La station d'étude de la tortue luth, à Libreville (Gabon)
Éclairage
UNE JOURNÉE À…
Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois
Ce projet démontre que les vétérinaires ont un rôle de terrain à jouer, à toutes les étapes de la conservation des espèces menacées : recherche, expertise, mise en place de solutions et sensibilisation.
Après une accalmie depuis la fin mai, le mois d’octobre voit le retour des tortues luth sur les plages gabonaises. La saison de ponte a débuté doucement et il est encore impossible de prédire si la fréquentation sera à la hauteur des meilleures années. En décembre, mois du pic des pontes au Gabon, les scientifiques guettent tout particulièrement leur retour, basés sur la plage de la Pointe Denis, une destination touristique toute proche de la capitale. L’équipe est anxieuse de savoir si le travail mené depuis t rois saisons permettra d’éviter une nouvelle catastrophe. En 2006, face à l’échouage de plusieurs dizaines de femelles adultes et de centaines de nouveau-nés, attirés par la lumière, il avait fallu mettre en place d’urgence un projet de lutte contre la pollution lumineuse.
Début 2007, la mort de quelque soixante-dix femelles avait été évitée de justesse. Les images des quads et des volontaires tirant ces géants échoués de 500 kg sur des centaines de mètres, pour les ramener vers la mer, sont encore dans les esprits. Le phénomène de désorientation des tortues marines, attirées par les lumières des villes, est bien connu. Cherchant à repérer la clarté de la lune sur l’océan pour retrouver leur chemin, elles sont leurrées par les éclairages artificiels. Mais le Gabon est resté peu conscient de cette menace, jusqu’à ce que la fréquentation touristique augmente en flèche à proximité des plages, il y a deux ans, et perturbe de façon spectaculaire la reproduction des tortues luth.
La lumière artificielle est à considérer comme un polluant environnemental, susceptible à ce titre d’avoir des répercussions à large échelle sur la santé de la faune sauvage. C’est alors que les vétérinaires interviennent, pour limiter la mortalité et la morbidité, dont l’ampleur peut constituer une menace pour la survie de la population. L’autopsie de trois femelles qui n’ont pu être sauvées a confirmé la mort par hyperthermie et déshydratation. Bien que l’urgence et le manque de matériel n’aient pas permis d’effectuer un bilan sanguin approfondi, les séquelles physiologiques consécutives aux heures passées à terre, puis sous le soleil, ont certainement compromis la survie à moyen terme des femelles remises à l’eau. « Nous croyons qu’un taux élevé de tortues n’ont pas survécu, en raison des changements physiologiques (déshydratation, hypoglycémie, hausse de cortisol et d’acide lactique) qui les ont rendues plus vulnérables à la noyade, aux collisions et à la prédation », affirme notre consœur Sharon L. Deem, qui a mené plusieurs missions d’étude sur la santé des tortues luth dans la région depuis 2001.
Pour prévenir ces dommages, les vétérinaires engagés dans le projet ont administré de grands volumes de solutés glucosés par voie intracoelomique aux tortues échouées, avant de les relâcher. La région inguinale offre une voie d’accès. Les nouveau-nés égarés peuvent souffrir des mêmes séquelles, notamment d’une déperdition d’énergie, puisqu’ils ne s’alimenteront pas avant quarante-huit heures en mer. Toute dépense d’énergie superflue pour chercher l’océan compromet donc considérablement leur survie. C’est pourquoi il est vital de retrouver les dizaines de bébés égarés au lever du jour, pour les remettre à l’eau le plus vite possible. Quelques millilitres de solutés glucosés peuvent leur être administrés par voie orale, ou par voie intracoelomique, comme pour les adultes.
Mais le vrai travail de conservation passe par la prévention, seul moyen de réduire la menace à long terme. C’est alors un projet pluriannuel qui doit être engagé, depuis la réalisation d’études destinées à démontrer l’étendue du problème et d’identifier des solutions, jusqu’à leur mise en place, en passant par la recherche des fonds nécessaires à chaque étape. Dès 2001, une mission menée par notre consœur Sharon L. Deem permet d’observer dans le sable les traces de désorientation des nouveau-nés. Début 2006 seulement, la première étude est initiée, fondée sur le décompte de ces traces au lever du jour. Elle démontre la responsabilité des lumières artificielles.
En 2006-2007, un travail expérimental, qui confronte des nouveau-nés à différentes situations d’éclairement, vient affiner la compréhension du problème, tandis que les désorientations spectaculaires de femelles adultes permettent de collecter des fonds pour poursuivre le projet. C’est ainsi qu’au cours de la saison 2007-2008, des lampes d’un type nouveau sont testées, potentiellement moins attractives pour les tortues marines, et que le matériel nécessaire pour modifier toutes les lumières à proximité de la plage de ponte est acheté.
La prochaine saison permettra de dire si le travail accompli améliore de façon satisfaisante l’environnement des tortues marines et si elles pourront continuer de se reproduire en bon voisinage avec les touristes.
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