Séquençage
Formation continue
ÉQUIDÉS
Auteur(s) : Isabelle Desjardins
Les praticiens sont un maillon indispensable de la recherche génétique chez le cheval, par leur capacité à identifier les phénotypes “malades” au sein d’une large population et à récolter les échantillons utiles.
En 2006, le Broad Institute of Harvard a séquencé le génome d’une jument pur-sang et ces résultats ont été rendus publics l’an dernier. Plus de 90 % de quelque 2,7 milliards de paires de bases du génome équin sont identifiées par leur arrangement linéaire et leur ancrage aux territoires chromosomiques. Une fondation américaine (Morris Animal Foundation’s Consortium in Equine Medical Genetics) a développé des outils génétiques qui permettent d’étudier quelques maladies génétiques simples du cheval.
Jusqu’à récemment, la génétique équine s’est intéressée aux maladies monogéniques, pour lesquelles la mutation d’un seul gène, transmissible et suivant la loi Mandélienne (autosomal dominant, autosomal récessif, lié au sexe), engendre une maladie chez le cheval affecté.
Des exemples de mutation d’un seul gène occasionnant une maladie génétiquement transmissible sont la paralysie périodique hyperkaliémique, le syndrome d’immunodéficience combinée sévère, le syndrome létal du poulain ovéro blanc, l’épidermolyse jonctionnelle bulleuse, la déficience de l’enzyme branchant du glycogène, l’hyperthermie maligne, l’asthénie dermale régionale héréditaire équine et la myopathie à stockage de polysaccharides.
De façon surprenante, ces maladies monogéniques sont parfois très répandues, probablement en raison des pratiques d’élevage. La sélection parmi les reproducteurs fait qu’un seul étalon populaire peut disséminer une mutation génétique à toute sa descendance. Cela a probablement été le cas avec l’étalon Impressive pour la paralysie périodique hyperkaliémique qui affecterait 4 % de la population des quarter-horses sur le continent américain.
Dans la plupart des cas, l’expression des maladies monogéniques est simple : le génotype permet de prédire la présence ou l’absence de phénotype “malade”. Mais, parfois, la relation n’est pas si claire. Par exemple, le phénotype des chevaux à mutation GYS1, responsable de la myopathie à stockage de polysaccharides de type 1, varie considérablement et va d’une expression subclinique à une rhabdomyolyse sévère pouvant entraîner la mort. Cette maladie est de type autosomal dominant. En général, la gestion thérapeutique des chevaux atteints de myopathie à stockage de polysaccharides consiste en une ration riche en graisse et pauvre en sucres et un exercice quotidien. Toutefois, l’équipe de Molly MacCue(1) a découvert que les chevaux à mutation GYS1 qui portent également une mutation au niveau d’un second gène présentent une expression plus sévère de la maladie, qui répond moins bien aux mesures thérapeutiques énoncées. Ainsi, la gestion de la myopathie à stockage de polysaccharides repose à la fois sur des facteurs environnementaux et génétiques.
De nombreux autres traits génétiques sont causés par les effets de gènes multiples (maladie polygénique) ou la combinaison des effets de plus d’un gène et de facteurs environnementaux (traits multifactoriels).
L’hérédité et l’expression de ces traits génétiques sont complexes, mais leur composante génétique est bien démontrée. L’obstruction récurrente des voies respiratoires (ORVR ou “pousse”), le syndrome métabolique équin, l’ostéochondrose-ostéochondrite disséquante et la myélopathie cervicale compressive sont des exemples de maladies polygéniques et/ou multifactorielles.
En regard de ces affections, les tests génétiques permettent de détecter les prédispositions génétiques de chevaux pour des maladies comme l’obstruction récurrente des voies respiratoires ou le syndrome métabolique et, en cas de résultat positif, de mettre en place des mesures préventives afin d’éviter l’expression clinique de la maladie.
Les prédispositions génétiques sont également importantes pour la susceptibilité individuelle aux infections. Un exemple en médecine humaine est l’effet protecteur de la délétion de paires de bases au niveau du gène CCR5, qui confère une protection contre le virus HIV. Dans le futur, il est fort possible que des découvertes similaires puissent aider le praticien, notamment dans l’identification des poulains susceptibles d’être atteints de rhodococcose au sein d’un élevage où la maladie est endémique.
Outre l’aspect diagnostique, il est probable que la carte génétique d’un individu pourra être utilisée à l’avenir pour prédire la réponse à une molécule thérapeutique. En médecine humaine, il est estimé que 20 à 95 % de la variation de la pharmacocinétique et de l’effet d’une molécule chez les patients sont dus à un effet génétique. Cela a donné naissance à une nouvelle discipline, la pharmacogénétique.
La première étape de la génomique équine consiste à identifier les facteurs génétiques responsables des maladies monogéniques et polygéniques, ainsi que de la susceptibilité à une maladie donnée.
Des caractères héritables peuvent être suspectés lorsqu’un groupe de chevaux affectés est identifié, lorsque ce caractère évoque une maladie génétique connue chez une autre espèce, ou quand une prédisposition familiale est apparente. Comme les caractères héritables s’expriment de façon discrète au sein d’une population, cela peut prendre longtemps pour reconnaître une expression phénotypique de maladie identique parmi des chevaux apparentés. C’est particulièrement vrai pour la maladie à stockage de polysaccharides et l’asthénie dermale régionale héréditaire équine, car celles-ci ne s’expriment en général que chez les chevaux de plus de deux ans. Le problème de reconnaissance d’une maladie génétique multifactorielle est amplifié par le fait que certains facteurs déclenchants environnementaux sont nécessaires à l’expression de la maladie.
Deux méthodes différentes sont utilisées pour identifier les mutations génétiques à l’origine de maladies.
La première, l’approche des gènes candidats, consiste en l’identification d’un gène supposément impliqué dans la mutation, en se fondant sur les caractéristiques biochimiques du produit du gène ou sur une maladie homologue chez une autre espèce. Cette technique est utilisée pour l’identification du gène responsable de la paralysie périodique hyperkaliémiante, du syndrome d’immunodéficience combinée sévère, du syndrome létal du poulain ovéro blanc, de l’épidermolyse jonctionnelle bulleuse, de la déficience de l’enzyme branchant du glycogène et de l’hyperthermie maligne. Le gène suspect est séquencé à la fois chez des individus sains et chez ceux qui présentent la maladie, pour identifier une mutation. La mutation d’un gène candidat peut être relativement rapidement séquencée par une technique de reverse transcriptase polymerase chain reaction (rt-PCR) à partir de tissus sains et lésés. Le séquençage des gènes candidats s’est considérablement simplifié depuis la connaissance du génome équin.
Lorsque l’identification d’un gène candidat n’est pas possible, une approche de cartographie génétique est employée. Elle consiste en l’utilisation de l’hérédité de marqueurs ADN pour identifier la région du génome qui contient la mutation. Les techniques d’analyse de liaisons et d’étude d’associations visent à reconnaître des allèles de marqueurs ADN qui sont toujours transmis avec le phénotype “malade”. L’analyse de liaisons évalue plus particulièrement l’hérédité de marqueurs ADN au sein de familles. Mais chez le cheval, l’accès à de grands effectifs de familles sur plusieurs générations est difficile et lent (une jument ne fait qu’un poulain par an, qui lui-même ne pourra se reproduire qu’à trois ans). De plus, les juments sont rarement accouplées au même étalon les années suivantes, ce qui diminue le nombre de véritables descendants susceptibles de porter la mutation. La coopération des éleveurs et des propriétaires n’est pas toujours acquise, dans la mesure où la détection d’une maladie génétique au sein de leur élevage doit rester confidentielle.
L’étude d’associations n’a pas ces limites. Elle utilise des populations non apparentées et des chevaux contrôles. Cette technique repose sur le principe de l’association non aléatoire entre des combinaisons de gènes. Lorsqu’une mutation génétique survient chez un individu, le segment chromosomique muté possède une série particulière d’allèles. Quand cette mutation est transmise à la descendance, celle-ci possède aussi cette série particulière d’allèles. Parmi les générations initiales, la conservation de cette série d’allèles est élevée, mais au fur et à mesure de la descendance, le segment qui inclut la mutation se rétrécit par des phénomènes de recombinaison, de mutation et de dérive génique. Seuls les allèles les plus proches de la mutation initiale sont conservés à travers les générations.
Le lien entre une maladie à mutation et des allèles particuliers peut être utilisé pour déterminer la position chromosomique du gène inconnu par association génétique (allélique). Les cas cliniques porteurs de la mutation sont définis par le phénotype malade et les témoins par l’absence de phénotype malade. La fréquence des allèles est statistiquement comparée entre la population à phénotype malade et la population contrôle.
Les gènes de la maladie à stockage de polysaccharides et de l’asthénie dermale régionale héréditaire équine ont été identifiés récemment par cartographie génétique et l’aide de marqueurs ADN. Les praticiens sont un maillon indispensable de la recherche génétique équine, par leur capacité à identifier les phénotypes de maladies génétiques au sein d’une large population et à récolter les échantillons nécessaires (sang, tissus) chez les chevaux malades.
De nouveaux outils génétiques sont en cours de développement. Ils permettront de mieux comprendre les maladies équines qui impliquent une combinaison de facteurs héréditaires, environnementaux, et de gestion d’élevage.
(1) Molly E. MacCue : « Equine genomics and genetics : the impact on disease diagnosis, research and treatment », Proceedings of the Acvim forum, 4 au 8/6/2008, San Antonio (Texas).
Face aux populations humaines, les populations animales possèdent davantage de maladies monogéniques, mais leur impact en pratique courante est faible en comparaison des maladies multifactorielles. Pourtant, ces dernières ne sont pas toujours reconnues, peut-être parce que les prédispositions génétiques passent inaperçues lorsque les conditions environnementales sont favorables, ou que les prédispositions génétiques n’ont pas été identifiées comme étant la composante d’une maladie : des individus susceptibles de transmettre cette affection continuent donc à se reproduire.
En médecine équine, les affections monogéniques ont un impact fort sur un petit effectif de chevaux, alors que les maladies polygéniques et/ou multifactorielles ont un impact modéré sur la santé d’un grand nombre de chevaux.
Lorsque la maladie monogénique s’exprime cliniquement, le diagnostic de certitude repose sur un test génétique. Celui-ci peut aussi être réalisé en prévention, pour tester des reproducteurs, par exemple.
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