Comment évoluera la recherche clinique sur les animaux de compagnie dans les écoles ?

Un équilibre entre partenaires institutionnels et privés

Chacun peut voir la recherche clinique à travers un prisme différent. Pour moi, elle est orientée vers le patient, en l’occurrence nos espèces cibles : animaux de compagnie, de rente ou de loisir. Par ailleurs, l’enjeu d’une recherche se caractérise soit par son excellence, que soutiennent les grands organismes de recherche, soit par sa pertinence, qui intéresse davantage les industriels et qui a un impact direct sur la pratique. Pour les carnivores domestiques, hormis quelques thématiques marginales, il n’est pas facile de s’appuyer sur des partenaires institutionnels, alors que les soutiens privés seront nombreux si les problématiques abordées sont pertinentes. Un équilibre entre les deux valences est difficile, mais nécessaire, pour créer une véritable dynamique de recherche. Plus vous publiez, plus vous êtes visible et pourrez alors trouver des partenaires qui vous donneront les moyens de continuer à publier dans votre domaine. Dans chaque école vétérinaire, certains groupes de recherche clinique ont su générer de tels cycles vertueux et sont reconnus au rang international. Ce n’est pas le cas de tous les secteurs. Les Anglo-Saxons ont mieux compris que nous les enjeux de cette recherche et se sont structurés pour créer une dynamique collective. La visibilité de la recherche est indispensable pour un pays. Non seulement elle détermine l’image de sa formation académique, mais elle conditionne aussi sa pénétrance dans les milieux industriels et les comités scientifiques internationaux.

Ne pas négliger la recherche à finalité vétérinaire

A partir de 1992, à la suite d’un décret modifiant leur statut, les enseignants des écoles vétérinaires sont devenus des enseignants-chercheurs. Ce dédoublement de missions a largement contribué à la structuration de notre recherche, tant fondamentale qu’appliquée. Les unités mixtes ont commencé à fleurir au sein des écoles et le rayonnement scientifique de nos établissements a clairement augmenté. Concernant la recherche biomédicale, l’exploitation de modèles animaux d’affections humaines au sein des ENV a pu s’appuyer sur des organismes de recherche comme l’Inserm. La recherche sur les animaux de rente s’est quant à elle le plus souvent adossée à l’Inra. La recherche clinique à finalité vétérinaire, qui s’intéresse à la pathologie animale pour elle-même et non en tant que modèle, n’a pas pu bénéficier des mêmes encouragements institutionnels. Si les partenaires privés apportent un soutien financier, cette recherche clinique, faute d’une hypothétique “Inserv” ou de “plans de recherche clinique vétérinaire”, n’est encore qu’au milieu du gué.

Les dernières années ont pourtant été marquées par une explosion des publications scientifiques à finalité vétérinaire. Elles sont encore souvent dues à des énergies individuelles, parfois en dehors des unités labellisées. Cette voie de recherche ne doit pas être sous-estimée. Elle répond à des attentes professionnelles et sociétales. Mieux structurée, elle contribuera encore davantage au rayonnement des écoles vétérinaires, où sa place apparaît naturelle. Qui d’autre que le vétérinaire peut générer un questionnement vétérinaire ?

Des partenariats développés grâce à la pathologie comparée

La recherche clinique a pour vocation d’être appliquée et doit être orientée vers les partenariats, qu’ils soient académiques ou privés. Toutes les approches sont complémentaires et se dynamisent. En cancérologie, à Nantes, nous avons compris que la recherche clinique vétérinaire, en plus d’être utile à l’animal, peut intéresser l’oncologie humaine. La pathologie comparée nous a permis de développer nos collaborations, d’obtenir des financements et de mieux nous structurer. L’école de Nantes nous a soutenus et nous sommes désormais bien identifiés dans ce domaine. Un réseau entre différentes structures de recherche⁽¹⁾ s’est constitué pour mettre au point de nouvelles approches thérapeutiques anticancéreuses conjointes.

L’idée de la pathologie comparée, mieux soigner l’animal pour mieux soigner l’homme, n’exclut en rien les retombées vétérinaires. La cancérologie des animaux de compagnie profite des approches innovantes développées en humaine. De son côté, la communauté scientifique reconnaît l’intérêt du modèle carnivore et la capacité des enseignants-chercheurs de nos écoles à recruter et caractériser des cas (grâce aussi à l’aide du tissu vétérinaire régional) et à mener les essais cliniques nécessaires. Nous sommes de plus en plus nombreux à travailler à la jonction des deux médecines, voire à initier les thématiques de recherche. La cancérologie est un exemple d’un mouvement qui s’amplifie. En proposant des contrats d’interface avec l’Inserm, notre ministère montre, lui aussi, une volonté de s’ouvrir pour se rapprocher de la recherche biomédicale.

• (1) L’ENVN, l’Inserm, le Centre de lutte contre le cancer, le Centre hospitalier universitaire, le Cancéropôle grand Ouest.