Le lynx ibérique est l’objet d’un programme de réintroduction - La Semaine Vétérinaire n° 1373 du 25/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1373 du 25/09/2009

Espèces menacées

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Julie Brackman

Cette espèce a connu un fort déclin au XXe siècle. Aujourd’hui, à peine deux cents individus sont recensés.

Moins connu que le lynx d’Europe, le lynx ibérique est le félin le plus menacé de la planète, en tête de la catégorie « en danger critique d’extinction » de la liste rouge établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Cette espèce a toujours été endémique de la péninsule ibérique, mais elle a connu un déclin important au cours du XXe siècle. Aujourd’hui, elle est réduite à deux petites populations non connectées qui survivent en Andalousie (Espagne), soit au total deux cents individus. Cette disparition progressive est essentiellement liée à celle du lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus), sa proie principale, et à la destruction massive de son habitat, le maquis méditerranéen.

Face à cette situation, un programme de conservation a été mis en place en Espagne dès 2002, soutenu par l’Union européenne. Il se compose de trois volets : des actions menées dans les populations sauvages relictuelles afin de garantir leur survie (conservation in situ), la création d’une population captive (conservation ex situ), recommandée en raison du faible nombre d’individus sauvages, pour pouvoir ensuite procéder à des réintroductions, qui constituent le troisième volet du programme. Celles-ci ont pour but de créer de nouvelles populations avant, dans un second temps, de faire en sorte que toutes soient connectées entre elles.

Ces réintroductions devraient être initiées prochainement. Il s’agit toujours d’un processus long et complexe. Il convient d’établir au préalable des objectifs précis, puis d’évaluer la viabilité du programme, de planifier la réintroduction et d’en assurer un suivi rigoureux. Les expériences de réintroduction de lynx ibériques sont peu nombreuses et fournissent une information limitée. Le plan espagnol a donc été établi en s’appuyant également sur des données issues des programmes de réintroduction d’autres espèces de carnivores, notamment le lynx d’Europe (Lynx lynx), ainsi que le loup (Canis lupus) et l’ours (Ursus arctos).

Le choix de la zone de réintroduction répond à des critères précis

Selon l’UICN, les zones choisies doivent faire partie de l’aire de distribution historique de l’espèce. Il convient néanmoins de chercher un périmètre où il ne reste aucun individu. Dans le cas contraire, il s’agit d’un renforcement de population, potentiellement dangereux (introduction possible d’agents pathogènes, concurrence entre individus, perturbation de la structure sociale, etc.). Par ailleurs, les facteurs responsables du déclin de l’espèce doivent être maîtrisés au mieux, l’habitat doit être de bonne qualité (végétation, présence de proies en densité suffisante) sur une surface assez importante pour permettre l’établissement d’une population viable, capable de se connecter avec les populations actuelles.

Une analyse multifactorielle a permis de sélectionner les endroits où auront lieu les premières réintroductions de lynx : la vallée du fleuve Guadalmellato (province de Cordoue) et celle du fleuve Guarrizas (province de Jaen), situées en Andalousie. L’habitat, bien que compatible avec l’établissement de populations, y sera néanmoins amélioré pour augmenter la capacité de charge. La faune qui peuple ces zones sera soumise à un contrôle sanitaire.

Une réintroduction favorablement accueillie par les populations locales

L’enthousiasme et le soutien manifestés par la population dans les secteurs retenus représentent une composante qui conditionne largement la réussite du programme. Une campagne de communication et d’éducation sur le lynx a été initiée pour favoriser l’implication des habitants et expliquer les étapes de la réintroduction. Il faut notamment les préparer au fait qu’un grand nombre d’individus ne survivront pas, comme dans tout programme de réintroduction, pour ne pas perdre leur confiance et leur appui dès que la mort d’un individu sera constatée.

Une fois les aires choisies, il convient de déterminer les animaux à libérer. Selon une étude(1), 31 % des projets de réintroduction à partir d’individus sauvages sont couronnés de succès, au lieu de 13 % seulement lorsqu’ils sont nés en captivité. Cette différence s’explique par deux facteurs principaux : les comportements naturels moins développés et l’immunité moindre des animaux d’élevage. Cependant, pour le lynx ibérique, le faible nombre d’individus sauvages a conduit à recourir à l’élevage. La stratégie adoptée consiste à lâcher des individus extraits des populations sauvages dans un premier temps, afin d’optimiser les chances de fixation, avant de libérer des animaux de la population captive, en espérant que les implantations seront ensuite favorisées par l’attraction conspécifique. Chaque lynx subira un contrôle sanitaire. Une phase d’entraînement dans des conditions de semi-liberté sera en outre organisée pour ceux issus du centre d’élevage, dans le but de vérifier leurs aptitudes de survie. La méthode de lâcher dite “douce” sera ensuite employée. Elle consiste à libérer d’abord les animaux dans un enclos, avant de l’ouvrir pour une libération complète. Le suivi s’effectue grâce à des colliers radio-émetteurs.

Les réintroductions débuteront à l’automne prochain. Le nombre de lynx libérés chaque année sera adapté selon les premiers résultats observés. Dans ce cadre, il conviendra de distinguer le succès à l’échelle individuelle (étude du taux de survie des animaux lâchés) du succès à l’échelle populationnelle (obtention d’une population autosuffisante, où les naissances compensent la mortalité). D’ici là, le programme d’élevage devrait être capable de fournir entre vingt et quarante lynx chaque année. Les initiateurs du projet espèrent pouvoir initier la réintroduction dans d’autres zones entre 2013 et 2017.

  • (1) K. Jule, L. Leaver, S. Lea : « The effects of captive experience on reintroduction survival in carnivores : a review and analysis », Biological conservation, 2007, n° 141, pp. 355-363.

  • Source : J. Brackman : « Le lynx ibérique (Lynx pardinus) : une espèce menacée. Etude du programme de conservation de l’espèce en Andalousie (Espagne) », thèse vétérinaire, Alfort 2009.

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