Domicile d’exercice : vers la multiplicité contrôlée - La Semaine Vétérinaire n° 1346 du 06/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1346 du 06/02/2009

Profession. Directive “services”

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Dans un travail d’analyse sur l’application de la directive “services”, le Conseil de l’Ordre d’Ile-de-France propose la multiplicité contrôlée des lieux d’exercice professionnel.

La dernière ligne droite. En principe, il reste onze mois avant l’entrée en vigueur de la directive “services”. Onze mois pour finaliser le recensement et l’évaluation exhaustive (screening) de la réglementation relative aux activités de services en vue de la transposition du texte européen en droit français. Beaucoup des régimes d’autorisation (ceux des professions réglementées, par exemple) qui devront faire l’objet de modifications législatives pour assurer leur compatibilité avec la directive sont déjà recensés. Depuis plusieurs mois, l’Ordre des vétérinaires alerte la profession sur les deux principaux points du Code de déontologie et du Code rural que la directive vient percuter : l’unicité du domicile d’exercice et l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL). Lors de ses journées d’octobre dernier, à Amiens, il a voulu prendre position. Mais les conseillers régionaux présents, plus ou moins bien informés, n’ont pas souhaité s’exprimer. Ils ont donc confié au conseil ordinal d’Ile-de-France et à son président, François de Couliboeuf, un travail d’analyse et de propositions sur ces sujets. Il vient de rendre son rapport(1). Le travail aura donc été rapide.

Une multiplicité encadrée au nom du service rendu au public

Le conseil régional propose d’abandonner le principe de l’unicité du domicile d’exercice professionnel, déjà largement battu en brèche sur le terrain à coup de montages juridiques et sociétaux complexes. S’il prône la multiplicité, il veut néanmoins l’encadrer au nom du service rendu au public, seule condition acceptable par Bruxelles pour revenir sur son principe de liberté d’installation, « y compris par la création d’agences, de succursales, de filiales ou de bureaux » (article 10 de la directive). Selon le rapport, autoriser sans limites la détention de multiples lieux d’exercice conduirait inévitablement à une concentration du marché vétérinaire entre grosses SEL détenant de nombreux lieux d’exercice. Une concentration aux effets sans doute positifs sur l’organisation du travail ou l’exploitation des investissements, mais qui, plus certainement encore, « pourrait conduire à privilégier les actes à forte valeur ajoutée, les investissements à fort taux de retour, en lieu et place d’un service global », bien loin donc d’un « service rendu au public ».

Le conseil ordinal d’Ile-de-France propose donc une modification du Code de déontologie. Le principe selon lequel une personne physique exerçant la profession ne gère qu’un seul lieu d’exercice demeure. Ce domicile d’exercice est géré soit directement, soit indirectement « en en confiant la gestion à une société d’exercice » au sein de laquelle ce professionnel exerce lui-même. Plusieurs praticiens peuvent se regrouper en société pour exploiter plusieurs lieux d’exercice en même temps, mais « pas plus que de vétérinaires en exercice parmi les membres de la société ». Les rapporteurs suggèrent donc de permettre à une SEL d’administrer plus de trois lieux d’exercice comme c’est le cas actuellement, mais en en limitant le nombre au nombre d’associés. La limitation à huit du nombre d’associés dans une société serait également supprimée. Ainsi, une SEL comprenant dix vétérinaires associés pourrait gérer dix SEL. Le principe du domicile d’exercice annexe demeure également, mais il ne peut être ouvert que s’il est en mesure d’« assurer au public un service au moins équivalent à celui qu’aurait assuré un vétérinaire praticien indépendant exerçant à temps plein ». « Cette nouvelle rédaction permet de s’assurer que ces structures annexes ne sont pas créées uniquement pour empêcher ou dissuader une autre installation », remarque François de Coulibœuf. A priori, ce dispositif ne concerne pas les salariés. Ils ne pourraient donc pas prendre la gestion d’un des lieux d’exercice détenus par la SEL. « La question des salariés n’est pas encore tranchée », admet le président du conseil régional ordinal.

Réserver la détention du capital d’une SEL aux vétérinaires qui y exercent

Concernant l’ouverture du capital, le rapport ne veut pas « d’une défense poujadiste », comme celle que développent, par exemple, les laboratoires d’analyses médicales, qui estiment que leurs « coutumes professionnelles assureraient une qualité de service indiscutable, que les organisations capitalistiques ne pourraient réaliser ». L’instance ordinale se veut résolument ouverte : « Il nous apparaît que la défense d’une pratique vétérinaire étroitement liée à l’exercice individuel ne peut pas s’envisager sous l’angle de la préservation des intérêts ou des traditions d’une profession. » Ce qui ne l’empêche nullement de vouloir défendre farouchement l’intérêt général contre l’appétit des investisseurs. Le conseil ordinal d’Ile-de-France dresse d’ailleurs une sorte de “liste noire” de ceux qui pourraient fortement nuire à l’indépendance des praticiens : laboratoires pharmaceutiques et d’analyses, industrie du pet food, éleveurs et producteurs de denrées alimentaires, activités de toilettage et d’éducation canine, etc.

« Nous sommes une profession de certification. Notre rôle de veille sanitaire est au cœur de la santé publique. Seuls les vétérinaires qui exercent dans une SEL, ou ceux qui y travaillent [les auxiliaires par exemple, Ndlr] doivent pouvoir détenir son capital », estime François de Coulibœuf, même s’il craint « qu’il ne soit peut-être déjà trop tard pour défendre cette position ». La profession permet déjà l’ouverture du capital d’une SEL jusqu’à 25 %, détenus par des associés extérieurs hors amont (laboratoires, pharmaciens, etc.) et aval (éleveurs, clients, etc.). « Ne sommes-nous pas ainsi déjà fragilisés ? », s’interroge-t-il. Mais deux événements récents confortent la position du président de l’instance ordinale. En assujettissant aux charges sociales les dividendes produits par les parts de SEL, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, donc l’Etat, pleinement conscient de la directive “services”, entérine le fait que les parts sociales de SEL « ne sont pas des actions ordinaires de sociétés ordinaires, mais bien des instruments d’exercice d’une profession ». Par ailleurs, la position récente de l’avocat général de la Cour européenne de justice considérant que la propriété comme l’exploitation d’une pharmacie en SEL ne peut être le fait que d’un pharmacien, donne des raisons objectives d’espérer. « Si on ne négocie pas tout en bloc, nous n’aurons pas de deuxième chance », prévient François de Coulibœuf. Le travail du conseil de l’Ordre d’Ile-de-France est désormais entre les mains du Conseil national qui devra prendre position. Il reste onze mois…

  • (1) « Réflexions sur l’application de la directive “services” à la profession vétérinaire et ses conséquences sur la législation encadrant l’exercice de la profession en France », à télécharger sur WK-Vet.fr

Mécanique de la transposition

La transposition de la directive “services” en droit français doit avoir lieu avant la fin de l’année. En 2006, le ministère de l’Economie a été désigné pour piloter les travaux de mise en place du texte et assurer leur cohérence. Il a créé une mission interministérielle composée de quatre personnes, s’appuyant sur un réseau d’une trentaine de correspondants dans l’ensemble des ministères. Chacun d’eux a la charge de recenser les régimes d’autorisation (des professions réglementées notamment) qui existent dans son secteur et de rédiger les textes nécessaires à leur mise en conformité avec la directive. Ce sont eux que la profession doit convaincre. A la mi-2008, environ cinq mille textes étaient concernés par la directive, mais le nombre de modifications législatives pourrait être faible, car beaucoup d’entre elles relèvent du domaine réglementaire.

Le gouvernement pourrait donc se passer en partie du Parlement en agissant par voie d’ordonnances.

N. F.
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