Entre nous
VOUS AVEZ LA PAROLE
Auteur(s) : Anne Boulestin
Fonctions : (T 98)
Je suis personnellement touchée par le projet d’ordonnance de Roselyne Bachelot, car je suis praticienne attachée au CHU Henri Mondor de Créteil (Val-de-Marne), dans un laboratoire de biologie hospitalière (humaine). Exceptionnel ? Pas tant que cela. Des recherches dans l’Annuaire Roy montrent que nous sommes actuellement au moins huit en France dans ce cas. Parmi nous figurent cinq professeurs de médecine, dont deux chefs de service. Et voilà que la ministre, pharmacienne de son état, veut d’un trait de plume nous empêcher d’exercer notre métier. Nous étions compétents et reconnus par nos pairs, nous ne le serons plus par ordonnance ministérielle. Notre tort : nous sommes vétérinaires.
Au-delà de l’inquiétude pour soi-même se profile une inquiétude pour la profession tout entière. Interdire la biologie humaine aux vétérinaires, c’est leur interdire toute la biologie. En effet, le Code de la santé publique ne fait pas de distinction entre biologie « humaine » et « vétérinaire ». La « biologie vétérinaire » n’a pas d’existence légale. On commence par éliminer les hospitaliers, mais demain l’ensemble des analyses « vétérinaires » sera certainement en cause. Elles représentent les laboratoires de biologie vétérinaire comme Vébiotel, les laboratoires vétérinaires départementaux, ceux de l’Afssa, mais aussi les analyses de biochimie ou d’hématologie que beaucoup de praticiens effectuent dans leurs cabinets. Qui nous remplacera ? Sachant que 76 % des biologistes sont pharmaciens, on devine quels patients l’ordonnance de Mme Bachelot traitera en priorité.
L’argument principal de Michel Ballereau, auteur du rapport qui préconise l’éviction des vétérinaires de la biologie, est de « remédicaliser » cette spécialité. En prenant cet argument au pied de la lettre, il faudrait donc exclure les pharmaciens, dont la formation comporte essentiellement de la chimie et non des disciplines médicales comme la cardiologie, la gastro-entérologie, etc. Qui d’autre que les médecins reçoit une formation en anatomie, endocrinologie, chirurgie, etc. ? Qui d’autre que les médecins a le droit, en France, de prescrire de la morphine ? Les vétérinaires. Nous sommes donc, et nous restons, une profession plus médicale, au sens strict du terme, que les pharmaciens. La collaboration médecins-vétérinaires est nécessaire à la lutte contre les zoonoses, comme l’a souligné le sénateur René Chaumont dans un amendement au projet de loi “hôpital, patients, santé et territoires”.
Faut-il rappeler à Mme Bachelot la mise au point du BCG par Albert Calmette, médecin, et Camille Guérin, vétérinaire, la découverte de l’anatoxine tétanique par Gaston Ramon et, plus près de nous, le vaccin contre l’hépatite B par Philippe Maupas, tous deux vétérinaires ? L’apport des confrères dans la lutte contre les maladies infectieuses, même si elles ne touchent pas que nos amis les bêtes, est indéniable. Les vétérinaires que je viens de citer travaillaient tous dans des laboratoires “humains”. On m’objectera que le projet d’ordonnance nous autorise toujours à y travailler et à suivre le fameux DES de biologie médicale, mais sans valider, interpréter ni signer de résultats d’examens, donc sans y exercer de responsabilités… Savez-vous quel nom est donné à l’employé d’un laboratoire qui n’a pas le droit de valider, d’interpréter ou de signer de résultats d’examens ? Un technicien. Cela signifierait que pharmacien + DES = biologiste, vétérinaire + DES (le même) = technicien. Si cette ordonnance voit le jour, elle signifiera la dégradation irrémédiable de notre profession.
Jadis élitiste et reconnu, notre diplôme, chèrement acquis – ayant enseigné en faculté de médecine je vous le confirme : véto, c’est beaucoup plus difficile que médecine ; pharmacie, nous n’en parlerons même pas… –, vaudra tout juste un BTS ou un DUT. Notre profession doit se mobiliser et relever la tête. Ensemble, disons non au projet d’ordonnance de Roselyne Bachelot.
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