Eric Clua, vétérinaire et plongeur, réalisateur et spécialiste en écologie marine
Éclairage
PORTRAIT
Auteur(s) : Michel Bertrou
Notre confrère est responsable d’un programme de conservation des récifs coralliens.
Inspecteur en chef de la santé publique vétérinaire, Eric Clua (T 89) colle mal à l’image habituelle du vétérinaire ou du fonctionnaire. Passionné de biologie sous-marine, il fait partie des confrères dont le parcours atypique élargit nos horizons professionnels, en particulier vers l’écologie contemporaine, où les vétérinaires tardent à prendre leur place.
Basé à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, il dirige et coordonne le Coral Reef InitiativeS for the Pacific (Crisp), un programme international de protection et de gestion des récifs coralliens lancé par la France en 2005. Il est également membre du nouveau secrétariat de l’International Coral Reel Initiative(1) (Icri), « l’Onu des récifs coralliens ». En complément de ces missions, il pratique assidûment la plongée, ainsi que la prise de vue sous-marine, et réalise des films. C’est également un chercheur actif en écologie marine et un spécialiste des requins…
Lorsqu’il sort de l’école de Toulouse en 1989, ce fils de vétérinaire mixte du Gers, né « dans le foie gras et le rugby », s’oriente vers l’économie. Il fait l’Essec, option stratégie et gestion d’entreprise. C’est au service national, qu’il effectue en coopération à La Dominique, qu’il doit la révélation des “tropiques”. Une fois revenu à la vie civile, il se présente au concours externe de la fonction publique et devient chef du programme d’élevage auquel il a coopéré. Au cours des deux années suivantes, qu’il passe aux petites Antilles, il est amené à concevoir un projet de réserve marine. Concilier sa profession avec sa passion pour la mer est donc possible. Ce sera désormais un objectif. En mission en Mauritanie, il prépare un DEA d’ichtyologie par correspondance. Il réintègre ensuite le ministère de l’Agriculture en 2000, en pleine crise de la “vache folle”. C’est également celle de l’Erika, durant laquelle il constate la carence d’expertise en biodiversité marine. Il saisit l’opportunité de poursuivre sa formation par la recherche et demande à être détaché pour passer une thèse d’université en écologie marine. Alors qu’il prépare sa soutenance, l’Agence française du développement (AFD) fait appel à lui pour monter le projet du Crisp. A son lancement, il en devient le chef de programme. Sa mission, initialement prévue pour trois ans, est prolongée jusqu’à fin 2010.
Parallèlement à son rôle de coordination et de représentation internationale, notre confrère garde une palme sous l’eau et poursuit des activités de recherche, sur les requins en particulier, mais pas uniquement. Récemment, des travaux auxquels il a collaboré ont identifié un hermaphrodisme inédit et pratique chez le mérou. Ce serranidé serait doté d’un ovaire qui lui permettrait, selon les besoins, d’être femelle ou mâle, de façon réversible…
Sa double casquette de conseiller scientifique et d’opérateur de prises de vue conduit aussi Eric Clua à être souvent sollicité pour des tournages sous-marins(2). Il a lui-même réalisé un film qui met en relief la dramatique agonie d’une baleine bleue. Ce court-métrage saisissant a été primé au festival de l’image sous-marine d’Antibes, en 2002.
Pour notre confrère, le métier de vétérinaire ne doit pas se cantonner à un rôle médical et technique. La formation est bonne, mais gagnerait à intégrer les fondamentaux de l’écologie.
(1) La France, qui possède environ 50 000 km2 de récifs et de lagons sur 600 000 km2 dans le monde, a pris en charge le secrétariat de l’Icri en août 2009. Fonction qu’elle occupera jusqu’en 2011.
(2) Il a notamment participé aux documentaires Les requins : nettoyeurs du lagon (Canal +, 2003) et Eric et les requins (Thalassa, France 3, 2009).
(3) 350 millions d’années.
(4) Seulement trois requins sont actuellement inscrits sur la liste de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites).
« S’il est minuit et que l’on résume la vie sur terre à une seule journée, les dinosaures ont vécu entre treize et vingt heures, Lucie est née il y a dix minutes, l’homme contemporain il y a à peine deux centièmes de seconde. Les requins, eux, existent depuis sept heures du matin. » C’est ainsi qu’Eric Clua présente la formidable longévité des requins(3). « Ils sont dotés d’un système immunitaire incroyable, ajoute-t-il. Ils cicatrisent rapidement, ne développent pratiquement jamais de cancer. » Mais force est de reconnaître qu’ils sont aujourd’hui menacés. La vogue actuelle pour la soupe d’ailerons dans le sud-est asiatique a entraîné des dépeuplements alarmants. « Contrairement aux autres poissons, les requins se reproduisent lentement, insiste notre confrère. Cette pêche sauvage met en péril toute la stabilité des écosystèmes. » A Hawaï par exemple, la raréfaction des requins aurait entraîné une multiplication des raies, responsable d’une disparition des coquilles Saint-Jacques. Une autre étude montre que la pression prédatrice des requins, paradoxalement, encouragerait la multiplication des poissons. « Plus il y a de requins, plus il y a de poissons. Il est nécessaire de comprendre leur rôle écologique moteur et la nécessité de mieux les protéger au niveau mondial(4). »
S’il arrive à notre confrère d’intervenir en public pour sensibiliser au rôle et à la vulnérabilité de ces prédateurs, il les côtoie régulièrement sous l’eau pour ses recherches, s’intéressant à l’écologie des espèces récifales en Polynésie comme aux migrations des grands requins en Nouvelle-Calédonie.
Récemment, après avoir posé une balise satellitaire sur un requin tigre, Eric Clua a eu la surprise de découvrir que ce dernier, pourtant habituellement côtier, avait accompli un périple de 2 800 km entre la Nouvelle-Calédonie et l’Australie, en trois semaines. Alors qu’il venait de soumettre aux pouvoirs publics le projet d’une aire marine protégée transfrontalière (qui serait aussi la plus vaste du monde) reliant les barrières de corail calédonienne et australienne, une preuve magistrale de la connectivité de ces deux grands sites naturels s’est ainsi offerte au scientifique.
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