Rameshwar Singh, vétérinaire rural en Inde
Éclairage
UNE JOURNEE AVEC…
Ce petit hôpital d’Etat assure les soins aux animaux domestiques, les inséminations artificielles chez les bufflonnes et les vaches essentiellement, ainsi que les opérations des accidentés de la route.
Au nord-ouest de l’Inde, au cœur du Rajasthan, le Shekhawati est une terre âpre en limite du désert du Thar. L’ancien royaume, encore à l’écart du tourisme de masse, est réputé pour ses havelis. Ces hôtels particuliers du désert, couverts de fresques, ont été construits au XIXe et au début du XXe siècle par de riches commerçants marwaris. Leurs descendants dirigent aujourd’hui des empires industriels, des banques ou de grandes entreprises à Bombay, Calcutta, Chennai, Delhi, etc. De la splendeur passée du Shekhawati subsiste un long chapelet de villages délabrés, qui livrent un patrimoine architectural et pictural unique. Deux mille de ces demeures, pour la plupart désertées, sont encore debout, bien que souvent en piteux état.
Dans cette région semi-désertique où règnent les chèvres et les chameaux, l’agriculture vivrière reste la principale activité. La richesse des fermiers se mesure en général aux petits bouts de terre cultivée gagnés sur le désert et au nombre de buffles, de chèvres naines et de vaches qu’ils possèdent. Ces animaux domestiques sont donc l’objet de toute leur attention.
A Nawalgarh, l’une des principales bourgades du Shekhawati, se trouve la clinique vétérinaire du district. Un government first class veterinary hospital où officient deux vétérinaires (seniors veterinary officers) et un auxiliaire préparateur des soins. L’endroit est à l’image de la cité, un cul-de-sac, au fond d’une rue défoncée, gagné par la poussière et le sable. Les trois petits bâtiments en U de la clinique sont donc assez sommaires et plutôt décatis. Comme le bureau pour l’administratif, et la salle d’opération, déserte et ouverte à tout vent. Au milieu se trouve un vaste terrain ensablé, que deux énormes banians semblent protéger des ardeurs du soleil. On ne soigne ici ni les chiens ni les chats. Beaucoup errent pourtant dans les rues, en piteux état. En attendant une vie meilleure, ils traversent probablement un cycle karmique sous une apparence d’animal errant… Les “clients” ordinaires de la clinique sont plutôt des vaches, des chèvres naines, des moutons, parfois quelques chameaux, poussés là par un propriétaire au turban chatoyant qui parcourt jusqu’à plusieurs kilomètres. D’autres viennent en jeep, le taxi du désert.
Décembre est un mois plutôt froid dans le nord de l’Inde, particulièrement cette année où les températures nocturnes sont descendues en dessous de 5°. « Les consultations sont moins nombreuses durant cette période. La grosse saison intervient plus tard, à l’arrivée des pluies », remarque Rameshwar Singh. Les matinées sans client se passent donc en conciliabules, sous le banian ou dans le bureau. D’autres jours, quinze à vingt-cinq visites peuvent s’enchaîner. « Durant l’été, ce sont plutôt des problèmes de constipation, des infections ou des coups de chaleur et, pendant la saison des pluies, nous traitons beaucoup de diarrhées ou de troubles digestifs », explique le vétérinaire.
Au quotidien, sont assurés ici les soins aux animaux domestiques, notamment pour les mises bas, mais aussi les opérations des animaux accidentés de la route. Ce matin de décembre passé avec l’équipe de la clinique, cinq paysans se sont déplacés. Tout se passe dans la cour, de l’auscultation aux soins. Un sas de barrières métalliques permet la contention des bêtes. L’exercice est parfois assez sportif et il faut s’y mettre à plusieurs.
Les consultations bénéficient de l’aide publique : elles sont gratuites et les médicaments sont pris en charge pour moitié par l’Etat. Les deux premiers visiteurs motivent leur vache du bout d’un bâton pour la soumettre à un test de gestation. Verdict du vétérinaire après l’examen clinique : le fœtus a sept mois. Les fermiers sont rassurés.
Un autre vient de Bidsar, à 4 km de là, pour une mammite chez sa chèvre naine. Le praticien procède aux soins, sur place, mais le paysan doit repartir acheter dans une échoppe du marché les médicaments prescrits sur une feuille volante : une boîte d’amoxycilline sodium 300 mg à 49 roupies (0,75 €) et du prednisolone acétate injectable à 29 roupies (0,44 €).
Le dernier, la tête sous un beau turban orange, est venu à pied, lui aussi, tractant sa vache. Il a pris rendez-vous pour une insémination. Ce petit hôpital d’Etat en assure environ quatre cents par an. « Les paysans cherchent à améliorer la race, notamment pour augmenter la production de lait. Nous réalisons deux à trois inséminations par jour, parfois jusqu’à quinze, essentiellement sur des bufflonnes ou des vaches. Nous avons beaucoup d’échecs avec les juments, les chèvres et les brebis », explique Rameshwar Singh. Il se charge d’aller chercher des semences de “haute qualité” à Jaïpur, à trois heures et demie de bus. Elles sont prises en charge à 75 % par le gouvernement (soit 1,15 € environ), le paysan ne déboursant que 40 cts par acte. Cet investissement lui fait espérer une production à venir de 30 l de lait par jour, environ dix fois plus qu’avec une vache ordinaire du désert. Le vétérinaire se déplace aussi pour des inséminations dans les villages plus éloignés, comme en témoigne le conteneur hermétique rempli d’azote pour la conservation des paillettes solidement fixé sur un côté de son engin.
La vaste cour de la clinique, elle, retombe dans le silence quand les animaux sont repartis. Les enfants du quartier leur succèdent. Ils viennent occuper les lieux pour de joyeux concours de cerfs-volants.
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