Cas clinique de pathologie de la reproduction
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Stephan Mahler
Fonctions : consultant en chirurgie à Acigné (Ille-et-Vilaine).
Cette anomalie congénitale se traduit par la présence de gonades normales, mais d’organes sexuels externes qui ressemblent à ceux de l’autre sexe.
Une chienne springer spaniel de huit mois est présentée en consultation pour incontinence urinaire, depuis son adoption à l’âge de trois mois. Le propriétaire a constaté qu’elle urine principalement par un petit orifice médian périnéal, ventral à l’anus. La miction est volontaire et consciente. Malgré une position normale pendant la miction, le jet d’urine part vers le haut et mouille systématiquement la queue. Une incontinence urinaire est notée, en particulier quand la chienne est couchée : l’urine sort alors principalement par la vulve, de manière passive et inconsciente.
L’examen clinique montre une vulve de petite taille, localisée plus ventralement que la normale. Son aspect évoque l’extrémité distale d’un fourreau de mâle dans lequel un petit pénis/clitoris peut être partiellement extériorisé. Un orifice est visible dans le plan médian, juste sous l’anus, par lequel sort de l’urine (voir photo 1). La queue est mouillée par l’urine. La palpation abdominale et le reste de l’examen clinique sont normaux.
Un examen clinique sous anesthésie permet d’extérioriser un petit pénis/clitoris, dans lequel un os est palpé. Le pénis/clitoris peut être cathéterisé par une sonde urinaire pour chat et de l’urine est recueillie. Par ailleurs, le cathéter ne peut pas être avancé autour du pénis/clitoris, ce qui confirme qu’il s’agit d’un prépuce et non d’une vulve. Un cathéter introduit par la fistule périnéale permet également de recueillir de l’urine. Il est en outre possible de faire ressortir le cathéter introduit par le pénis/clitoris via la fistule périnéale. Une radiographie avec un produit de contraste est réalisée : l’urètre “pénien” est obstrué, pendant qu’un produit de contraste est injecté par la fistule périnéale (20 ml d’Iopamiron® 300). Le cliché est pris à la fin de l’injection. L’image ainsi obtenue confirme que l’urètre “pénien” communique avec une courte fistule vestibulo-périnéale. Le vagin apparaît légèrement dilaté (voir photo 2).
La chienne est placée en position de chirurgie périnéale (décubitus sternal avec l’arrière-train surélevé). Une suture en bourse de l’anus est réalisée pour prévenir les risques de contamination. Des cathéters sont introduits dans l’urètre et la fistule pour les repérer plus facilement au cours de la dissection (voir photo 3). Une incision médiane de la peau et du tissu conjonctif sous-cutané est effectuée, de la portion dorsale du fourreau jusqu’à la portion ventrale de l’ouverture périnéale de la fistule. La totalité du pénis/clitoris est ainsi accessible (voir photo 4). L’urètre “pénien” est incisé le long de son bord dorsal en direction du vestibule, et la fistule est incisée le long de son bord ventral (voir photo 5). Les deux incisions se rejoignent au niveau du vestibule. Le méat urinaire est localisé et une sonde urinaire est placée dans la vessie. Pour reconstruire le vestibule, les incisions de l’urètre “pénien” et de la fistule sont suturées ensemble (voir photo 6), à droite et à gauche, avec un surjet simple (Monocryl® déc. 2). L’extrémité distale du pénis/clitoris est amputée. Le vestibule ainsi reconstruit est suturé à la peau à l’aide de points simples, avec le même fil (vestibulostomie). Le tissu conjonctif et la peau sont suturés de la même manière que lors d’une épisiotomie (Monocryl® et Ethilon® déc. 2). La “vulve”, ventrale à la vestibulostomie, ne communique donc plus avec le vestibule (voir photo 7 en page 40).
Aucune complication postopératoire n’est constatée. La chienne urine normalement le lendemain de l’intervention, avec un jet d’urine dirigé ventralement. La queue n’est pas souillée et la chienne est complètement continente. Il est suggéré aux propriétaires de la faire stériliser, mais ils refusent. L’animal présente des périodes de chaleurs qui suggèrent que ses organes génitaux internes sont normaux.
Le pseudo-hermaphrodisme est une anomalie congénitale de la différenciation sexuelle qui se caractérise par la présence de chromosomes sexuels et de gonades (testicules ou ovaires) normaux, mais associés à des organes génitaux externes ressemblant à ceux de l’autre sexe. A l’inverse, l’hermaphrodisme vrai se définit par la présence, chez un même individu, d’un appareil génital femelle et mâle (testicules et ovaires), correspondant à une ambiguïté sexuelle.
Chez un mâle génétique, le développement des organes génitaux externes dépend normalement des androgènes sécrétés par le testicule embryonnaire, mais ce type de développement peut aussi se produire chez une femelle génétique. Le syndrome qui en résulte est le pseudo-hermaphrodisme femelle. Le sujet est porteur de glandes génitales femelles (ovaires) bien différenciées, mais ses organes génitaux externes sont proches des organes génitaux mâles. Ils sont virilisés à des degrés variables et se caractérisent en particulier par un clitoris péniforme.
Le pseudo-hermaphrodisme femelle s’explique par une imbibition hormonale mâle pendant la gestation (administration d’androgènes à la femelle gestante) ou une hyperplasie surrénalienne congénitale. L’hypospadias (ouverture de l’urètre au niveau de la face inférieure du clitoris ou du scrotum) est décrit chez la femme, en particulier lors de pseudo-hermaphrodisme féminin. La fistule vestibulo-périnéale décrite ici peut être comparée à un hypospadias. Cette anomalie est rare chez le chien. Seulement quatre cas similaires sont décrits chez des chiennes durant les quarante dernières années. Le pseudo-hermaphrodisme mâle existe également. Il se caractérise par le développement d’organes génitaux femelles chez des mâles génétiques. Il peut survenir quand les testicules de l’embryon sont anormaux ou lors de résistance aux androgènes, qui ne peuvent alors exercer leur plein effet sur les tissus. Les mâles génétiques qui présentent ce syndrome ont des organes génitaux internes femelles (voir photos 8 et 9 en page 40).
Dans le cas décrit, le principe de la chirurgie a consisté à fusionner l’urètre et la fistule vestibulo-périnéale. L’option de sacrifier la fistule en conservant l’urètre “pénien” n’a pas été retenue, car cet urètre était trop étroit, à l’origine d’une résistance à l’évacuation de l’urine. En abouchant ce vestibule à la peau, dans une position plus physiologique, le jet d’urine est dirigé ventralement et les souillures de la queue ne se produisent plus. Idéalement, pour des raisons esthétiques, il aurait été souhaitable de faire aboucher le vestibule dans le prépuce. La mobilisation de la fistule vestibulo-périnéale étant limitée, l’auteur a estimé qu’il n’était pas possible de le faire. Comme après une urétrostomie périnéale chez le chat, le risque d’infection urinaire ascendante n’est pas négligeable et doit être évoqué avec le propriétaire. La stérilisation des animaux qui présentent des malformations urogénitales externes est à proposer en raison des malformations possibles des organes génitaux internes. Lors de refus, les propriétaires doivent être avertis des risques de traumatismes de la région périnéale en cas de saillie.
Les malformations urogénitales ne sont pas fréquentes en médecine vétérinaire et les cas de pseudo-hermaphrodisme passent parfois relativement inaperçus, en particulier lorsque les organes génitaux externes sont peu modifiés. Il est donc difficile d’en connaître l’incidence réelle (voir photo 10).
Bibliographie sur WK-Vet.fr, rubrique “Compléments d’articles”.
• Giovanna Bassu et coll. : « Un cas d’hermaphrodisme chez un bulldog anglais », PV n° 256, 2005.
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