Les médicaments sont la dernière étape de la réanimation des veaux anoxiques

Si un veau anoxique ne se positionne pas spontanément en décubitus sternal quinze minutes après sa naissance, il a 85 % de risque de mourir avant l'âge de sept jours. « La réanimation de ces veaux qui ne “démarrent” pas est une véritable urgence », a insisté Christophe Uystepruyst, praticien à Taintignies (Belgique), le 13 mai dernier, lors des Journées nationales des groupements techniques vétérinaires organisées à Nantes. Une altération de l'approvisionnement en oxygène et une perturbation de l'adaptation cardio-respiratoire et métabolique au moment de la naissance caractérisent l'anoxie. « Le dégagement des voies respiratoires et la mise en place d'une respiration régulière sont les deux étapes impératives pour le succès d'une réanimation. Elles doivent être privilégiées et sont prioritaires avant d'injecter une quelconque substance. »

Une circulation stable exige une ventilation pulmonaire opérationnelle

La circulation stable et la perfusion tissulaire sont directement dépendantes de l'élimination du liquide fœtal pulmonaire, de l'installation d'une ventilation pulmonaire, de l'inversion des gradients de pression qui causent la fermeture des shunts et de la mise en place d'un schéma circulatoire de type adulte. Ce schéma adulte est réversible après la naissance si une hypoxie sévère survient. Or une circulation stable ne peut être atteinte qu'avec une ventilation pulmonaire opérationnelle et stabilisée. La réanimation doit mimer les mécanismes physiologiques qui caractérisent une adaptation normale, soit les règles A, B, C et D pour air-ways patency (perméabilité des voies respiratoires), breathing (respiration), circulating (circulation) et drugs (médicaments).

Durant la première étape, les voies respiratoires sont dégagées grâce à la suspension du veau par les postérieurs jusqu'au premier mouvement de défense⁽¹⁾. « Plus longtemps ne sert à rien, a expliqué Pierre Lekeux, de la faculté de médecine vétérinaire de Liège au cours de son intervention. Par ailleurs, lorsqu'un veau nouveau-né présente des difficultés respiratoires, le noyer en lui jetant un seau d'eau froide en pleine face ne fait qu'aggraver ses problèmes ! » Pour stimuler la respiration des veaux, Christophe Uystepruyst utilise un peu d'eau froide sur la nuque ou dans l'oreille, la piqûre de la fosse nasale par un brin de paille et l'utilisation d'un point d'acuponcture⁽²⁾ situé au milieu du nez (^{voir photo}).

Si le veau ne respire pas spontanément après le dégagement des voies respiratoires, « il faut impérativement le ventiler ». Notre confrère préfère associer une pompe et une sonde endotrachéale plutôt qu'utiliser la pompe masque. La sonde permet de faire entrer de l'air directement dans la trachée sans en envoyer dans l'œsophage. La valve de surpression à la sortie de la pompe évite en outre le risque de pneumothorax. Lorsque le veau respire spontanément, il doit être placé en décubitus sternal, calé par une botte de paille si nécessaire. La tachycardie immédiatement après la naissance est physiologique, alors que la bradycardie (moins de soixante battements par minute) ou les arythmies sont le signe d'une souffrance fœtale et d'un pronostic sombre. « Un massage cardiaque a peu d'intérêt en l'absence de battement spontané », a indiqué notre confrère.

Les veaux anoxiques doivent impérativement être sondés pour recevoir le colostrum

« Il faut abandonner le réflexe qui consiste à administrer des médicaments immédiatement après avoir constaté que quelque chose ne va pas », a insisté Christophe Uystepruyst. Il utilise pour sa part l'adrénaline lors de bradycardie ou d'anomalie du rythme cardiaque, à la dose de 1 mg/50 kg administré par voie intraveineuse ou via la sonde endotrachéale. « Cette voie est idéale. » Pour maintenir le schéma vasculaire adulte, notre confrère cite la tolazoline⁽³⁾ à la dose de 2 à 4 mg/kg en intraveineuse lente, l'atipamezole (Antisedan®) à raison de 20 à 60 mg/kg par voie intramusculaire. L'administration de Candilat® ou de Candilat RS® permet de limiter la vasoconstriction. Le conférencier a souligné le manque d'études comparant leur efficacité respective. Il doute de l'intérêt des médicaments qui stimulent les centres nerveux : « Lors d'hypoxie, ces derniers sont déjà stimulés au maximum et leur perfusion est altérée. En outre, l'utilisation de ces médicaments fait perdre un temps précieux. » Une anémie nécessite une transfusion de 0,5 à 1 l du sang de la mère.

« Si les bicarbonates sont perfusés en trop grande quantité ou trop vite lors de la correction de l'acidose mixte, le veau est tué par un excès de CO₂ qu'il n'arrive pas à éliminer », a indiqué le praticien. Les bicarbonates augmentent la quantité de CO₂ à éliminer par voie ventilatoire. Les 500 ml de soluté (4 g de bicarbonates dans 100 ml) doivent donc être administrés en perfusion très lente et en contrôlant en permanence la ventilation. « La mise en place d'une sonde pour recevoir le colostrum est impérative chez les veaux anoxiques qui doivent en outre recevoir systématiquement une antibiothérapie à large spectre », a conclu Christophe Uystepruyst.

• (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1366 du 26/6/2009 en page 36.

• (2) Voir www.vetofocus.com (rubrique “gestes techniques, stimulation respiratoire du nouveau-né”).

• (3) α2-antagoniste enregistré aux Etats-Unis.