« Derrière le cheval se cache le prince charmant »

La Semaine Vétérinaire : Les enfants veulent souvent devenir vétérinaires. Le constatez-vous ?

Stéphane Clerget : Voilà quinze ans que j’exerce et cela n’a pas changé. Globalement, chez les petites filles, le métier de vétérinaire arrive juste après celui de maîtresse. Chez les garçons, il se place après le pompier et le footballeur. Le choix d’une profession est généralement lié à l’environnement ou aux loisirs de l’enfant. Or l’animal est très présent dans la société française, dans les foyers en particulier. Pour le petit enfant, l’animal est un égal, un compagnon. Devenir vétérinaire, c’est prolonger le plaisir d’être avec les animaux, rester dans l’univers du loisir, dans une sphère protégée, chez soi. Avec la puberté, vers douze ans, ce désir s’estompe, chez les garçons comme chez les filles.

S. V. : Pourquoi ?

S. C. : En grandissant, l’aspect égalitaire de la relation avec l’animal disparaît. Le regard des préadolescents ou des adolescents se porte alors plus volontiers sur les soins apportés aux animaux. Pour les filles notamment, s’occuper d’eux revient à prendre soin de plus petit que soi, de bébés. Elles l’expriment également dans leur désir de devenir puéricultrice ou institutrice : un déplacement du désir maternel. Les soins, le réconfort sont souvent apportés par les mamans. Les jouets dans lesquels il faut soigner des animaux sont le plus souvent destinés aux filles.

S. V. : Les promotions des écoles vétérinaires comprennent de plus en plus d’étudiantes. Faut-il y voir une relation différente des filles avec les animaux ?

S. C. : Ce n’est pas la relation aux animaux qui peut l’expliquer, mais, justement, la relation aux soins. De plus en plus de jeunes femmes s’engagent dans les métiers de soins : dentaire, pharmacie, médecine. La profession de vétérinaire n’échappe pas à la règle. Elles réussissent mieux que les garçons parce que le système scolaire leur est mieux adapté. Elles savent aussi que le métier a évolué. Soigner des chiens et des chats est moins rude que des vaches et permet d’adapter plus aisément une vie de famille.

S. V. : Les filles sont plus souvent attirées par l’univers équin que les garçons.

S. C. : C’est vrai. Et celles qui le sont paraissent particulièrement débrouillardes, plus actives que les autres. Autrefois, on aurait dit des “garçons manqués”. Le cheval est un animal gracieux, mais viril. La relation qu’elles construisent avec lui est presque sensuelle. Cet animal est un complément identitaire. Le couple cheval cavalière forme un tout. Mais derrière le cheval se cache… le désir du prince charmant !

S. V. : Encore lui…

S. C. : Heureusement pour nous. Sinon, elles nous remplaceraient par leur cheval, comme les amazones !

• Stéphane Clerget est l’auteur de nombreux livres. Le dernier, Comment avoir de vrais amis ?, est paru chez Albin Michel.