Audiences en chambre supérieure de discipline - La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008

Justice ordinale. Comptes rendus des débats

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Le 2 décembre dernier, la chambre supérieure de discipline de l'Ordre a examiné en appel cinq affaires déjà jugées par les chambres régionales.

Deux des cinq affaires examinées lors de la journée du 2 décembre sont exposées ici. Les décisions, pour chacune de ces affaires, seront rendues le 28 janvier prochain.

L'impartialité des chambres de discipline remise en question

Souvent, dans leurs plaidoiries, les avocats qui n'ont rien à dire sur le fond s'attaquent à la forme. C'est le cas dans l'affaire du Dr X, condamné en avril 2007 par la chambre ordinale d'Auvergne à dix-huit mois d'interdiction d'exercice avec sursis, pour irrégularités dans la prescription et la délivrance de médicaments. Le président du conseil régional fait appel, estimant que cette sanction n'est pas assez sévère au regard des faits.

Sur les faits, justement, l'affaire est entendue. En avril dernier, la Cour de cassation confirme un jugement de la cour d'appel de Riom condamnant le Dr X, son père (le Dr Y) et sa mère (Mme Z) à respectivement quatorze mois, dix-huit mois et quatre mois de prison avec sursis et à 3 600 € d'amende chacun pour avoir vendu, entre 2001 et 2005, des centaines de kilos d'antibiotiques à des éleveurs de charolais sans voir les bêtes. Ils n'apposaient ni timbres, ni mentions obligatoires sur les ordonnances ou bons de commande. « Cette pratique avait atteint une dimension telle que les expéditions s'effectuaient par colis postaux dans des élevages situés parfois à plus de 100 km du cabinet », note la cour.

Après les premières condamnations civiles, le conseil ordinal d'Auvergne a naturellement poursuivi le Dr X sur le plan déontologique. Son père est installé à quelques kilomètres, mais dans une région voisine. « La peine prononcée par la chambre régionale est justifiée, mais n'a pas de conséquences immédiates, explique le président du conseil ordinal d'Auvergne. Ce jeune vétérinaire doit prendre conscience des risques qu'il a fait courir à la santé humaine. Les confrères ne sont pas non plus satisfaits de cette décision. Je demande une suspension d'exercice ferme. » Le Dr X se fait représenter par son avocat. Comme il lui est difficile de revenir sur les agissements de son client, il se livre à une attaque en règle de la procédure disciplinaire, remettant en cause l'impartialité des chambres de discipline. « Le même qui est aujourd'hui le plaignant et l'appelant était le rapporteur de première instance », dénonce-t-il. Lors de la première audience, en 2007, le président actuel du conseil ordinal d'Auvergne n'était en effet que simple conseiller et le rapporteur de l'affaire. Or, dans la procédure disciplinaire, les rapporteurs, qui mènent l'instruction des affaires, se doivent d'être impartiaux et surtout de ne pas prendre position. Aux yeux de l'avocat, le fait que le rapporteur d'hier fasse aujourd'hui appel et demande une aggravation de la peine est incompatible. Autre grief : la présence, parmi les membres de la chambre supérieure de discipline, du président du Conseil supérieur de l'Ordre, qui était partie civile contre le Dr X devant la cour d'appel de Riom. « C'est un mélange des genres dont vous ne pourrez vous sortir », lance-t-il. Un autre reproche encore concerne le nonrespect « de l'égalité des armes ». « Vous disposez d'outils informatiques dont nous ne pouvons nous servir », s'insurge le conseil du Dr X, brandissant un article de La Semaine Vétérinaire qui décrit la mise en place par l'Ordre d'un observatoire disciplinaire. Cette base de données, accessible via l'Internet, est destinée à recueillir le résumé de toutes les affaires ordinales passées et à venir. « J'ai voulu accéder à cet observatoire pour chercher l'évolution de la jurisprudence sur ce type d'affaires. On m'a répondu qu'il fallait un code d'accès et être vétérinaire. C'est réservé à une élite », raille l'avocat. En outre, il conteste les motifs mêmes de l'appel, estimant que l'insatisfaction des vétérinaires de la région n'est pas une motivation suffisante.

Dans ce contexte, il est probable que, quelle que soit la décision rendue, l'avocat du Dr X portera l'affaire devant le Conseil d'Etat pour vices de procédure.

Réaliser une expertise pour le compte d'un client est interdit

Un matin de 2006, M. et Mme A retrouvent mortes dans leur enclos deux des quelques brebis et moutons qu'ils élèvent pour leur agrément. Sur place, ils aperçoivent un chien, le capturent, estimant qu'il est à l'origine de la mort des deux bêtes. Grâce à son collier, M. et Mme A localisent rapidement le propriétaire du fauve de Bretagne : c'est leur voisin, M. B, qui possède également trois autres bassets. Un gendarme constate les faits et le voisin, compatissant, assure qu'il fera jouer son assurance en responsabilité civile pour indemniser les époux A. Il prend en charge les carcasses des deux brebis et les emmène, ainsi que son chien, chez le Dr C, son vétérinaire habituel. Celui-ci examine rapidement les deux carcasses et, après mesures, constate que les deux petits trous au niveau de la gorge des brebis sont séparés de 6 cm, alors que les canines du chien ne sont distantes que de 3 cm. Convaincu de l'innocence du chien de son client, le Dr C rédige un certificat en précisant en lettres capitales qu'il vient d'effectuer un stage d'expertise judiciaire à l'école vétérinaire de Toulouse, apposant avant sa signature un explicite « pour faire valoir ce que droit ».

Une semaine plus tard, M. B rencontre les époux A et leur montre la lettre qui l'exonère de sa responsabilité. Les époux A décident alors de porter plainte contre le Dr C devant la chambre ordinale de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Celle-ci estime que la pièce établie par le Dr C a le caractère d'une expertise. Or le Code de déontologie interdit au praticien d'effectuer une expertise au profit de ses clients (article 242-82). La chambre inflige donc au Dr C une réprimande.

Face à la chambre supérieure, soutenu par un confrère expert judiciaire, le Dr C tente de démontrer que le certificat qu'il a établi n'est pas une expertise.

« Vous n'êtes pas expert judiciaire, vous n'avez effectué qu'un stage, pourquoi en faire état en capitales dans votre attestation , demande le président. On peut penser que vous avez mis cela en avant pour impressionner les époux A. Vous êtes vaniteux ?

— Je ne peux pas vous dire pourquoi, répond le Dr C en haussant les épaules.

— Cela donne l'impression que vous vous attribuez la qualité d'expert, ajoute le président.

— Le Dr C n'a jamais déclaré avoir fait une expertise, mais un simple constat, explique son défenseur. Pour faire une expertise, il faut en premier lieu un mandant, une mission. Or ici personne ne lui a demandé. Il faut ensuite une discussion contradictoire, ce qui n'a pas été le cas. C'est un simple constat qu'a fait le Dr C, rien d'autre. »

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/9/2008 en pages 12-14.

Décisions d'appel

Fin septembre, nous présentions trois affaires examinées par la chambre de discipline(1). Voici les décisions rendues le 22 octobre dernier.

• Melle A, qui avait prévu de s'associer avec son employeur, s'installe finalement à 1,5 km de sa clinique. Pour se faire connaître, elle paye une insertion dans le calendrier des pompiers qui mentionne ses nom et adresse et distribue des centaines de cartons d'invitation pour l'inauguration de sa clinique sur lesquels figure un plan d'accès. La chambre régionale de PACA-Corse sanctionne Melle A d'une année d'interdiction d'exercice sur le territoire de la chambre. Cette décision est confirmée par la chambre supérieure.

• La chambre régionale de Bourgogne inflige quinze jours d'interdiction d'exercice avec sursis à un praticien pour infractions en matière de rédaction d'ordonnances. Il est soupçonné d'avoir antidaté plusieurs prescriptions. La chambre supérieure invalide cette décision et relaxe le praticien, estimant qu'il est difficile d'accréditer la falsification. Selon le vétérinaire, il aurait notamment pu rédiger des ordonnances d'un même carnet à différentes dates sans interposition du carton rigide.

• M. B écope d'une interdiction d'exercice de trois mois dont deux avec sursis par la chambre régionale de Bretagne. Il lui est reproché de posséder deux lieux d'exercice. Installé en pratique mixte depuis plusieurs années, mais tirant l'essentiel de son activité de la gestion sanitaire d'un élevage de volailles, M. B a acquis une autre clinique en milieu urbain. Il n'a pu vendre sa première activité, malgré de multiples démarches et annonces. La chambre supérieure reconnaît les efforts du praticien et étend le sursis aux trois mois d'interdiction.

N. F.
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