Le colostrum porcin était à l’honneur cette année à Saint-Malo

Pour leur dixième anniversaire, les Rencontres porcines de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), traditionnellement organisées parallèlement au Space par le laboratoire Schering-Plough (auquel s’est associé cette année Intervet), ont tenu leur pari. Une centaine de vétérinaires spécialisés en production porcine ont participé à cette journée, consacrée cette année au colostrum, le 10 septembre dernier. Sandra Edwards (université de Newcastle, Royaume-Uni) a rappelé que la prise colostrale fait partie des facteurs clés de survie du porcelet. Elle doit être précoce, pour deux raisons. D’une part, la capacité d’absorption des immunoglobulines (Ig) par les porcelets diminue rapidement. Maximale jusqu’à environ seize heures après la naissance, elle décroît ensuite rapidement, cette réduction dépassant 30 % dès vingt-quatre heures de vie. D’autre part, la concentration colostrale en IgG diminue aussi très vite après la mise bas, avec une chute initiale brutale (près de 50 % en huit heures), suivie d’une décroissance plus lente. Par ailleurs, la concentration colostrale en IgG varie beaucoup d’une truie à l’autre et, au sein d’une même portée, la quantité d’IgG absorbée n’est sensiblement pas la même d’un porcelet à l’autre.

Jacques Matte (Lennoxville, Québec) a ajouté que l’intérêt du colostrum ne se limite pas à ses apports immunitaires et énergétiques. Il joue aussi un rôle important dans le transfert de vitamines et de minéraux de la truie au porcelet. Ce transfert peut être optimisé par une supplémentation adaptée de l’aliment des truies. Le conférencier a également souligné le rôle du colostrum dans le métabolisme de la méthionine et la lutte contre l’oxydation cellulaire. A partir de trois exemples concrets, Vincent Auvigne (Ekipaj) a, quant à lui, montré qu’il existe une corrélation marquée entre les taux d’anticorps spécifiques (antitoxine de Pasteurella multocida pour la rhinite, facteurs d’attachement et entérotoxine LT pour la colibacillose, Mycoplasma hyopneumoniae) détectés dans le colostrum des truies et leur concentration sérique, tant chez les truies que chez leurs porcelets. Les analyses sérologiques sur le colostrum peuvent donc constituer un outil simple et efficace d’évaluation du statut immunitaire d’un troupeau porcin, en particulier de la qualité de la prise vaccinale.

Le taux colostral d’IgG varie selon la durée de gestation

Pour sa part, Guy-Pierre Martineau (école de Toulouse) a présenté les premiers résultats du travail de thèse de Thomas Gin. Celui-ci a suivi plus de deux cents portées dans dix élevages pendant la semaine suivant la mise bas et a prélevé du colostrum en cours de parturition chez cent trente-cinq truies. Il a aussi effectué des prises de sang à une semaine d’âge sur tous les porcelets de trente-huit portées, dont seize présentaient de la diarrhée et vingt-deux en étaient indemnes. L’analyse des données recueillies a fait apparaître plusieurs résultats significatifs. Elle a d’abord confirmé l’existence d’une forte corrélation entre le taux colostral d’IgG des truies et la concentration sérique en IgG de leurs porcelets. Une forte hétérogénéité individuelle est également observée, dans les portées atteintes de diarrhée, mais également au sein des portées indemnes. En moyenne, le taux colostral d’IgG est significativement moins élevé chez les truies dont les porcelets présentent de la diarrhée (71 versus 86 mg/ml). Globalement, le taux colostral d’IgG varie selon la durée de gestation. Cette différence est principalement due à une forte augmentation quand cette durée passe de cent quatorze jours (73 mg/ml) à cent seize jours (105 mg/ml). Ce taux redescend ensuite dès le 117^e jour. En outre, contrairement à d’autres études, celle-ci n’a pas permis de mettre en évidence de relation significative entre la concentration colostrale en IgG et le rang de portée.

Il ne suffit pas de gaver les porcelets de colostrum pour éviter la diarrhée

Jean-Noël Sialelli (Cooperl) a aussi exposé des données obtenues à l’issue d’une lourde étude de terrain, conduite dans neuf élevages bretons. Les comparaisons portent sur trois groupes d’animaux : ceux issus d’élevages indemnes de diarrhée, les truies dont les porcelets ont présenté de la diarrhée, les truies d’élevages à diarrhée, mais dont les portées en étaient exemptes. Ce travail a amené notre confrère à mettre en évidence plusieurs tendances et à avancer des hypothèses intéressantes. Dans les élevages atteints, les jeunes truies (rangs de portée 1 et 2) semblent plus concernées par la diarrhée que les truies plus âgées. Chez les premières, la durée de la mise bas apparaît plus longue dans les élevages à diarrhée (34 à 39 % de porcelets naissent plus de trois heures après le début du part, au lieu de 5 % dans les élevages indemnes). Le taux d’IgG sérique des porcelets semble sensiblement plus élevé dans les élevages indemnes que dans les portées atteintes de diarrhée. La situation des portées indemnes au sein d’élevages atteints est intermédiaire. Par ailleurs, dans les élevages atteints, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les portées des jeunes truies qui produisent le plus de colostrum par porcelet apparaissent plus fréquemment affectées par la diarrhée. Seulement 20 % des truies qui produisent moins de 200 ml de colostrum par porcelet et par jour sont concernées par la diarrhée, au lieu de 70 % quand ce volume excède 200 ml. A côté de l’hypothèse immunitaire classique semble donc se dessiner une théorie nutritionnelle : il ne suffit pas de gaver les porcelets de colostrum pour éviter qu’ils présentent de la diarrhée !