Directive “services”. Explication de texte devant une centaine de praticiens
Actualité
Auteur(s) : Nicolas Fontenelle*, Valentine Chamard**
A la veille des élections européennes, le Groupe d’étude et de recherche en management de l’Afvac a organisé, le 28 mai, une session de formation sur la directive “services”.
Les praticiens méconnaissent la directive “services”. Ce texte européen, qui s’appliquera en principe le 1er janvier 2010 dans l’Hexagone, n’évoque rien pour près de la moitié des vétérinaires interrogés, selon un sondage (lire ci-contre) présenté lors de la journée organisée sur ce thème par le Groupe d’étude et de recherche en management (Germ) de l’Afvac, fin mai. Pour combler cette lacune, Christian Lemaire, praticien au Havre et passionné par le sujet, a tenté avec fougue et force détails d’expliciter cette directive. Son propos et sa présentation, touffus, ont contribué à éclairer la lanterne de la centaine de participants.
Le but du législateur européen est d’assurer la liberté d’établissement et la libre prestation des services au sein de l’Union, conformément aux articles 43 et 49 instituant la Communauté européenne, autrement dit du traité de Rome adopté en… 1957. L’article 43 interdit « les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre », tandis que l’article 49 interdit « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté ».
Adoptée le 12 décembre 2006, la directive “services” poursuit quatre objectifs : renforcer la qualité et l’éventail des services offerts au sein de l’Union, lever les obstacles aux activités de services, garantir et augmenter les droits des consommateurs, simplifier les formalités administratives. Elle repose sur la libre prestation des services. « Les Etats membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un Etat membre autre que celui dans lequel ils sont établis. L’Etat membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service, ainsi que son libre exercice sur son territoire », stipule son article 16. Or ce principe est en opposition avec certaines spécificités des professions réglementées : activités réservées, monopole, inscription à l’Ordre, capital restreint, numerus clausus, etc. Chaque Etat membre doit donc passer en revue sa législation et aplanir les contraintes qui pourraient empêcher la directive “services” de s’appliquer au 1er janvier 2010, ou démontrer que la réglementation nationale est impérieuse et nécessaire au regard de la protection de l’ordre public, de la sécurité ou de la santé publique et de l’environnement.
Avec l’aide de la mission interministérielle chargée de piloter la transposition de la directive en droit français, l’Ordre des vétérinaires a identifié deux principales pierres d’achoppement : l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL) et l’unicité du domicile d’exercice. Jacques Guérin, conseiller ordinal chargé de l’exercice professionnel, a rappelé que l’Ordre travaille sur cette question avec pour le moment deux notions non exclusives « partagées par le plus grand nombre » : un diplôme “temps plein” par domicile professionnel d’exercice (DPE) et la possibilité, pour un vétérinaire, d’exercer à titre salarié ou libéral dans plusieurs DPE. L’Ordre travaille notamment à la rédaction d’un “cahier des charges” pour DPE (comment doit-il fonctionner, avec qui, avec quel plateau technique minimal?, etc.).
S’agissant de l’ouverture du capital des SEL, Jacques Guérin s’est félicité de l’arrêt de la Cour de justice européenne du 19 mai, qui permet à un Etat de l’Union de réserver le capital des officines aux seuls pharmaciens, contre la volonté de la Commission européenne de voir ce capital totalement ouvert à des fonds non pharmaceutiques. « Cela vient conforter notre stratégie de conserver l’indépendance capitalistique des vétérinaires », a-t-il insisté.
Mais dans sa présentation, Christian Lemaire a soulevé un point important auquel l’Ordre n’a pas encore apporté de réponse : la communication commerciale. La directive “services” demande en effet aux Etats membres d’éliminer les restrictions inutiles à cette communication. Selon le praticien, dès le 1er janvier 2010, les vétérinaires « pourront s’afficher dans la rue, passer des spots à la radio ou à la télévision. Mais rien n’a encore été proposé sur le contenu et les modalités de cette communication. Il y a urgence ». Sept mois.
De son côté, Christophe Hugnet, conseiller régional de l’Ordre, membre des commissions d’AMM et de pharmacovigilance, a soulevé de nombreuses problématiques quant à l’évolution européenne du marché du médicament vétérinaire et évoqué son devenir. Ainsi, la prescription sera-t-elle exclusivement vétérinaire ? Sera-t-elle ouverte aux pharmaciens pour certains médicaments (à l’instar de la médecine humaine, comme pour Alli®) ? Les vétérinaires pourront-ils toujours prescrire certaines classes thérapeutiques (la demande des pharmaciens est forte en ce domaine) ? Selon le principe de l’indépendance des actes, y aura-t-il une dissociation de la prescription et de la délivrance L’émergence d’Internet révolutionnera-t-elle la délivrance ? Y aura-t-il une libre circulation intraeuropéenne des médicaments ? Les vétérinaires pourront-ils tenir officine ouverte ?
Au-delà de ces éventualités, Christophe Hugnet pointe du doigt des sujets majeurs à régler concernant les vétérinaires et le médicament. Il a notamment soulevé la nécessaire moralisation des pratiques commerciales, en prônant la limitation, voire l’interdiction des remises arrière, « non éthiques vis-à-vis du client ». La maîtrise de l’antibiorésistance, l’origine des capitaux dans les structures de demain, la compétence des pharmaciens, le maillage territorial des vétérinaires et l’importance de l’Internet sont d’autres points évoqués par notre confrère.
La directive “services” prévoit que les Etats membres doivent prendre des mesures pour encourager l’élaboration de codes de conduite au niveau communautaire, notamment en vue d’améliorer la confiance des destinataires dans les services offerts par les prestataires d’autres Etats membres. C’est exactement ce qu’a fait la Fédération vétérinaire européenne (FVE) en rédigeant un Code de conduite vétérinaire européen. « C’est un texte de référence qui définit la déontologie et les principes qui régissent la conduite professionnelle, a expliqué Catherine Roy, conseiller ordinal en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et membre de la FVE. Il est constitué de deux parties. La première est un socle commun, le minimum que tous les Etats de l’Union doivent adopter, le second regroupe les principes à prendre en compte pour améliorer les codes de conduite nationaux. »
Catherine Roy a rappelé que la directive “services” s’articule avec d’autres textes communautaires, notamment une directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles qui permet l’acception du diplôme d’un vétérinaire d’un Etat membre dans un autre Etat de l’Union.
N. F.La société privée européenne (societas privata europaea, SPE) devrait voir le jour en juillet 2010. Particulièrement adapté aux petites et moyennes entreprises (PME), ce nouveau statut juridique, adopté au niveau européen, permettra d’améliorer l’accès des entreprises au marché unique. « La SPE constitue la première forme de société entièrement supranationale, qui permet aux PME d’utiliser le même statut juridique dans l’ensemble de l’Union européenne », indique Christian Lemaire. C’est une société de capitaux par actions à responsabilité limitée, non cotée. La SPE peut avoir plusieurs fondateurs, personnes physiques et/ou sociétés. Elle peut être créée ex nihilo, par transformation, scission ou fusion de sociétés existantes. « Les actionnaires bénéficieront d’une grande liberté pour déterminer la manière dont ils prennent leurs décisions. »
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