LA DISTRIBUTION FAIT SA RÉVOLUTION MONDIALE

Le sujet est « insupportable, indigeste, inaudible ». Mais il est aussi « essentiel, immédiat, crucial et… urgent ». Tels sont les qualificatifs employés par Alain Bressand, président de l’Association interprofessionnelle d’étude sur le médicament vétérinaire (AIEMV) et directeur France de Vétoquinol, pour décrire le nouveau système de codification qui entrera officiellement en vigueur dans trois mois.

La question aurait pu être résumée en quelques phrases : « A compter du 1^er juillet 2009, les numéros d’autorisation de mise sur le marché actuels attribués par conditionnement (code CIP à sept chiffres avec le code-barres associé) sont supprimés et remplacés par deux systèmes de codification différents et complémentaires : l’un pour l’authentification (nouveau numéro d’AMM à quinze positions) et le second pour la gestion et la traçabilité de chaque conditionnement, appelé GTIN14 (quatorze chiffres). Simultanément, le code-barres est remplacé par un autre code graphique dit Datamatrix, une sorte de code- barres 2D ou “multipoints”. Ce code Datamatrix encapsulera le GTIN14, le numéro de lot et sa date de péremption. Il permettra en outre de se conformer enfin aux obligations de traçabilité par lot, exigibles au niveau de la distribution en gros depuis six ans et au niveau de la délivrance au détail depuis deux ans. »

Mais ces petites modifications d’étiquetage auront des répercussions immenses pour la gestion informatique quotidienne du praticien. Car, à compter du 1^er juillet prochain, toute la gestion de la distribution en gros et au détail, le suivi des commandes des centrales comme des ayants droit, des stocks, et la fameuse traçabilité basculeront dans un nouveau système.

Les centrales et les laboratoires semblent en effet craindre un bug informatique et logistique chez les praticiens pendant les jours et les semaines qui suivront ce basculement. Les douchettes de saisie, qui lisent aujourd’hui les codes-barres CIP à sept chiffres, devront être remplacées par des caméras capables de lire un Datamatrix dans toutes les positions et en deux dimensions. Bien entendu, encore faut-il que le logiciel de gestion des commandes soit à jour pour intégrer ces nouvelles données.

Trois mois tout juste pour assurer la mise à jour des logiciels

Le passage à l’an 2000 des ordinateurs avait nécessité plusieurs années de préparation et de mises à jour des systèmes informatiques. Cette fois, pour éviter le bug, les structures vétérinaires ne disposent que de trois mois…

La plupart des sociétés de services informatiques, notoirement connues, ont été informées de la mise en place du nouveau système. Les structures vétérinaires qui ont souscrit des abonnements de maintenance de leurs logiciels peuvent donc s’attendre à recevoir une mise à jour. Parfois, celle-ci sera réalisée par téléchargement sur l’Internet.

La suppression annoncée par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) des anciens numéros d’AMM pour le 1^er juillet 2009 a donné le coup d’envoi du basculement vers ce nouveau système. Mais les médicaments ne sont pas les seuls concernés. La plupart des suppléments nutritionnels, les produits d’hygiène et les autres produits sans AMM passeront aussi progressivement au code Datamatrix.

Mais pourquoi changer un dispositif simple, avec un seul numéro à sept chiffres, qui donne satisfaction à tous ? D’autant que le double système de codification est plus complexe et nécessite d’investir dans une mise à jour logicielle et dans de nouveaux matériels (douchettes de lecture des codes Datamatrix).

Lorsque tout fonctionne bien, un tel changement peut appaître compliqué et inutile.

Le système trentenaire du code CIP est à bout de souffle

Le dispositif actuel, celui du Club interpharmaceutique (CIP), mis en place en 1979, est pourtant saturé et obsolète. En outre, il ne permet pas de répondre aux nouvelles exigences légales. Les numéros d’AMM octroyés par présentation comportent sept chiffres, le CIP7, où le septième chiffre est alors une clef de vérification des six précédents pour contrôler les saisies. Ce système CIP est commun aux médicaments humains et vétérinaires, ainsi qu’aux autres produits de santé (sans AMM). Il accorde une petite plage de trente mille numéros d’AMM vétérinaires, du n° 670 000 au n° 699 999. Or cette tranche est désormais saturée. La base de données de l’ANMV ne référence que quatorze mille huit cents numéros d’AMM “vivants” pour les médicaments vétérinaires, car les numéros “morts” (accordés à des médicaments aujourd’hui supprimés) ne sont évidemment pas réattribués pour éviter toute confusion.

Une nouvelle exigence réglementaire : la traçabilité par lot

Il devenait donc urgent de changer de système. En outre, de nouvelles contraintes réglementaires sont apparues. La traçabilité par lot des médicaments est devenue obligatoire au niveau de la distribution en gros en mars 2003 et, au niveau de la délivrance au détail, en avril 2007 pour les ayants droit. Ces obligations réglementaires ne pouvaient être facilement assurées dans la mesure où le code-barres actuel, qui correspond au numéro CIP ou d’AMM, ne renseignait pas du tout sur le numéro de lot. La nouvelle codification (avec la marque Datamatrix) devait donc faciliter une saisie rapide par les lecteurs optiques des numéros de lots. Ce nouveau code, unique pour chaque lot, ne pourra pas être imprimé à l’avance sur les articles de conditionnement comme l’actuel code-barres, mais seulement avec le numéro de lot et la date de péremption, en fin de chaîne de fabrication.

Un code international unique, le GTIN14, est associé au Datamatrix

Une autre contrainte est spécifique aux industriels vétérinaires. La petite taille des marchés nationaux conduit à commercialiser les mêmes médicaments, sous des packagings multilingues, dans plusieurs Etats. La traçabilité par lot étant une obligation européenne, il convenait d’éviter de recouvrir les petites boîtes de comprimés de multiples codes nationaux différents. Dès 2005, les industriels vétérinaires ont fait le choix d’un code international unique, à treize chiffres plus un chiffre pour la clef de contrôle, appelé GTIN14 (Global trade item number). Le GTIN14 remplace donc le CIP7, mais sans inclure d’information supplémentaire, ni sur le numéro de lot, ni sur la date de péremption. Ce code mondial unique, nécessaire pour la traçabilité par lot, devait alors nécessairement être découplé des numéro s d’AMM nationaux, exigés pour authentifier les médicaments autorisés. Pour la traçabilité par lot, le marquage graphique Datamatrix (nouveau code-barres en deux dimensions) est associé au GTIN14 en y incluant des informations sur le numéro de lot et la date de péremption.

Le nouveau système français des numéros d’AMM vétérinaires devait donc évoluer en tenant compte de toutes ces nouvelles contraintes.