Le lanthane, un métal chélateur de phosphore, traite les chats insuffisants rénaux chroniques

Avec Renalzin®, Bayer s’engage dans une nouvelle aire thérapeutique », peut-on lire dans le dossier de lancement de ce nouveau produit destiné aux chats insuffisants rénaux chroniques, distribué le 2 février dernier aux participants d’un symposium. En fait, ce produit à base de carbonate de lanthane (Lantharenol®) ouvre non pas une nouvelle aire thérapeutique, mais plusieurs…

Une AMM comme additif zootechnique pour un complément diététique

Le carbonate de lanthane est, en effet, le premier chélateur de phosphore enregistré par la Commission européenne comme un additif de l’alimentation animale sous la marque commerciale Lantharenol®⁽¹⁾. Cet additif est la principale substance active d’un aliment diététique dont l’indication, approuvée aussi par les autorités européennes, est le « soutien de la fonction des reins en cas d’insuffisance rénale chez les chats adultes »⁽²⁾. Jusqu’à présent, seuls les aliments diététiques complets des fabricants de pet-food pouvaient bénéficier de ce label officiel, à condition de présenter une « faible teneur en phosphore et une teneur réduite en protéines de qualité élevée ».

Ces autorisations particulières de mise sur le marché du lanthane sont délivrées par Bruxelles après l’évaluation scientifique d’un dossier d’AMM par le comité d’experts de l’Autorité européenne de la sécurité alimentaire (Efsa), l’équivalent européen de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

Dans le monde touffu des suppléments nutritionnels et des produits nutraceutiques “sans AMM”, Bayer a donc choisi une voie originale de développement, d’enregistrement et de validation de l’efficacité d’une substance active.

Le produit commercial qui en découle, Renalzin®, est un aliment complémentaire diététique présenté sous une forme pâteuse dans des flacons à pompe doseuse. Une dose de 2 à 4 ml (400 à 800 mg de Lantharenol®) est mélangée directement à l’aliment classique ou diététique (à teneur déjà réduite en phosphore).

Un métal, chélateur de phosphore, issu des terres rares

Le carbonate de lanthane appartient à une classe thérapeutique inédite, les chélateurs de phosphore. Et le lanthane n’est pas la dénomination commune d’une molécule organique, mais un métal du groupe des “terres rares”, La⁵⁷ selon sa classification atomique. Le lanthane est même le chef de file d’une série de quinze métaux appelés “lanthanides” dans le tableau périodique des éléments. Son origine est donc naturelle. Il peut être présent en faibles quantités dans l’environnement.

Le mode d’action du carbonate de lanthane est simple : il chélate le phosphore et les phosphates (à plus de 97 % in vitro), y compris dans les pH acides gastriques et digestifs. Le phosphore alimentaire ainsi chélaté n’est donc pas résorbé. Par un mécanisme complexe, l’insuffisance rénale est en effet à l’origine d’une hyperphosphatémie, associée à une hypocalcémie. Ce déséquilibre conduit à une augmentation de la parathormone (PTH), elle-même associée à une mobilisation du calcium, voire à une calcification de certains tissus mous. En médecine humaine, le carbonate de lanthane est un médicament (Fosrenol®) autorisé depuis 2005 chez les patients dialysés pour réduire et contrôler l’hyperphosphatémie. Du côté des effets secondaires, sa toxicité est limitée, même à fortes doses (dix fois la dose thérapeutique), en raison de sa non-résorption digestive (< 0,001 %). Seuls quelques vomissements sont rapportés dans les essais cliniques.

Dans la pâte alimentaire Renalzin®, l’additif Lantharenol® est associé à du kaolin, pour adsorber les toxines au niveau du tube digestif, et à un antioxydant, l’alphatocophérol (ou vitamine E). Mélangé à l’aliment habituel du chat, la prise est spontanée dans 85 % des cas.

Chez les sujets insuffisants rénaux, Bayer a produit six études cliniques aux autorités européennes. Elles démontrent que ce produit est efficace pour réduire la biodisponibilité du phosphore alimentaire (53 % sans lanthane, 36 à 38 % avec lanthane). Cette chélation est observée avec les aliments classiques comme avec les aliments diététiques à teneur réduite en phosphore. Au plan clinique, des essais montrent que l’ajout de Renalzin® à un aliment conventionnel conduit à stabiliser, voire à améliorer légèrement quelques paramètres comme la phosphatémie, la créatinémie, l’urémie ou un score clinique multifactoriel. Les propriétaires perçoivent surtout une amélioration de la qualité de vie de leur chat (avec une reprise de l’appétit, entre autres).

Un tel traitement s’administre sur le long terme (au moins six mois) dans un aliment conventionnel ou à teneur déjà réduite en phosphore. La dose recommandée est de 2 à 4 ml/chat/jour. Bayer conseille de débuter le traitement précocement, dès le stade I ou II d’insuffisance rénale débutante (^{voir tableau}).

• (1) Règlement (CE) n° 163/2008 de la Commission du 22/2/2008 relatif à l’autorisation de la préparation de carbonate de lanthanum octahydrate (Lantharenol®) en tant qu’additif dans l’alimentation des animaux (JOUE du 23/2/2008).

• (2) Directive 2008/82/CE de la Commission du 30/7/2008 modifiant la directive 2008/38/CE en ce qui concerne les aliments pour animaux destinés à soutenir la fonction rénale en cas d’insuffisance rénale chronique (JOUE du 31/7/2008).