Quelles sont vos relations avec les pharmaciens ?

Nous avons besoin les uns des autres

J’ai la chance d’être située dans un quartier où tous les commerçants et les professionnels médicaux s’entendent bien. Mes bonnes relations avec la pharmacie permettent des échanges constructifs. Lorsque cela est nécessaire, ils m’envoient les clients qui veulent acheter des traitements sans ordonnance. Ils commandent également les produits dont j’ai besoin et me les livre si je suis seule. Cela ne nous empêche pas d’être concurrents sur certains médicaments comme les antiparasitaires. Mais j’ai la chance qu’ils ne fassent pas d’opérations promotionnelles sur ces produits !

Malheureusement, tous les pharmaciens ne sont pas aussi respectueux et certains délivrent des produits sans ordonnance. Quel praticien n’a jamais reçu un chien traité au Fradexam® sur un ulcère cornéen, ou un chat traité avec des perméthrines achetées en officine (un pharmacien m’a avoué avoir indiqué à un propriétaire que cela pouvait être dangereux et qu’il ne fallait pas en mettre beaucoup… mais le chat est mort) ? Je suis surtout étonnée de la réaction des personnes, qui n’en veulent pas au pharmacien… Au pire, ils demandent juste à être remboursés des frais vétérinaires !

Je pense que les deux professionnels devraient être partenaires. Nous avons besoin d’eux pour nous procurer certains produits non spécifiquement vétérinaires et ils ont besoin de nous pour établir un diagnostic afin de vendre certains produits. Mais chacun essaie de défendre son bifteck, sans respecter les règles (et je ne suis pas un ange non plus !). Au final, il risque d’y avoir un perdant et ce sera certainement notre profession !

Une impossible entente

Je hais les pharmaciens, à quelques rares exceptions près ! Pendant une quinzaine d’années, j’ai pris un énorme plaisir à jouer au docteur Carter. Je me sentais même investi d’une mission de salubrité publique : à moi de faire en sorte que les kikis niçois ne mangent pas d’hormone dangereuse, d’empêcher l’apparition d’antibiorésistance par l’utilisation raisonnée des antibiotiques dans le traitement des pyodermites, d’éduquer ma clientèle à ne pas rejeter dans la nature n’importe quel organophosphoré. Et j’étais certain que les acteurs de la santé humaine soutiendraient mon combat… Puis les expériences, agaçantes d’abord, énervantes ensuite et insupportables enfin m’ont fait changer d’avis. « Ce n’est pas grave, je l’achèterai en pharmacie » : combien de fois avons-nous entendu cette phrase lorsque mes auxiliaires, bien éduquées, refusent la vente d’un antibiotique au comptoir ? « Votre pharmacien, le seul spécialiste de la santé de votre chien » : ce slogan est affiché dans la vitrine de mon voisin, le même qui prescrit des vermifuges contre les oxyures que le chat de la maison risque de transmettre…

Le marché du médicament vétérinaire canin ne représente pas grand-chose pour un pharmacien, mais il est indispensable à la survie de la plupart de nos structures. En rurale, les volumes générés créent des appétits qu’un lobbying efficace risque de satisfaire un jour. Nous ne pourrons nous opposer à cette dérive qu’en unissant nos forces. En la matière, les pharmaciens ont de belles leçons à nous donner.

Le vétérinaire exerce un métier qui fait rêver la plupart des petites filles. En connaissez-vous beaucoup qui ambitionnent de passer leur vie derrière un comptoir ? L’explication de l’impossible entente entre nos professions se trouve peut-être dans la réponse à cette question.

C’est un véritable partenaire

Je considère le pharmacien comme un véritable partenaire plutôt que comme un concurrent dans le circuit de la santé animale. J’exerce dans un quartier parisien où les commerces et les services de proximité de toute nature sont nombreux. Le fait de se rendre dans une officine, qui se trouve à deux pas, pour y retirer des médicaments de médecine humaine prescrits en consultation n’est donc pas vécu comme une contrainte par la plupart de mes clients. Il règne autour de ma clinique une vraie “vie de quartier” : tous les commerçants, les artisans et les professions libérales se connaissent bien et entretenir de bonnes relations avec les pharmaciens environnants me semble le gage de bénéfices réciproques. Il paraît que beaucoup de nouveaux propriétaires d’animaux prennent conseil auprès de leur pharmacien pour choisir un praticien.

Il m’arrive même assez souvent de prescrire des médicaments vétérinaires à acheter en pharmacie lorsque je suis en rupture de stock ou quand le coût élevé de certains traitements risque de trop alourdir la note d’honoraires. Je préfère alors valoriser et facturer au juste prix certains actes plutôt que d’être tenté d’en diminuer le tarif pour alléger une facture globale incluant un traitement onéreux.

De manière générale, je trouve assez malsain, sur le plan comptable, qu’une trop grande part du chiffre d’affaires réalisé dans une clientèle soit liée à la vente de produits (médicaments et/ou aliments) plutôt qu’à la facturation d’actes médico-chirurgicaux.

Concernant ma “seconde casquette” de consultant en médecine et en chirurgie des reptiles, il m’est également indispensable de prescrire certains médicaments de médecine humaine dont la galénique ne trouve pas son équivalent dans le circuit vétérinaire.

Au final, je pense que ce partenariat avec les officines n’est pas de nature à menacer ou à dévaloriser le statut de propharmacien du vétérinaire.