Virologie
Formation continue
FAUNE SAUVAGE
Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois
Le premier cas de syndrome d’immunodéficience acquise du singe est démontré.
Alors que la communauté scientifique a longtemps considéré les singes comme des porteurs sains du virus de l’immunodéficience simienne (SIV), une étude effectuée chez des chimpanzés sauvages en Tanzanie révèle que le virus est pathogène chez son espèce hôte. Cela contredit l’idée d’une coévolution entre le système immunitaire des singes et le virus, aboutissant à une coexistence pacifique.
L’équipe du professeur Beatrice Hahn(1), de l’université d’Alabama, a analysé des données comportementales et des échantillons fécaux collectés entre 2000 et 2008 dans deux communautés de chimpanzés sauvages (Pan troglodytes). Les résultats ont été présentés au cours de la 16e conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes, organisée à Montréal du 8 au 11 février dernier. La recherche du virus SIVcpz, la souche identifiée chez le chimpanzé, révèle que le taux de prévalence est passé de 8 à 17 % en sept ans, et que la mortalité adulte et infantile est beaucoup plus élevée dans le groupe des chimpanzés infectés. Plus important, les analyses histologiques effectuées chez les individus morts montrent une diminution du taux de lymphocytes CD4 et une destruction des tissus lymphatiques.
Cette étude démontre un impact négatif sur la santé, la survie et la reproduction des chimpanzés. Il s’agit de la première mise en évidence du syndrome d’immunodéficience acquise du singe (SAIDS) chez l’espèce hôte naturelle. Jusqu’à présent, la pathogénicité chez le singe n’avait été observée que lors du franchissement de la barrière d’espèces par le virus, notamment après la transmission de la souche SIVagm du singe vert africain (Chlorocebus aethiops) vers les macaques asiatiques (Macaca sp.), qui avait conduit à la découverte du SIV en 1985.
Bien qu’aucune des souches de SIV connues n’infecte l’homme et que le virus HIV-1 (voir encadré) n’infecte pas les singes, il est désormais admis que le SIVcpz est à l’origine du HIV-1, vraisemblablement après la transmission par contact sanguin avec des animaux chassés pour la viande de brousse. L’hypothèse de l’origine simienne du HIV est née de la découverte au Gabon, en 1988, du premier chimpanzé infecté en milieu naturel, porteur d’un virus SIVcpz proche du HIV-1. Seuls quelques cas de séropositivité chez le singe seront observés par la suite dans le bassin du Congo. En 2000, une équipe dirigée par les chercheurs de l’Institut Pasteur(2) décrit plusieurs cas de chimpanzés naturellement infectés au Cameroun, montrant ainsi que la zone d’endémicité du HIV-1 de groupe N coïncide avec l’habitat naturel de chimpanzés porteurs d’un virus SIVcpz. Or celui-ci présente une parenté phylogénétique avec le HIV-1 de groupe N. Cette étude renforce considérablement l’hypothèse selon laquelle le HIV-1 résulte d’une recombinaison génétique entre virus SIVcpz, avant ou après la transmission à l’homme.
En 2006, la première étude de prévalence chez des chimpanzés sauvages est menée au Cameroun par une équipe internationale dirigée par Beatrice Hahn(3). Elle révèle que jusqu’à 35 % des individus, au sein des communautés sauvages, sont porteurs d’une souche de SIVcpz. Certaines de ces souches sont particulièrement proches du HIV-1 de groupe M, le virus responsable de la pandémie, tandis que d’autres le sont du groupe N. Ces résultats ont permis d’identifier le réservoir naturel des virus HIV-1 de groupes M et N, la sous-espèce de chimpanzé Pan troglodytes troglodytes.
Les scientifiques ont ainsi établi l’origine zoonotique naturelle du HIV, dont l’apparition probable est située dans les années 30, à vingt ans près. L’homme est potentiellement exposé à une contamination par de nouvelles souches selon un scénario similaire, en raison de la diversité des souches simiennes, mais aussi de l’évolution des comportements humains. L’accessibilité aux zones forestières auparavant protégées augmente considérablement les contacts entre hommes et singes. C’est pourquoi il est fondamental d’étudier les souches de SIV présentes dans les communautés sauvages et de comprendre les mécanismes de transmission. Il sera intéressant, par exemple, de déterminer la raison pour laquelle la localisation du réservoir naturel est géographiquement différente de celle des premiers cas de la maladie, ou pourquoi seul le HIV-1 de groupe M s’est diffusé, provoquant une épidémie mondiale.
L’étude des virus simiens ouvre également de nouvelles portes à la recherche de moyens de prévention et de traitements de la maladie chez l’homme. La pathogénicité du SIVcpz chez les chimpanzés tanzaniens est moins forte que celle du HIV-1, mais supérieure à celle du HIV-2 dans la population humaine ou du SIVsm chez le mangabey couronné (Cercocebus atys). L’étude comparée des souches virales et des variants des protéines intracellulaires présents chez les différentes espèces devrait permettre de mieux comprendre les facteurs impliqués dans la pathogénicité chez l’homme.
(1) R. Rudicell, B. Hahn et coll. : « SIVcpz is pathogenic in its natural host », présentation orale, conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes, du 8 au 11/2/2009, à Montréal (Canada).
(2) S. Corbet et coll. : « Sequences of simian immunodeficiency viruses from chimpanzees in Cameroon are strongly related to those of human immunodeficiency virus group N from the same geographic area », Journal of Virology, 2000, n° 74, pp. 529-534.
(3) B.F. Keele, B. Hahn et coll. : « Chimpanzee reservoirs of pandemic and nonpandemic HIV-1 », Science, 2006, n° 313, pp. 523-526.
Le virus du Sida présente une forte variabilité génétique. Deux types sont identifiés : le HIV-1, le plus répandu, et le HIV-2, moins virulent et présent uniquement en Afrique de l’Ouest. Le séquençage du génome viral a permis de diviser le HIV-1 en trois groupes : M, N et O, probablement issus d’événements distincts de transmission du singe vers l’homme.
Des taux élevés de mutation et de recombinaison sont à l’origine des sous-groupes régionaux. Le groupe M, responsable de la pandémie actuelle du Sida, est divisé en neuf sous-groupes ou clades (A, B, C, D, F, G, H, J et K). Les clades A et D circulent en Afrique de l’Est, le C se rencontre en Afrique du Sud, en Inde et en Chine, tandis que le B est courant en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest.
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