S’ASSURER EN RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE - La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009

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Auteur(s) : Nicolas Fontennelle

Comme en médecine humaine, la recherche de la responsabilité du vétérinaire est de plus en plus fréquente. S’assurer contre les risques encourus dans l’exercice de la profession est donc un enjeu majeur. Tour d’horizon d’un marché bien maîtrisé par les assureurs et gros plan sur les principaux contrats disponibles.

Deux vaches affolées menacent de traverser l’autoroute. L’éleveur, qui ne peut les capturer, appelle son vétérinaire à l’aide. En urgence, celui-ci décide de procéder à une téléanesthésie. Mais il ignore le poids des animaux et ne peut juger que grossièrement de la dose d’anesthésique nécessaire. Il tire une première fois. Estimant que les projectiles n’ont peut-être pas fait leur office, il effectue un second tir. Les deux vaches s’écroulent, ne traversent pas l’autoroute, mais… meurent, victimes d’un surdosage. Début d’un mauvais film de série B ? Non, cette mésaventure est arrivée récemment à un vétérinaire. C’est justement pour se prémunir des conséquences des scénarios les plus improbables que l’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) se révèle indispensable.

« Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains confrères n’ont toujours pas d’assurance en RCP », s’alarme Gabriel Mangematin, vétérinaire expert près la cour d’appel de Poitiers. Combien ? « Il est difficile de le chiffrer précisément, mais ils sont très minoritaires, moins de 2 % sans doute », estime Jean Vilanova, responsable des relations institutionnelles avec les marchés à La Médicale, l’un des principaux assureurs des vétérinaires en RCP. Pourtant, le Code de déontologie indique expressément que les praticiens sont obligés de souscrire un tel contrat (article R.242-48-7). « Un praticien sans assurance en RCP pourrait être taxé d’exercice illégal », remarque d’ailleurs Jean Vilanova. La plupart de ceux qui se trouvent en défaut d’assurance ont oublié de signaler leur changement d’adresse ou omis de régler leur cotisation. Mais un petit nombre d’irréductibles estiment que leur responsabilité professionnelle ne pourra être qu’exceptionnellement recherchée et préfèrent porter eux-mêmes ce risque. Erreur. Comme en médecine humaine, la recherche de la responsabilité du vétérinaire est de plus en plus fréquente et les dérives procédurières augmentent. La MACSF, mastodonte du marché des assurances en RCP des professions de santé, affirme ainsi que « la sinistralité des vétérinaires, comprise entre six et huit déclarations annuelles pour cent sociétaires, est trois fois supérieure à celle enregistrée chez les médecins, toutes spécialités et tous modes d’exercice confondus. Cela signifie, en pratique, que chaque vétérinaire peut s’attendre à être mis en cause au moins deux fois lors de sa carrière, alors que son homologue médecin a une chance sur deux de ne pas être inquiété… ». En 2007, la sinistralité de cet assureur pour les vétérinaires était de 8,3 % versus 6,7 % en 2006 (voir encadré en page 32). De quoi faire réfléchir les plus négligents. « Plus que la non-assurance, notre vraie difficulté est la mal-assurance, constate Daniel Hagopian, du cabinet Poulnot-Hagopian (lié à l’assureur Aviva), spécialiste de l’assurance RCP des vétérinaires équins. Trop de praticiens n’actualisent pas leur contrat et se retrouvent dépourvus lorsqu’arrive un sinistre qui n’entre pas dans le cadre de ce contrat. » D’où l’importance d’informer régulièrement sa compagnie des modifications, même minimes, de son exercice (voir article en page 33).

Un marché homogène et relativement tranquille, sauf pour l’exercice équin

« Les vétérinaires ne changent pas souvent d’assureur », note un responsable des AGF. Comme la plupart des Français, seuls un sinistre mal indemnisé ou une trop forte et subite augmentation des cotisations les incitent à aller voir ailleurs. Plusieurs causes expliquent cet immobilisme. Bien souvent, l’assureur en RCP du praticien est aussi celui qui détient plusieurs de ses autres contrats : habitation, véhicules ou encore assurances de la vie personnelle… et les conditions de sortie ne sont pas toujours aisées. C’est d’ailleurs sur la vente de ces “packages” assurantiels et non sur la seule RCP que les compagnies sont en concurrence. Ce peu de goût pour le changement trouve également son origine dans la similarité des contrats présents sur le marché, en termes de garanties, de cotisations ou de dommages couverts (voir tableau). « Presque tous les contrats du marché couvrent en même temps la responsabilité civile et les défenses pénale et ordinale. On peut dire que les vétérinaires sont assurés dans la plénitude de leur art », remarque Jean Vilanova.

Ce marché a aussi pour particularités son homogénéité et sa relative tranquillité pour les assureurs. 80 à 90 % des risques qu’ils supportent sont connus, maîtrisables, donc d’une approche aisée. En pratique rurale et canine, il s’agit essentiellement de dommages causés aux animaux. Seules les activités équines pures et d’élevage industriel exigent des précautions et une couverture importante au regard du montant financier des sinistres qui peuvent survenir. « Nous ne sommes certes pas sur un marché similaire à celui de la couverture de risques en obstétrique humaine, mais l’activité équine peut se révéler particulièrement risquée pour un assureur », note Daniel Hagopian. A tel point que certains refusent de prendre en charge les praticiens dont ils jugent l’exercice équin trop important. Par exemple, le contrat AGF stipule que le vétérinaire ne pourra pas être assuré si son activité équine excède « 20 % du montant des honoraires par année fiscale ». Parfois, le montant des cotisations est si élevé que les praticiens ne peuvent pas s’assurer. « Certains confrères équins s’assurent aux Etats-Unis, puisque personne en France ne veut prendre le risque de les couvrir, remarque Gabriel Mangematin. Les sinistres équins sont la hantise des compagnies et des vétérinaires. Les enjeux économiques sont énormes. La valeur des chevaux de course peut atteindre des sommets (surtout s’ils sont morts ou handicapés). Les dossiers de RCP se retrouvent vite devant les tribunaux. »

  • (1) Source : site Internet de la MACSF.

Assureurs : combien de divisions ?

Interrogés sur le nombre de praticiens dans leur portefeuille au titre de la RCP, certains assureurs sont embarrassés, d’autres imprécis, un même contrat pouvant, par exemple, prendre en charge plusieurs confrères. L’un d’eux avance le nombre de quatre mille, ce qui correspond à la moitié des libéraux en exercice ! Il est donc difficile de publier des données aussi floues. Soulignons cependant que les deux principaux acteurs du marché sont, sans conteste, la MACSF et la Médicale.

N. F.

La sinistralité d’un assureur

Pour l’ensemble de l’année 2007, les 2 137 vétérinaires assurés à la MACSF(1) ont adressé 179 déclarations à la compagnie, soit une sinistralité de 8,3 %. 174 concernent des dommages causés à l’animal, dont 108 à des bovins, 54 à des animaux de compagnie et 12 à des chevaux. 5 sont liées à des dommages corporels subis par des tiers, comme les griffures d’un propriétaire par son propre chat lors de soins (3 cas).

• Parmi les dommages aux bovins, l’assureur dénombre 79 morts après une intervention chirurgicale, dont 32 à la suite d’une césarienne, 25 après un vêlage (17 vaches, 2 veaux, 6 vaches et veaux ensemble), 6 consécutifs à une castration, 5 à un drenchage. Parmi les 29 morts à la suite de soins, en dehors de toute intervention chirurgicale, 8 sont liés à une injection (y compris dans le cadre d’une anesthésie).

• Parmi les 54 dommages relevés en canine, 33 font suite à une réclamation après les soins prodigués et 21 après une intervention chirurgicale. Aucun dossier ne concerne les NAC. Les mises en cause consécutives aux soins sont notamment liées à la mort de chiens ou de chats (25 cas) et à un défaut de contention de l’animal, occasionnant une chute de la table d’examen (2).

Dans les 21 réclamations après une intervention chirurgicale, 9 dossiers concernent une stérilisation, dont 8 échecs de stérilisation ou mort de l’animal après l’intervention, et un oubli de compresse.

• En équine, les 12 dossiers concernent 4 morts consécutives à une injection (intramusculaire ou lors d’une anesthésie), 7 mises en cause du vétérinaire à la suite des soins prodigués (dont 1 mort par hémorragie après une castration par bistournage) et une mise en cause après l’examen d’un cheval en vue d’une vente annulée par une contre-expertise.

N. F.
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