Zoonoses parasitaires
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Karim Adjou
La prévalence de cette affection est encore souvent sous-estimée, variant de 1 à 5 % chez l'homme et de 20 à 50 % chez le chien.
L'hydatidose, ou échinococcose hydatique, est une maladie provoquée par l'ingestion d'œufs d'Echinococcus granulosus provenant du chien, l'hôte définitif habituel du ténia échinocoque. Cette affection potentiellement mortelle peut également affecter l'homme et de nombreux animaux de la faune sauvage ou domestique (bétail). La contamination est beaucoup plus souvent la conséquence de contacts directs avec le chien que de l'ingestion d'aliments souillés par ses déjections. Cependant, la maladie ne sévit que dans les régions où coexistent des chiens et des herbivores.
L'infection par Echinococcus entraîne le développement de grands kystes dans l'organisme de l'hôte intermédiaire. Les symptômes apparaissent lorsque ces derniers grossissent et commencent à faire pression sur les vaisseaux sanguins et les organes, ou à les éroder. Les grands kystes peuvent également provoquer un état de choc s'ils se rompent. L'infection par E. granulosus, fréquente dans les pays méditerranéens, a généralement comme conséquence la formation d'un kyste dans le foie, les poumons, le rein et la rate de l'hôte intermédiaire (voir photos 1, 2 et 3).
La mise en œuvre de techniques modernes sérologiques, échographiques et génomiques à grande échelle, durant les quarante-cinq dernières années, a permis de mieux connaître les aspects épidémiologiques de la maladie hydatique dans de nombreuses parties de l'Afrique.
Actuellement, l'hydatidose à Echinococcus granulosus est l'une des zoonoses parasitaires majeures en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Libye, Tunisie) et à l'est de l'Afrique subsaharienne (Soudan, Ethiopie, Ouganda, Kenya et Tanzanie) où l'affection est endémique, constituant un problème majeur de santé publique avec des conséquences économiques néfastes.
En revanche, au centre, à l'ouest et au sud de l'Afrique subsaharienne, l'hydatidose humaine reste rare ou sous-estimée, en raison du manque de moyens diagnostiques et du nombre réduit de structures chirurgicales. Toutefois, dans ces régions, l'hydatidose du bétail est pourtant présente. Cette maladie est transmise selon un cycle domestique essentiellement rural qui implique les chiens et le bétail, et secondairement selon un cycle sauvage. En Afrique subsaharienne, la plupart des troupeaux de bétail appartiennent à des peuples nomades qui ont le niveau socio-économique d'éducation et le standard de vie le plus bas, contribuant à l'hyperendémicité de l'hydatidose dans ces régions.
Selon Samia Lahmar, de l'école vétérinaire de Sidi-Thabet, en Tunisie, les prévalences d'infestation par E. granulosus sont alarmantes en Afrique du Nord, variant de 1 à 5 % chez l'homme et dépassant 20 % chez le chien. Concernant l'hôte intermédiaire, les prévalences les plus élevées sont observées chez les bovins au Maroc (22,98 %) et en Egypte (6,4 %), chez le dromadaire en Libye (48 %) et en Algérie (24,8 %), chez les ovins en Tunisie (32,2 %).
En Afrique subsaharienne de l'Est, la prévalence de l'hydatidose humaine est particulièrement élevée, avec 1,4 % en Tanzanie, 1,5 % en Ethiopie, 3 % au Kenya et 3,5 % au Soudan. Dans ces pays, l'infestation des chiens est considérable. Elle atteint ainsi 50 % en Tanzanie et en Ethiopie. Le dromadaire constitue le principal hôte intermédiaire au Kenya, au Soudan et au Tchad, alors que les petits ruminants sont des hôtes essentiels dans la transmission de l'infestation en Ethiopie et en Tanzanie. En revanche, les cas humains d'hydatidose sont rares, voire absents en Somalie, au Tchad et en Ouganda.
En Afrique subsaharienne occidentale, les données sur l'hydatidose humaine sont rares. Seulement une centaine de cas sont rapportés au Mali, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et au Ghana. La plupart des cas sont recensés en Mauritanie, au Niger et au Nigeria, car l'introduction de l'échographie a permis, en 1992, de diagnostiquer les premiers cas humains en Mauritanie. Par ailleurs, au Nigeria, une enquête dans les hôpitaux a révélé une prévalence humaine de 5,1 %. Les camélidés sont les principaux hôtes intermédiaires au Nigeria (55,5 %) et au Niger (89,7 %). Dans ce dernier pays, les chiens sont infestés à 85 %, les porcs à 56 %. En Afrique du Sud, l'hydatidose ne constitue pas un problème de santé publique prioritaire. L'hydatidose du bétail est commune, mais les données et les enquêtes sont limitées.
Il existe une grande diversité du complexe E. granulosus, avec au moins cinq souches infestantes pour l'homme. Les souches G1, G2, G3 et G6 sont retrouvées en Afrique du Nord, alors que les génotypes G1, G5, G6 et G4 sont présents en Afrique subsaharienne. Bien que l'impact de l'hydatidose humaine soit apparent, il n'existe que de rares estimations du coût de la maladie et des conséquences sociales de l'infestation en Afrique. En Tunisie, le coût moyen de l'hydatidose humaine et animale s'élève à environ 22 millions de dinars tunisiens (12,3 millions d'euros) chaque année.
Le seul programme de lutte entrepris en Afrique contre la maladie a été initié au Turkana, au Kenya (1983-2000), par la Fondation africaine de recherche médicale. Il a abouti à un succès limité.
Devant l'importance des problèmes posés par cette maladie, plusieurs pays ont tenté de mettre au point des mesures de contrôle qui impliquent, entre autres, l'éducation, la vermifugation systématique des chiens à l'aide de praziquantel, plusieurs fois par an, ainsi qu'un contrôle rigoureux de l'abattage des ongulés.
Ces mesures contraignantes, difficiles à appliquer à long terme, ont ouvert la porte à la mise au point de vaccins. Ainsi, des équipes australienne et néo-zélandaise, utilisant une protéine recombinante extraite de l'oncosphère du parasite, ont mis au point un vaccin qui assure une protection efficace pour le mouton. Cependant, cette approche nécessite la manipulation de nombreux animaux.
Les chiens semblent des cibles vaccinales plus intéressantes, car ils sont moins nombreux et constituent la source de la contamination. La vaccination du chien contre ce Taenidae avait été délaissée, car les connaissances relatives à l'immunité muqueuse chez cette espèce étaient peu nombreuses et les cestodes à localisation intestinale semblaient peu immunogènes. Des travaux préliminaires ont tempéré cette dernière remarque. Récemment, deux groupes, dont celui de notre consœur Anne-Françoise Petavy, du laboratoire de parasitologie et de mycologie médicale de l'université de Lyon 1, ont utilisé des protéines recombinantes différentes et ont montré qu'une vaccination du chien contre ce parasite est possible. Leur prototype vaccinal a été testé par des équipes tunisienne et marocaine, aboutissant à une réduction de 70 à 80 % du nombre de vers et à un retard de croissance des parasites survivants. Même si la mise sur le marché d'un tel vaccin est encore lointaine, ces premiers résultats sont encourageants. Ce futur vaccin pourrait d'ailleurs, la cible étant la même, être associé à un autre, par exemple celui utilisé contre la rage.
• Samia Lahmar, service de parasitologie, école de médecine vétérinaire de Sidi-Thabet (Tunisie)
• Anne-Françoise Petavy, laboratoire de parasitologie et de mycologie médicale, ISPB, université Lyon 1.
Article rédigé d'après les conférences présentées lors du colloque « Santé et environnement dans le bassin méditerranéen », organisé à Carthage (Tunisie), du 13 au 15 novembre 2008.
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