause de non-concurrence », plaide l’avocate de Melle A. A l’en croire, elle serait donc parfaitement légitime à s’installer où bon lui semble puisque la jurisprudence conditionne la validité de la clause de non-concurrence non seulement à sa limitation dans le temps et l’espace, mais aussi à son paiement par l’employeur. « Melle A a signé deux CDD successifs. Le second n’ayant pas été dénoncé à son terme, il devient un CDI », contredit l’avocat de Mme B. Même si elle n’a pas signé le CDI, Melle A était donc, selon la défense de Mme B, sous contrat. Or la clause de non-concurrence se paie seulement lorsqu’il est mis un terme au contrat. Ce qui n’est donc pas le cas.

Il sera intéressant de voir quelle décision prendront les conseillers ordinaux sur ce dernier point qui relève manifestement davantage du conseil des Prud’hommes.

Deuxième affaire : des ordonnances antidatées ?

En juin 2007, un éleveur de chevaux porte plainte, auprès du conseil régional de l’Ordre de Bourgogne, contre un vétérinaire équin. Ce dernier aurait prodigué des soins inadaptés à un cheval, commis une erreur échographique et opposé un refus à la consultation de chiens. « Il s’agit d’une vengeance », résume le praticien mis en cause. L’éleveur, absent à l’audience, lui attribue la visite, un an plus tôt, de la Direction des services vétérinaires (DSV) dans son élevage. Les inspecteurs mettent alors en évidence une détention de médicaments vétérinaires sans ordonnance. Et pour cause : l’éleveur vend des vermifuges pour chevaux sur l’Internet. Il sera poursuivi pour ces faits devant le tribunal de grande instance. Mais les limiers de la DSV demandent également le double des ordonnances du vétérinaire pour d’autres médicaments trouvés sur place. Après l’instruction des faits, le praticien est rapidement mis hors de cause : les soins apportés au cheval sont corrects, l’échographie est juste et l’état des chiens ne nécessitait pas d’intervention particulière. Il est donc relaxé sur cette partie de l’affaire, mais le conseil régional lui inflige quinze jours de suspension d’exercice avec sursis, pour infractions en matière d’ordonnance. Les conseillers régionaux ont des incertitudes sur la date d’établissement des ordonnances. Les conseillers nationaux aussi.

« Les médicaments retrouvés sur place sont des flacons neufs. Soit l’éleveur ne respectait pas mes ordonnances, soit ils lui ont été fournis par un confrère. Je n’étais pas seul à travailler sur l’exploitation. J’ai présenté toutes les ordonnances sans exception, elles sont dans le dossier, se défend le praticien.

— Sur les ordonnances qui datent de 2004 apparaît nettement un 2007 par transparence, remarque un conseiller, qui fait passer la prescription au président.

— Déplacez-vous, s’il vous plaît, lui demande ce dernier.

Le vétérinaire, à la carrure d’athlète, se lève, contourne la grande table à laquelle il était assis pour rejoindre celle des conseillers en face de lui. Les mains croisées dans le dos, tel un écolier face à son maître, il courbe le tronc pour voir de plus près l’ordonnance que lui tend le président.

— Vous voyez, là, par transparence, on distingue une date qui finit par 2007. On peut donc en déduire que les duplicatas ont été établis a posteriori. Reconnaissez-vous cette écriture ?

— J’écris plus horizontalement.

— Les traits de séparation sont écrits dans l’autre sens.

— Vous savez, j’ai plusieurs carnets d’ordonnances dans mon bureau et ma voiture…

— Est-il possible que vous n’ayez pas utilisé un même carnet entre 2004 et 2007 ?

— Je n’ai pas d’explication. Peut-être quelqu’un a-t-il rédigé un document en 2007 sur le tas de duplicatas ?

— C’est techniquement possible, reconnaît le président.

— Vous remarquerez que le nom du cheval traité figure sur chaque duplicata. Il m’aurait été impossible de m’en souvenir trois ans après. Qui plus est, le duplicata que vous m’avez montré a été envoyé en 2006 au rapporteur de la chambre. Celui-ci acquiesce.

— La cause est entendue alors », conclut le président en souriant.

Mais un conseiller ordinal, à l’œil avisé, ressort d’autres ordonnances de 2004 et 2005 du dossier et celles-ci n’ont pas été envoyées au rapporteur. « Par transparence, on retrouve des ordonnances postérieures », dit-il, avant de les passer à ses confrères. Le président met un terme à l’audience sur ce rebondissement.

Le doute bénéficiera-t-il au praticien ? En tout cas, il ne pourra être sanctionné pour non-utilisation d’ordonnances numérotées. Ce grief n’était pas dans le dossier de saisine de la chambre d’appel et celle-ci ne peut pas statuer sur des faits étrangers à la saisine.

Troisième affaire : une condamnation pour la gestion de deux lieux d’exercice

Dans cette troisième affaire, un praticien spécialiste de la filière avicole a écopé d’une interdiction d’exercice de trois mois, dont deux avec sursis. La chambre de discipline de Bretagne l’a épinglé en juin 2007 pour gestion de deux domiciles d’exercice professionnel. Depuis 1989, M. B est installé en pratique mixte dans un petit village breton. Mais l’essentiel de son activité tient dans la gestion sanitaire d’un élevage de volailles, propriété d’une coopérative. En 2005, il déménage son domicile d’habitation dans la grande ville située à 80 km. La même année, il y rachète une clinique dont l’activité est principalement canine, espérant revendre rapidement sa clientèle rurale. Malheureusement, le confrère qui s’était engagé à cette reprise lui fait faux bond. Le voilà donc à la tête de deux domiciles d’exercice.

« Pourquoi avoir mis la charrue avant les bœufs ?, interroge le président. Pourquoi racheter en ville, avant d’avoir revendu ?

— Pour faciliter le départ en retraite de mon confrère, explique M. B. Il pouvait alors bénéficier d’une exonération de plus-value, ce qui n’aurait pas été le cas plus tard. »

Sommé par l’Ordre régional de se mettre en conformité avec le Code de déontologie, M. B tente vainement de revendre l’une des deux clientèles. Il va même jusqu’à créer une société d’exercice libéral pour son activité avicole, espérant revendre ses parts petit à petit. Il trouve une consœur, la salarie. Celle-ci accepte de racheter des parts, avant de tourner casaque. Elle préfère devenir salariée… de la coopérative ! « Désormais, c’est une clinique difficile à revendre, trop spécialisée, déplore M. B. Le volume de travail a diminué compte tenu des problèmes de la filière dans la région. Et il est quasiment impossible de trouver un jeune avec une telle spécialité. »

Pour revendre sa clinique de ville, il fait également chou blanc. « J’ai essayé de trouver des associés, en espérant vendre à terme, assure-t-il. Le premier confrère que j’ai trouvé voulait s’installer 500 m plus loin, puis deux consœurs ont refusé pour cause de maternité, une autre a eu de gros problèmes de succession sur Paris, la suivante a préféré, au dernier moment, rejoindre son mari vétérinaire installé en mixte. Et je continue de passer des annonces dans la presse professionnelle. Le problème, c’est que depuis que je me suis installé, quatre nouvelles cliniques ont vu le jour… ». M. B n’a pas fait de demande de cabinet annexe pour sa clinique rurale, ce que lui suggèrent les conseillers. « L’Ordre a ouvert le débat sur l’unicité du domicile et je ne sais pas ce que vous déciderez, mais jusqu’ici, la clientèle comme les confrères ne se sont jamais plaints de cette situation, remarque-t-il. Je n’ai pas eu d’agissements déloyaux. »

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur