Pathologie de l’abeille
Formation continue
FILIÈRES
Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet
Par ailleurs, la possibilité de la confondre avec d’autres affections ayant un tropisme neurologique, comme les intoxications, rend le diagnostic de laboratoire obligatoire.
Le virus de la paralysie chronique (chronic paralysis virus : CPV, ou chronic bee paralysis virus : CBPV) est responsable d’une maladie infectieuse des abeilles adultes, également appelée « maladie noire » en raison de la couleur caractéristique que prennent fréquemment les insectes atteints, ou « mal des forêts » car elle se développe souvent dans les colonies qui produisent du miel de miellat et en période de production. L’affection touche essentiellement les ouvrières adultes âgées, les butineuses.
Cette virose provoque des pertes de production dans les colonies et occasionne des mortalités.
Le virus CPV a une place particulière dans la pathologie de l’abeille, souligne Jean-Paul Faucon, chef de l’unité “pathologie de l’abeille” à Sophia-Antipolis. « La paralysie chronique qui attaque son système nerveux peut être à l’origine de fortes mortalités devant les ruches. Une confusion avec les intoxications est possible », explique-t-il. D’autres auteurs considèrent que le virus devient pathogène dans des colonies affaiblies (facteur climatique, carence alimentaire, intoxication chronique).
De nombreuses colonies sont porteuses asymptomatiques, ou porteuses “saines” du virus CBV. Lorsque la maladie se déclare, deux tableaux cliniques principaux peuvent être observés. Les symptômes apparaissent généralement en période de production. Cependant, la forme la plus grave n’aurait pas de caractère saisonnier.
Le premier tableau clinique est celui de « la petite noire ». Quelques abeilles de petite taille, dépilées, noires et brillantes, présentent un abdomen raccourci et gonflé. Au niveau comportemental, elles sont peu actives, se traînent sur la planche d’envol et présentent des signes neurologiques avec des tremblements d’ailes, voire une incapacité à voler. Le terme « noir » n’est cependant pas toujours applicable. En effet, les abeilles italiennes (Apis mellifera ligustica) touchées restent jaunes, mais dépilées, plus petites que les autres et avec les ailes écartées. Cette forme, souvent considérée comme bénigne, ne touche généralement que quelques individus. L’affection est saisonnière, apparaissant au printemps ou en été. Elle peut cependant être à l’origine d’un grave affaiblissement de la colonie.
La deuxième forme de la maladie, plus grave, est le syndrome de paralysie. Elle n’aurait aucun caractère saisonnier. Elle touche une grande proportion des butineuses de la colonie. Si les symptômes physiques sont peu présents (sauf parfois une constipation qui gonfle l’abdomen), les symptômes comportementaux sont majeurs. Ils sont à l’origine d’une désorganisation complète de la colonie. Sont ainsi observés :
– une désorganisation sur le plancher d’envol, avec des paquets d’abeilles traînantes ;
– des abeilles mortes devant la ruche, parfois en “tapis”, dont certaines avec les ailes en croix ;
– un filtrage des abeilles : certaines butineuses de la ruche sont considérées comme étrangères, les ouvrières gardiennes les empêchant d’entrer ;
– des bagarres pour refouler celles qui veulent entrer ;
– des abeilles en “groupe de tremblantes”, qui sont en fait des abeilles présentant des troubles de l’équilibre qui se nettoient.
Au niveau individuel, les signes notés sont un grattage exacerbé, des tremblements d’ailes caractéristiques, des abeilles qui tournent en rond ou indécises, un envol impossible, un déploiement de la langue des ouvrières (ce qui faisait dire autrefois que les abeilles avaient soif), ainsi que des faux comportements de trophallaxie, qui traduisent en fait le nettoyage des pièces buccales.
Sous cette forme, la maladie entraîne des pertes de production importantes et peut être à l’origine du dépeuplement des colonies et de leur mort.
La difficulté du diagnostic clinique de cette affection s’explique par les symptômes neurologiques, donc la possibilité de la confondre avec d’autres maladies ayant un tropisme neurologique, comme les intoxications. Le recours au laboratoire est donc obligatoire. Plusieurs techniques sont disponibles, parmi lesquelles la mise en évidence des antigènes viraux par un test en immunodiffusion en gélose.
La polymerase chain reaction (PCR) pour la détection de l’ARN viral du CPV devrait permettre un diagnostic rapide et sensible des infections déclarées et latentes, si elle était utilisée en “routine”. La connaissance de la charge virale est importante, car la seule présence du virus est insuffisante pour affirmer celle de la maladie.
Le pronostic est souvent favorable lorsque quelques abeilles sont atteintes. Mais la maladie peut entraîner des pertes de colonies en cas de forme grave et/ou en présence de facteurs favorisants (miellat, hérédité, âge, intoxication, etc.). Il n’existe aucun traitement. La mise en place de mesures prophylactiques est donc indispensable. L’hivernage doit ainsi être préparé sur un environnement floral nectarifère. Il est également important de ne pas laisser hiverner les colonies avec des provisions de miel de miellat (cela vaut aussi pour prévenir la nosémose). Il convient aussi de sélectionner des reines issues de souches qui ont bien résisté sur des productions de miel de miellat et de changer la reine d’une colonie qui a fait une forte récolte sur miellat. Notre confrère Marc-Edouard Colin conseille par ailleurs la stimulation du butinage d’automne grâce à un apport alimentaire de petites quantités de sirop 50/50 (50 g de glucose et 50 g d’eau, avec 250 mg de vitamine C et 15 à 20 mg de vitamine B12) si l’environnement floral est favorable.
La contamination par le CPV semble possible via l’alimentation lors de la trophallaxie ou par un contact entre une abeille infectée et une abeille saine à l’occasion d’un frottement lorsque la cuticule est lésée. La transmission verticale serait également envisageable, selon certains auteurs.
Les conditions d’apparition de la maladie ne sont pas toutes connues. En outre, il n’est pas certain que la seule présence du virus suffise à le rendre pathogène. Des facteurs extérieurs à la ruche peuvent favoriser le déclenchement de la maladie, comme la consommation de miel de miellat par les abeilles, qui concerne notamment les colonies localisées en forêt. Ce fait est bien connu des apiculteurs qui élèvent leurs abeilles sur du sapin. Selon l’abondance de miel de miellat, la maladie peut apparaître à bas bruit ou, au contraire, toucher les colonies de façon importante. Une carence en protéine peut être un facteur déclenchant de l’affection. L’utilisation de trappes à pollen serait une autre cause favorisante (la spoliation du pollen par l’apiculteur créerait une carence protéinique). En outre, le confinement dû à de mauvaises conditions climatiques peut favoriser la propagation du virus par la promiscuité des abeilles et les frottements et lésions de la cuticule. D’autres causes sont évoquées comme potentiellement favorisantes, par exemple des intoxications. Concernant la pathogénie du CPV, des études ont identifié des corps d’inclusion dans les cellules de l’épithélium du tube digestif et dans le système nerveux d’abeilles malades. Cela indique que la réplication virale pourrait se faire dans ces organes. Cependant, de fortes charges virales ont également été mises en évidence dans l’hémolymphe d’abeilles malades, ce qui signifierait que le virus possède à la fois un neurotropisme et un tropisme pour d’autres organes de l’abeille.
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