Une équipe de recherche à l’Inra de Clermont-Ferrand-Theix (Puy-de-Dôme)
Éclairage
UNE JOURNÉE AVEC…
Mobilisée sur ce thème, une équipe de chercheurs clermontois, encadrée par Michel Doreau, Cécile Martin et Diego Morgavi, a obtenu des résultats en intégrant des graines de lin dans l’alimentation de vaches laitières.
Janvier, la neige s’est installée à Theix, sur les hauteurs de Clermont-Ferrand, à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale auvergnate. C’est là qu’est installé, depuis les années 60, l’un des vingt centres régionaux de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) : une grande ferme un peu particulière, au milieu d’autres fermes de cette moyenne montagne. Là cohabitent au grand air bovins et chercheurs, parmi lesquels ceux de l’équipe “digestion microbienne et absorption (Dima)” de l’unité de recherches sur les herbivores (URH). Ils sont les seuls en France à travailler sur la contribution des ruminants aux gaz à effet de serre, un sujet éminemment d’actualité ! Cette thématique d’étude n’est pas nouvelle. La communauté scientifique s’y intéresse depuis les années 70, époque où l’émission de méthane par les ruminants était avant tout considérée comme une perte d’énergie (environ 7 %). La réduire équivalait à réorienter l’énergie préservée dans la production de lait ou de viande. Mais depuis une dizaine d’années, le réchauffement climatique a relancé l’intérêt de ce sujet.
Une vache produit jusqu’à 700 l de méthane par jour, soit 250 m3 par an (dix fois moins pour les moutons) ! Cela représente 3 à 4 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale et 5 % au niveau européen, 30 % des émissions d’origine agricole en Europe, et 50 % au seul niveau d’une ferme !
Dans de nombreux pays, notamment en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Canada, en Grande-Bretagne, en Suisse, aux Pays-Bas et en France, les chercheurs se mobilisent. Le méthane est une cible intéressante : il a un pouvoir de réchauffement vingt fois plus élevé par unité de poids que le dioxyde de carbone (CO2) et une durée de vie dans l’atmosphère beaucoup plus courte (douze ans versus cent). Les effets de sa réduction seront donc visibles plus rapidement que ceux de la baisse du CO2. Plusieurs pistes sont à l’étude, comme le détaille Science et Vie dans son numéro de décembre dernier. Les Clermontois y sont à l’honneur, avec la sélection des animaux “propres”, l’adaptation de leur alimentation, la modification de l’écosystème du rumen, la vaccination des animaux, la reproduction du modèle de digestion des kangourous (qui produisent peu de méthane), etc.
La spécificité de l’équipe theixoise tient dans sa double approche, quantitative et analytique. Elle dispose d’un cheptel suffisant pour établir des bilans quantitatifs, parallèlement aux techniques hautement élaborées de biologie moléculaire et à l’étude de l’écosystème microbien ruminal, qui lui permettent d’expliquer les mécanismes de production de méthane chez les ruminants. Son objectif est d’étudier les différents aliments ou rations qui permettent de diminuer cette production et la variabilité entre les animaux. « S’il existe des différences de production entre les animaux et qu’elles persistent dans le temps, nous pourrions supposer alors qu’il existe éventuellement un facteur génétique à prendre en compte », explique Cécile Martin, l’une des chercheuses qui encadrent l’équipe Dima. L’originalité de l’expérimentation clermontoise, qui vient d’aboutir à des résultats encourageants, porte sur l’ajout de graines de lin dans l’alimentation d’animaux en production : « Il s’agit de réduire les émissions de méthane sans affecter la production de l’animal, précise son collègue Michel Doreau. Après avoir testé l’ajout de lin sous forme d’huile, de graines extrudées ou entières, à différentes doses, les résultats se sont révélés concluants : un apport de 6 % de lipides issus de la graine de lin a diminué la production de méthane des animaux de 30 % en moyenne ! »
Ces graines de lin, appréciées par les animaux, présentent en outre l’intérêt d’être riches en acides gras polyinsaturés dont l’effet sur la valeur nutritionnelle du lait est bénéfique.
Il reste à savoir si cette diminution de la méthanogenèse se confirme dans le temps. C’est l’objet de l’étude menée actuellement dans une ferme expérimentale de Bourges chez soixante-dix taurillons. « Bien entendu, tempère Cécile Martin, il faudra prendre en compte les surcoûts engendrés, le cas échéant, par l’importation du lin, par exemple. La pertinence de la proposition ne doit pas être évaluée seulement à l’échelle de l’animal, mais à celle de la chaîne de production, qui embrasse un certain nombre de critères économiques, mais aussi environnementaux et sociétaux. »
A l’ancienne technique de mesure de l’émission de méthane chez les ruminants dans des chambres respiratoires, lourde à mettre en œuvre, s’est substituée une méthode américaine plus légère et, surtout, utilisable dans les conditions de la pratique, soit au pâturage, soit à l’auge. « Elle permet de récupérer un échantillon représentatif de ce que l’animal éructe pendant une période de vingt-quatre heures », explique Yvanne Rochette, technicienne de recherche.
Calibration de la diffusion de l’hexafluorure de soufre (SF6), un gaz neutre injecté dans un bolus (capsule) qui sera placé dans le rumen de l’animal et servira de référence.
Équipement de l’animal. Le principe de prélèvement des gaz éructés repose sur la force d’aspiration occasionnée par le vide dans la boîte de collecte des gaz, associée à une force de freinage, à l’aide d’un capillaire en inox qui possède un faible diamètre intérieur.
Récupération de la boîte de collecte des gaz. D’abord mise sous vide en dessous de la pression atmosphérique, la boîte est toujours en dépression après le remplissage, car elle est partiellement remplie. L’injection du gaz dans les chromatographes à phase gazeuse, qui permettra de déterminer les concentrations du CH4 et du SF6, nécessite de le diluer préalablement avec de l’azote, un gaz neutre, jusqu’à obtenir une surpression d’une atmosphère.
Analyses de l’écosystème microbien. Il s’agit de comprendre les mécanismes mis en jeu dans la production de méthane chez les ruminants, notamment au niveau de leur écosystème microbien ruminal composé de bactéries, de protozoaires, de champignons et d’archées méthanogènes (plus d’un milliard de cellules par millilitre).
Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »
L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire
Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.
Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.
Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire