Menace sur les écosystèmes
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Auteur(s) : Marie Sigaud
Les espèces exotiques introduites dans un nouvel environnement peuvent causer des dommages considérables aux écosystèmes. Pour s’établir et constituer des populations pérennes capables de se reproduire, elles doivent franchir d’importantes barrières d’ordre physique, climatique et biologique. On parle alors d’espèces naturalisées. Parmi ces dernières, seule une fraction est capable d’envahir les écosystèmes naturels ou semi-naturels. Il s’agit des espèces exotiques envahissantes, également qualifiées d’invasives, selon la dénomination anglo-saxonne. Elles peuvent alors avoir des impacts directs ou indirects sur le fonctionnement des écosystèmes et leur composition, notamment en provoquant la régression, voire l’extinction d’espèces indigènes. Elles se rencontrent dans tous les groupes taxonomiques, des virus aux mammifères en passant par les algues et les poissons.
Depuis l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millenium ecosystem assessment), les invasions biologiques sont largement reconnues comme la deuxième cause d’appauvrissement de la biodiversité, après la destruction des habitats. Pourtant, il est difficile d’estimer leur impact sur les écosystèmes tant ces deux processus sont liés. En effet, l’anthropisation et la destruction de l’habitat fragilisent les écosystèmes, ce qui facilite l’installation d’espèces exotiques.
Si ce phénomène a existé de tout temps, suivant les migrations de l’homme, il s’est accéléré avec la mondialisation et l’essor des transports intercontinentaux. Par exemple, le rat noir (Rattus rattus), originaire d’Asie, est probablement arrivé en Europe dès l’époque romaine. Par la suite, il a joué le rôle qu’on lui connaît dans la grande épidémie de peste noire.
Les milieux insulaires sont particulièrement sensibles à ce phénomène, en raison de leur plus faible résistance aux perturbations. Ils présentent notamment moins d’espèces. En outre, les espèces continentales sont généralement plus compétitives et plus enclines à se disperser que leurs cousines îliennes. Les collectivités françaises d’outre-mer (hormis la Guyane française et la Terre Adélie) sont toutes des îles ou des archipels. Elles figurent donc en première ligne face aux invasions biologiques auxquelles elles paient un lourd tribut. Le premier rapport sur les espèces exotiques envahissantes réalisé à l’échelle de l’outre-mer, présenté par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)(1), révèle que quarante-neuf espèces sur les cent plus envahissantes au monde sont présentes dans les collectivités françaises ultramarines.
Les espèces envahissantes causent à la fois des dommages aux activités humaines (notamment agricoles) et aux écosystèmes naturels. Elles mettraient en danger 30 % des oiseaux, 15 % des plantes, 11 % des amphibiens et 8 % des mammifères inscrits dans la catégorie des espèces menacées de la liste rouge de l’UICN. De plus, les invasions biologiques constituent une menace pour l’économie, la santé et les conditions de vie des personnes. En réponse principalement aux pertes économiques engendrées, différents types de lutte sont mis en place (mécanique, chimique ou biologique). Mais un certain nombre d’espèces, parfois parmi les plus envahissantes, sont jugées utiles et profondément ancrées dans les cultures, d’autres ont une valeur économique ou sociale importante. C’est le cas du goyavier (Psidium Cattlelanum) à La Réunion ou du cerf de Java (Cervus timorensis) en Nouvelle-Calédonie (voir encadré).
Parmi les mammifères introduits volontairement par l’homme figurent les chats, les lapins et les moutons, les deux derniers pour des raisons de subsistance. Les trois espèces seront notamment implantées dans l’archipel de Kerguelen (en plus du rat noir qui a débarqué en même temps que les hommes) et y feront des dégâts considérables. Le chat a décimé les populations d’oiseaux qui, nichant au sol, ne connaissaient alors aucun prédateur, tandis que les lapins et le mouton ont dévasté les communautés végétales natives de l’archipel.
Les eaux de ballast des navires constituent un autre facteur principal d’invasion biologique en milieu marin. Chaque année, entre trois et cinq milliards de tonnes sont transportées à travers le monde. Jusqu’à sept mille espèces différentes seraient déplacées chaque jour.
L’homme joue un rôle prépondérant dans l’accélération démesurée des flux migratoires et la dégradation des habitats. D’après l’UICN, la prise de conscience demeure insuffisante et la lutte contre les espèces envahissantes souffre d’un manque de stratégie, de moyens et même d’intérêt. En outre, les impacts de la plupart d’entre elles demeurent méconnus et largement sous-évalués.
(1) Y. Soubeyran : « Espèces exotiques envahissantes dans les collectivités françaises d’outre-mer. Etat des lieuxet recommandations », collection “Planète Nature”, comité français de l’UICN, 2008.
Pour en savoir plus : www.millenniumassessment.org, www.issg.org, www.uicn.fr
Le cerf de Java, ou cerf rusa (Cervus timorensis), est considéré comme l’un des principaux facteurs à l’origine de la régression dramatique de la forêt sèche en Nouvelle-Calédonie. Il a été introduit pour la chasse vers la fin du XIXe siècle, en provenance de l’île indonésienne de Java. Depuis, il a conquis tous les milieux terrestres de la Grande Terre, de la savane à la forêt humide. Le cheptel sauvage est évalué à plus de 100 000 têtes. Ruminant opportuniste, il consomme de nombreuses espèces végétales endémiques de la forêt sèche et menace d’extinction près d’une dizaine d’espèces végétales en péril, selon la classification de l’UICN. Les dégâts sont vraisemblablement tout aussi importants en forêt humide. Le cerf de Java contribue au processus d’envahissement des milieux naturels par des pestes végétales, en favorisant leur dispersion. Il est également responsable de dégâts conséquents sur les cultures et les plantations forestières. Pourtant, il a acquis une telle importance culturelle, nutritionnelle et économique en Nouvelle-Calédonie que des billets de banque à son effigie ont même été créés.
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