Contentieux “du quotidien”
Gestion
QUESTIONS/RÉPONSES
Auteur(s) : Céline Peccavy
Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.
Le droit à la tranquillité est un principe acquis et reconnu, par le droit national, mais également européen. Encore faut-il en persuader ses voisins…
Le voisin est un animal nuisible assez proche de l’homme », disait Pierre Desproges. Petites agressions quotidiennes, débordements et manque de civisme sont en effet souvent au programme des rapports de voisinage, à l’origine de contentieux entre particuliers, fondés sur une conception différente du droit que chacun a de jouir des biens dont il est propriétaire. Les animaux sont fréquemment à l’origine des querelles : installation de ruches dans un quartier de banlieue (arrêt de la cour d’appel de Rouen du 4 mars 1953), élevage d’animaux (arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 20 octobre 1970), porcherie (arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 21 mars 1984).
Dès 1971, il est acquis que si le propriétaire voisin de celui qui use légitimement de son bien est « tenu de subir les inconvénients normaux de voisinage, en revanche, il est en droit d’exiger une réparation dès lors que ces inconvénients excèdent cette limite ». La jurisprudence consacre donc le fait que « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (arrêt rendu par la 3e chambre de la Cour de cassation le 23 novembre 1994). Mais la reconnaissance de ce principe va au-delà de la dimension nationale, puisqu’il est reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière considère qu’un trouble anormal de voisinage porte atteinte au respect de la vie privée (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).
La notion de voisinage doit être largement entendue. En effet, il ne s’agit pas de se limiter à la contiguïté matérielle. C’est la réalité d’une nuisance émanant d’une propriété dans le voisinage au sens courant (arrêt de la cour d’appel de Dijon rendu le 12 avril 1991) qui est prise en compte. Du côté des protagonistes, peu importe la personne chez qui le trouble prend sa source ou celui qui en souffre : tout le monde peut être mis en justice ou agir.
Pour qu’une sanction s’applique, il est nécessaire que le trouble présente un caractère anormal. Le juge a tous les pouvoirs, dans la mesure où l’anormalité du trouble est une question de fait laissée à son entière appréciation. Ainsi, l’élevage de quelques poules par une dame âgée de quatre-vingt-dix ans n’est pas constitutif d’un trouble anormal, le fonds étant propre, bien entretenu et clos. Il en est de même pour les aboiements qui proviennent de plusieurs chenils ne dépassant pas les nuisances inhérentes à ce type d’activité, considérées comme normales en milieu rural (arrêt de la cour d’appel de Riom du 18 novembre 2004).
On ne peut considérer que le premier occupant a, par rapport à ses voisins, un droit acquis à faire du bruit ou à émettre des odeurs pestilentielles. Ce fait justificatif est rejeté par la jurisprudence. Toutefois, les juges du fond utilisent parfois la préoccupation individuelle pour modifier l’indemnité à la charge de l’auteur de la nuisance. Ils considèrent en effet que la victime a pris des risques en s’exposant à des dangers connus et prévisibles. A l’inverse néanmoins, celui qui a occupé pacifiquement un lieu en premier bénéficie d’une sorte de droit à la paix.
La majorité des nuisances sont acoustiques. Fréquemment, le trouble consiste en des bruits excessifs, provoqués par exemple par des chiens, les chants d’un coq (arrêt rendu par la cour d’appel de Dijon le 2 avril 1987) ou encore les croassements de grenouilles attirées par le creusement d’une mare au fond d’un jardin (arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse le 10 septembre 2002).
Les nuisances acoustiques sont réglementées par le droit pénal, qui compte plusieurs infractions. La première est caractérisée par les « agressions sonores, réitérées en vue de troubler la tranquillité publique » et prend son fondement dans l’article 222-16 du Code pénal. Il s’agit d’un délit qui peut faire encourir une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende. Ainsi, dans un arrêt du 28 avril 1998, la cour d’appel de Montpellier considère que l’infraction est caractérisée pour « le propriétaire qui abrite dans sa maison de nombreux chiens qui aboient jour et nuit à chaque passage de voiture ou de piéton, dès lors que ces aboiements répétés créent une très importante nuisance sonore pour le voisinage, et dès lors que le propriétaire n’a jamais pris, ni même envisagé de prendre les mesures nécessaires pour éviter ou limiter les conséquences du comportement de ses chiens ».
Le Code pénal comporte également une contravention des bruits ou tapages nocturnes troublant la tranquillité d’autrui, fondée sur l’article R.623-2 : « Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe » (450 € au maximum). Cette infraction est par nature intentionnelle. Elle suppose donc la conscience du bruit émis et du trouble causé, sans que l’intention de nuire ne soit requise. Pour sa part, le Code de la santé publique, modifié depuis le décret du 31 août 2006, dispose dans son article R.1334-31 que « aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité ». Le fait d’être à l’origine d’une telle infraction est passible d’une amende de 450 € au maximum.
Il existe en dernier lieu des réglementations locales en matière acoustique. Des arrêtés municipaux ou préfectoraux peuvent en effet compléter les règles nationales et réglementer certains comportements ou activités bruyants, comme les aboiements de chiens. Le non-respect de ces arrêtés n’entraîne que le paiement d’une contravention de première classe (38 €).
Cela se passe au plan civil. Les juges ordonnent avant tout la cessation du trouble et peuvent accorder des dommages et intérêts pour la réparation du préjudice passé ou actuel.
• Le tapage nocturne concerne-t-il toujours la même tranche horaire ?
Non. Par principe, est nocturne la période comprise entre le coucher et le lever du soleil. Elle varie donc selon l’époque considérée.
• Un propriétaire qui ne réside pas sur sa propriété peut-il demander qu’il soit mis fin aux troubles de voisinage ?
Oui. Aucune condition de résidence effective n’est posée pour pouvoir agir (arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 28 juin 1995).
• Les mesures prises par les arrêtés municipaux ou préfectoraux sont-elles systématiquement plus sévères que celles prévues par les lois et les décrets ?
Non. Si le principe veut qu’un arrêté soit plus restrictif qu’un décret ou qu’une loi, il existe des dérogations particulières, notamment pour les fêtes nationales et communales.
C. P.Troubles entre colocataires. Un locataire victime d’une nuisance de la part d’un colocataire peut agir contre ce dernier, mais aussi contre le syndic de la copropriété ou le propriétaire, garant du fait d’autrui. Dans ce cas, le propriétaire disposera d’un recours contre son locataire.
Critère géographique. Que les exploitants agricoles se rassurent, leur situation en zone rurale leur confère des avantages incontestables. Ainsi, il a été jugé que la présence d’un cheval sur une parcelle en bordure de la propriété voisine ne constitue pas un trouble anormal dans la mesure où son propriétaire est exploitant agricole et où la parcelle litigieuse était exploitée auparavant. La cour complète par le fait que de toute façon, le trouble invoqué ne présente aucun caractère anormal dans une zone rurale.
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