Le vétérinaire est l’observateur privilégié des manifestations de mal-être chez les animaux - La Semaine Vétérinaire n° 1336 du 21/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1336 du 21/11/2008

Evaluation du bien-être animal en élevage allaitant

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

Entre conditionnalité des aides de la politique agricole commune et pertes de production, les conditions d’élevage ont un rôle économique non négligeable.

La dégradation des conditions de vie des animaux en élevage intensif, considérée comme intolérable aujourd’hui, a engendré des réglementations européennes et des démarches individuelles en faveur du bien-être physique et mental de l’animal. La difficulté réside dans la définition de ce bien-être, qui ne doit pas être confondu avec la bien-traitance. En effet, bien traiter un animal n’implique pas forcément qu’il se sent bien (il peut percevoir une situation comme menaçante alors qu’elle ne l’est pas). Le bien-être dépend avant tout de la perception que l’animal a d’une situation, donc de son ressenti. Or, cet état subjectif ne peut être appréhendé que de façon objective par l’homme, qui a du mal à évaluer le bien-être autrement qu’en estimant le mal-être.

Le vétérinaire, via l’observation des animaux, joue alors un rôle primordial pour déterminer ce qu’il est possible de changer en vue d’améliorer leur sensation de bien-être. Il peut en effet prendre en considération des critères comportementaux (suppression, modification ou apparition d’un comportement), physiologiques (le stress peut être mesuré via le cortisol), pathologiques (affections ou lésions spécifiques de l’élevage, mortalité) et zootechniques (respect des besoins alimentaires et en eau).

En élevage allaitant, une augmentation des troubles respiratoires, une chute du gain moyen quotidien (GMQ) des taurillons, la compétition entre les animaux (lutte, chevauchements, etc.) ou encore la présence de bouse sèche sur les flancs sont autant de paramètres à prendre en compte pour évaluer le mal-être des bovins.

Les grilles d’évaluation du bien-être, qui sont distribuées depuis 2006 dans le cadre de la conditionnalité des aides de la politique agricole commune (PAC), ne sont pour le moment qu’une obligation de moyens et non de résultats, mais cela risque de changer dans les années à venir. Une liste de douze critères de bien-être animal est d’ores et déjà établie au niveau européen (voir encadré).

La surface disponible modifie les rapports sociaux

Chez les bovins, surtout allaitants, il n’existe pas de réglementation spécifique au bien-être et peu de données sont disponibles. Il est pourtant nécessaire de le prendre en considération, notamment au niveau du bâtiment.

L’animal au pré exprime son comportement naturel comme il le souhaite, même s’il risque d’avoir froid ou chaud. Dans les bâtiments, les animaux sont dans un espace confiné. La ventilation naturelle permet d’éviter les courants d’air, tout en assurant un renouvellement d’air permanent. Un éclairement suffisant (200 lux) réduit aussi le stress du troupeau.

Vaches et veaux sont inséparables et pourtant ils ont des besoins différents. Les veaux sont sensibles aux températures extrêmes (le minimum tolérable est de 10 °C, alors qu’il est de - 10 °C chez l’adulte), aux courants d’air, à l’humidité, etc. Lorsqu’ils sont laissés avec leurs mères, il faut leur réserver un espace avec un passage spécifique.

La surface disponible dans le bâtiment doit être suffisante pour respecter l’espace individuel de l’animal (qui augmente avec l’âge), car il influe sur les rapports sociaux, l’accès à l’alimentation et à l’abreuvement, la rumination et le couchage. Il est conseillé de prévoir une surface de 10 m2 par vache et de 12 m2 par couple vache/veau. A l’engraissement, une chute du GMQ est constatée lorsque la surface par animal est inférieure à 4 m2.

La forme de l’aire paillée a aussi de l’importance : privilégier une surface rectangulaire plus large que profonde évite aux animaux d’être dérangés quand d’autres vont manger. La litière doit être abondante et sèche (paillage de 1 à 1,2 kg/m2), et sa température ne pas excéder 37 à 40 °C (prendre la mesure à plusieurs endroits éloignés du bord et des bouses). Observer la propreté des bovins permet de vérifier que la surface par animal et le paillage sont suffisants (voir tableau).

Une échappée doit être prévue à proximité des auges

En début et en fin de journée, les animaux synchronisent leur comportement alimentaire, et vont manger tous en même temps. L’animal dominant mange à sa faim dès que l’aliment est servi, mais le dominé a un accès plus tardif à l’auge. Il est donc essentiel que chaque animal ait une place. Il convient de réserver un accès à l’aliment de 65 à 75 cm par vache et l’auge doit être surélevée de 15 cm par rapport à l’animal. Il faut aussi prévoir un abreuvoir à boule pour dix vaches ou un bac pour trente vaches, en laissant 45 à 70 cm par animal. Quel que soit le nombre de vaches, deux abreuvoirs sont nécessaires au minimum. La hauteur doit être de 55 à 85 cm et le débit de 10 l/min. L’eau et l’alimentation doivent être dans la même zone et proches d’une échappée pour éviter les compétitions. Les équipements seront non traumatisants et propres. Des bagarres et un mauvais état corporel sont révélateurs d’un problème d’accès à l’alimentation, des blessures au garrot ou aux genoux indiqueront que la hauteur de l’auge ou de la barre au garrot est mal adaptée.

Les bovins vivent en groupes, idéalement de douze à quinze taurillons, ou en couples vache/ veau (sans dépasser vingt animaux par groupe). La socialisation de l’animal commence dès la naissance, avec sa mère. Au moment du sevrage, la rupture du lien affectif avec la vache rapproche le veau des autres jeunes qu’il connaît. Il convient donc d’éviter de mélanger des animaux qui n’ont pas été élevés ensemble. Mieux vaut garder les groupes d’élevage dès la naissance et le plus longtemps possible, sans faire de réallotement. En cas d’isolement forcé (césarienne, etc.), il est conseillé de maintenir le contact visuel de l’animal avec ses congénères. Au sevrage, même s’il est séparé de sa mère dans un box, il est important que le veau puisse la voir.

Le vétérinaire joue un rôle central d’observateur et de conseiller

Les bovins allaitants sont peu manipulés et le comportement de l’homme influe sur leur comportement. Si l’éleveur n’est pas tendre, les animaux seront stressés en voyant arriver le vétérinaire. L’administration de traitements dans une cage de contention, en dehors du milieu de vie habituel, limite ce stress. Le lieu doit être accessible grâce à des couloirs arrondis afin de limiter l’appréhension de l’animal. En effet, un animal qui a peur ou mal aura de mauvaises réactions et s’en souviendra la fois suivante.

Le rôle d’observation du vétérinaire est donc fondamental pour remédier aux problèmes relevés. Le bâtiment étant un amplificateur de mal-être et de soucis de santé, il faut apporter le conseil approprié, qui permettra de concilier bien-être et production. Il est en effet bon de rappeler à l’éleveur que le bien-être de son cheptel garantit une meilleure production et moins de problèmes de santé.

  • (1) Définis au sein du projet européen Welfare Quality. Source : Luc Mounier.

Les 12 critères de bien-être(1)

1 - Absence de faim prolongée.

2 - Absence de soif prolongée.

3 - Aire de couchage confortable.

4 - Confort thermique.

5 - Possibilité de se déplacer facilement.

6 - Absence de blessures.

7 - Absence de maladies.

8 - Absence de douleurs dues à des pratiques.

9 - Possibilité d’exprimer le comportement social.

10 - Possibilité d’exprimer les autres comportements.

11 - Bonne relation homme-animal.

12 - Absence d’émotions négatives.

CONFÉRENCIER

Luc Mounier, maître de conférences en gestion des élevages à l’ENV de Lyon.

Article rédigé d’après la conférence « Bien-être et bâtiment en élevage allaitant », présentée lors des 18e rencontres GTV Rhône-Alpes/ENVL à Marcy l’Etoile, le 9 octobre 2008.

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