Instabilité cervicale chez le chien
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Jean-François Bardet*, Carlos Da Silva**
Fonctions :
*diplomate de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS)
praticiens à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
**résident de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS)
praticiens à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Elle pourrait être associée à la décompression cervicale lors d’une hernie discale caudale chronique chez tous les chiens de taille moyenne à grande.
La spondylopathie cervicale caudale (SCC) canine, connue sous le terme de “wobbler”, affecte principalement les chiens de taille grande à géante, en particulier les dobermanns et les dogues allemands. Chez les premiers, la lésion concerne généralement les espaces intervertébraux C5-C6 et C6-C7. La compression de la moelle épinière est souvent dynamique. En raison de la dégénérescence du disque intervertébral, de l’hypertrophie de l’aspect dorsal de l’anneau fibreux et de celle du ligament longitudinal dorsal, l’extension de la compression peut varier en flexion, en extension et en traction-linéaire, ou distraction (voir bibliographie 1). La myélographie dynamique ou le myélo-scanner en traction permettent de distinguer les lésions statiques (qui ne répondent pas à la traction) des lésions dynamiques (qui répondent à la traction).
Le traitement des lésions dynamiques associées à la spondylopathie cervicale caudale est encore controversé. Le traitement médical peut améliorer l’état clinique, mais cet effet bénéfique est souvent transitoire et conduit à une progression inacceptable des symptômes neurologiques (voir bibliographie 2). La chirurgie est donc fréquemment préconisée. Un grand nombre de techniques sont recommandées. Celles décrites dans la littérature vétérinaire ont un taux de succès de 70 à 90 %. Les objectifs d’une opération sont de supprimer la compression de la moelle épinière, de stabiliser la colonne vertébrale et d’éliminer les déficits neurologiques. La sélection d’une technique devrait être fondée sur les chances de succès et les risques de complications potentielles (échec des implants, fusion osseuse intervertébrale limitée, lésions médullaires iatrogènes et infection du site chirurgical).
Depuis le développement de la première cage de fusion par Bagbe, différents dispositifs ont été développés. L’utilisation de cages de fusion permettant d’obtenir une arthrodèse intervertébrale s’est développée rapidement en médecine humaine. Plusieurs études font état d’une fusion intervertébrale satisfaisante, ainsi que de résultats cliniques et neurologiques bien supérieurs qu’en leur absence. Ces cages permettent de restaurer la hauteur physiologique du disque intervertébral et d’en faciliter la fusion intervertébrale.
Cet article décrit l’utilisation d’une nouvelle cage de fusion extensible chez un chien atteint de spondylopathie cervicale caudale (lésion dynamique cervicale caudale C6-C7).
Un dobermann mâle de sept ans et pesant 40 kg est référé pour une ataxie progressive de plus de deux semaines, plus marquée sur les membres postérieurs et avec une usure des ongles des membres antérieurs. L’examen clinique révèle une raideur cervicale importante. L’examen neurologique montre une tétraparésie ambulatoire avec des déficits proprioceptifs sur les quatre membres et une raideur des membres antérieurs. Un traitement à base de prednisolone, à raison de 60 mg par jour, n’a pas amélioré l’état clinique. L’animal est anesthésié pour la prise de clichés radiographiques et un examen tomodensitométrique. Les radiographies mettent en évidence un léger rétrécissement de l’espace C6-C7 des disques intervertébraux et une densification des plaques vertébrales. Le myélo-scanner en position neutre et en traction montre une compression extradurale ventrale substantielle de la moelle épinière en regard de C6-C7, associée à une protrusion discale. En position de traction, aucune compression n’est identifiée. Une lésion dynamique compressive de la moelle épinière cervicale, avec une protrusion discale C6-C7, est diagnostiquée.
Une distraction-stabilisation vertébrale cervicale caudale C6-C7 est réalisée grâce à l’utilisation d’une cage de fusion intervertébrale insérée après la réalisation d’une décompression cervicale et l’exérèse du matériel discal intervertébral. La récupération est rapide. L’animal marche le soir même, avec un statut neurologique identique à celui de la période préopératoire. Il est rendu à ses propriétaires le quatrième jour postopératoire et son état est réévalué quatre semaines après l’opération. Le chien marche et court alors facilement, mais il existe toujours un déficit proprioceptif, surtout sur les antérieurs. La marche redevient normale huit semaines après l’opération. Le déficit proprioceptif disparaît à cette période. Aucune détérioration de l’état neurologique n’est constatée à l’issue de quarante mois. Les examens radiographiques et les scanners, réalisés respectivement au premier et au troisième mois, ne montrent aucune migration de la cage de fusion. La guérison osseuse complète de C6-C7 est constatée sur le scanner postopératoire du troisième mois. Il révèle un pontage complet à l’intérieur et autour de la cage. Les images du scanner et la densité osseuse mettent en évidence une densité osseuse intervertébrale identique à l’os vertébral adjacent. La fusion vertébrale C6-C7 apparaît donc terminée à trois mois.
Ce cas semble être la première description de l’utilisation d’une cage de fusion extensible pour une arthrodèse cervicale. Parmi les techniques qui utilisent la distraction, la traction linéaire associée à la stabilisation par des broches et du polyméthyl-métacrylate (PMMA) est l’une des plus communément mises en œuvre. Pour toutes les méthodes de distraction-stabilisation de la colonne vertébrale, l’envahissement du canal vertébral ou des foramens intervertébraux est considéré comme l’une des complications les plus sérieuses (voir bibliographie 1). Récemment, Daniele Corlazzoli (voir bibliographie 2) a évalué la sûreté de l’angle d’insertion des implants bicorticaux chez le dobermann pinscher affecté de spondylopathie cervicale caudale, par l’analyse des images de scanner. Ses résultats suggèrent que les implants bicorticaux en région cervicale caudale s’accompagnent d’un risque important de pénétration du canal vertébral ou d’une violation des foramens intervertébraux. Cette méthode est aussi assortie d’une perte de la distraction, associée à la désinsertion et au largage des broches avant l’apparition de la fusion vertébrale.
D’autres techniques de distraction-fusion du disque intervertébral sont rapportées, avec l’utilisation de cages en acier ou en titane, de vis à os spongieux, de greffes spongieuses associées au PMMA, de bouchons intervertébraux en PMMA et de rondelles associées à une vis intervertébrale. Mais ces systèmes sont soumis aux charges compressives des vertèbres adjacentes. L’os peut se remodeler autour des implants et englober les systèmes, ce qui se traduit éventuellement par un collapsus de l’espace intervertébral et une compression consécutive de la moelle.
L’une des complications postchirurgicales communes aux techniques de distraction-stabilisation utilisées couramment pour les spondylopathies cervicales caudales est la réapparition d’une compression et de l’instabilité au niveau des disques intervertébraux adjacents, par effet domino. Ce dernier est considéré comme secondaire à l’altération de la biomécanique de la colonne vertébrale aux sites intervertébraux adjacents à celui traité chirurgicalement.
Depuis l’utilisation des premières cages et en raison de la persistance de la douleur après le traitement des hernies discales cervicales rapportée par plusieurs études chez plus de 62 % des animaux opérés, les auteurs utilisent désormais systématiquement des cages de fusion extensibles pour le traitement des hernies discales chez les chiens de grande taille, surtout lorsqu’il existe un envahissement des foramens intervertébraux par le matériel discal ou une spondylose chronique. Cela entraîne une disparition de la douleur à long terme chez les animaux affectés, principalement en cas de hernie discale chronique associée à une spondylose.
En médecine humaine, les cages de fusion peuvent être implantées sur plusieurs disques intervertébraux adjacents avec de bons résultats cliniques et un pourcentage de fusion intervertébrale élevé en cas de maladie discale dégénérative. Le taux de complications est diminué, ainsi que le temps d’hospitalisation, ce qui en fait une procédure de choix pour les fusions intervertébrales.
Dans le cas décrit ici, aucune complication n’est observée chez le dobermann lors du suivi de quarante mois. Il s’agit du premier cas rapporté et publié d’une cage de fusion vertébrale utilisée chez un chien. Bien que l’étude clinique soit en cours, la procédure apparaît relativement moins lourde que les autres techniques. Cette cage permet d’obtenir une fusion intervertébrale avec distraction dans le traitement d’une lésion cervicale caudale associée à la spondylopathie cervicale caudale. Son utilisation pourrait être associée à la décompression cervicale chez tous les chiens de taille moyenne à grande dans le traitement des hernies discales caudales, surtout chroniques.
• Eric Yaramian : « Myélographie : intérêt des incidences particulières », 2003, vol. 237, pp. 64-69.
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