Chlamydiose à Chlamydophila psittaci
Formation continue
FILIÈRES
Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait
Les techniques d’analyses moléculaires permettent d’évaluer le portage de Chlamydophila psittaci. Le lien épidémiologique entre des cas humains sévères et le statut des élevages est démontré.
La psittacose humaine, due à Chlamydophila psittaci, est une zoonose qui a une forte incidence. Vingt à trente cas graves sont recensés chaque année(1). Comme cette affection n’est plus soumise à une déclaration obligatoire depuis 1986, sa prévalence est largement sous-estimée. Dans les milieux professionnels avicoles, la persistance d’épisodes endémiques est majoritairement attribuée aux palmipèdes. Une étude publiée en 2003 montre l’existence d’un lien significatif entre la séroprévalence du patient et l’espèce avec laquelle il est le plus souvent en contact. Chez les patients positifs, le canard est surreprésenté, alors que chez les patients négatifs, il s’agit du poulet. La mise au point d’une polymerase chain reaction en temps réel quantitative (qPCR), en 2002, a permis d’évaluer le portage de Chlamydophila psittaci au sein de la filière canards gras. Ce travail de recherche mené par notre confrère Benoît Sraka a été récompensé par le Groupe d’études vétérinaires en aviculture, le 4 juin dernier (voir encadré).
Le portage de Chlamydophila psittaci dans la filière canard gras a été évalué chez des animaux en deuxième semaine de gavage. Vingt lots de vingt individus ont fait l’objet de prélèvements à trois périodes (avril, juillet et décembre) en 2002. Ils provenaient de cinquante-quatre salles de gavage, réparties sur cinq départements (Dordogne, Pyrénées-Atlantiques, Gers, Landes et Hautes-Pyrénées). 93 % (+/- 6,5 %) des lots se sont révélés positifs. Seulement 7 % ne contenaient que des animaux négatifs. 12 % comportaient des animaux hautement excréteurs en C. psittaci, ces derniers représentant 2 % des canards. Cette mise en évidence d’individus hautement excréteurs constitue un élément épidémiologique majeur.
Le couvoir d’origine, l’existence d’un épisode de mortalité en élevage ou en première semaine de gavage, le gavage d’animaux élevés sur le site, la taille de la salle de gavage et la présence de signes d’écoulements oculo-nasaux au moment du prélèvement ne sont pas statistiquement associés à un portage plus important. Le portage des lots d’hiver est dix fois supérieur à celui des lots d’été. L’accès à un parcours extérieur serait un facteur déterminant de contamination, en raison notamment des conditions environnementales variables selon la saison et du contact avec l’avifaune sauvage. Cette étude permet aussi de comparer deux sites de prélèvement, la conjonctive et le cloaque. L’écouvillon conjonctival se révèle le prélèvement le plus sensible.
« Quel est le schéma de contamination ? Si elle est si importante en gavage, d’où cela vient-il ? », s’interroge Jean-Luc Guérin, maître de conférences à l’école de Toulouse et directeur de thèse de Benoît Sraka. Une étude épidémiologique, publiée en 2006, a été conduite dans les élevages reproducteurs de la filière canard mulard. L’enquête concerne plusieurs organisations qui représentent 80 % de la production française de canetons mulards d’un jour. Pour chaque organisation, dix mâles et vingt femelles sont prélevés dans un parquet choisi au hasard, soit cent quatre-vingts mâles et quatre cent quarante femelles au total.
Les résultats montrent que 15 % des animaux (quarante-deux mâles de Barbarie et cinquante et une femelles Pékins) sont positifs. Les mâles sont plus fréquemment infectés que les femelles, 23,3 % versus 11,2 % (p < 0,05). 73 % des quarante et un parquets testés comportent au moins un sujet modérément positif ou hautement excréteur. L’infection des reproducteurs par C. psittaci est indépendante des organisations, des schémas génétiques et des secteurs géographiques concernés par l’enquête. Ces résultats confirment d’une part l’hypothèse d’une infection largement répandue, et d’autre part le risque zoonotique encouru par les professionnels de l’accouvage.
De plus, cette étude corrobore l’hypothèse d’une contamination verticale vraie par C. psittaci chez le canard. Les foies et les poumons de quarante canetons, prélevés en éclosoir, ont été analysés par qPCR. Les résultats révèlent l’infection des tissus profonds de huit canetons d’un jour. Dans le parquet dont ils sont issus, cinq femelles sur vingt ont une charge modérée de C. psittaci. L’importance quantitative de cette voie de transmission et ses conséquences sur la ponte, la fertilité et l’éclosabilité ne sont pas encore connues.
Six sérotypes aviaires et deux sérotypes mammifères sont classiquement connus pour l’espèce C. psittaci. Les six premiers, nommés de A à F, sont partiellement ou totalement spécifiques d’une espèce ou d’une famille d’oiseaux (voir tableau). Ce diagnostic est essentiel lors d’investigations épidémiologiques. Actuellement, plusieurs techniques d’analyse permettent le typage des isolats de C. psittaci : la sérologie, la PCR-RFLP (voir lexique), le séquençage du gène codant pour une protéine majeure de la membrane externe (ompA) et l’analyse de plusieurs locus VNTR, ou MLVA (voir lexique).
La sérologie cumule plusieurs inconvénients. Elle nécessite l’utilisation d’anticorps monoclonaux spécifiques non disponibles chez les fabricants de réactifs. Il s’agit, en outre, d’une méthode peu sensible. La technique PCR-RFLP améliore l’identification des sérotypes de C. psittaci, mais un certain nombre d’isolats restent inconnus. La MLVA permet de typer 100 % des isolats de C. psittaci. Cette méthode, mise au point par Karine Laroucau et ses collaborateurs du Laboratoire national de référence de la chlamydiose aviaire au Lerpaz (Laboratoire d’étude et de recherches en pathologie anormale et zoonoses de l’Afssa de Maisons-Alfort), est particulièrement sensible. Les génotypes A, E/B et D sont les plus hétérogènes. Un nouveau génotype a été identifié, le B/E. Dorénavant, la MLVA, peu coûteuse, permet d’identifier les origines des souches de C. psittaci associées à des contaminations humaines sévères.
Karine Laroucau et son équipe ont utilisé ces méthodes pour investiguer le statut sanitaire de trois élevages de canards épidémiologiquement liés à cinq cas sévères de chlamydiose humaine. Les analyses sérologiques des prélèvements effectués chez les canards se sont toutes révélées négatives. L’excrétion trachéale et/ou cloacale de C. psittaci a été révélée, par la PCR-RFLP, dans les trois élevages. Dans deux des trois exploitations, les souches ayant infecté les patients et les animaux présentaient les mêmes profils par MLVA. Dans la troisième, seul le prélèvement humain a pu être typé. Cette étude a permis d’isoler des souches jusqu’à présent non décrites sur le territoire français. L’hétérogénéité génétique de C. psittaci a conduit les chercheurs allemands (Friedrich-Loeffler-Institut d’Iéna) et français (Afssa, Lerpaz) à développer une puce ADN (voir lexique). Les sondes sont fondées sur le gène codant pour une protéine majeure de la membrane externe (ompA). Très spécifique, ce nouvel outil permettra l’exploration épidémiologique de la dissémination des différents génotypes de C. psittaci, ainsi que l’identification des souches non typiques de la bactérie.
(1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1331 du 17/10/2008 en page 54.
(2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006 en pp. 50-51.
La section française du Poultry Veterinary Study Group, le Groupe d’études vétérinaires en aviculture (Geva), a décerné un prix à notre confrère Benoît Sraka pour sa thèse de doctorat, « Détection et quantification du portage de Chlamydophila psittaci chez le canard mulard en gavage, enquête de prévalence », soutenue en 2004. Les dix vétérinaires français du Geva ont ainsi souhaité récompenser le caractère innovant du travail de terrain et de laboratoire, son intérêt par rapport à l’actualité, son impact professionnel, sa rigueur scientifique, la qualité des données produites et l’intérêt professionnel, pour l’auteur, de présenter son travail à un public de professionnels.
C. B.-C.• MLVA : multiple Loci VNTR analysis (analyse de plusieurs locus VNTR). Cette technique en plein essor permet le génotypage de bactéries pathogènes grâce à l’amplification par PCR d’une collection définie de locus répétés en tandem et à la mesure de la taille de ces amplicons. C’est ainsi que les empreintes génétiques sont réalisées en médecine légale.
• VNTR : variable number of tandem repeats (répétition en tandem polymorphe).
• PCR-RFLP : polymerase reaction chain-restriction fragment length polymorphism. Il s’agit d’une PCR couplée à l’analyse du polymorphisme de longueur des fragments de restriction d’ADN. L’ADN extrait est amplifié par PCR. Les produits sont digérés par une enzyme de restriction, puis analysés par une électrophorèse sur gel.
• Puce ADN(2) : support miniaturisé sur lequel sont fixées des sondes d’ADN, spécifiques du gène recherché. Il s’agit d’un terme générique. Il existe actuellement deux procédés majeurs de fabrication de puces à ADN, les macroarrays et microarrays, et les puces à oligonucléotides. On parle de macroarrays lorsque les sondes ADN sont déposées jusqu’à une densité d’environ 25 fragments ADN par cm2. La principale application est le diagnostic. On parle de microarrays lorsque les sondes ADN sont déposées à une densité de 1 000 sondes/cm2. Les sondes des puces à oligonucléotides sont des oligonucléotides, qui sont des courtes séquences de nucléotides (ADN ou ARN), généralement d’une vingtaine de paires de base.
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