La protéinurie est un bon élément de pronostic de l’insuffisance rénale - La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009

Médecine fondée sur les preuves

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Associée à la connaissance du stade de l’IRC, de la phosphorémie, de la calcémie ionisée, de l’anémie et de l’hypertension artérielle, elle permet de formuler un pronostic précis chez le chien.

Les preuves bibliographiques qui permettent de formuler un pronostic lors d’insuffisance rénale aiguë sont faibles. Qu’elle soit postrénale ou prérénale, le pronostic est favorable si le débit de filtration glomérulaire est rapidement rétabli. Ainsi, une étude (voir bibliographie 1) indique que si une obstruction urétérale persiste au-delà de quatorze jours, le taux de survie n’est plus que de 50 %. En revanche, le pronostic de l’insuffisance rénale aiguë parenchymateuse est défavorable dans 60 % des cas. Parmi les survivants, 60 % développent une insuffisance rénale chronique. L’ingestion d’éthylène glycol entraîne le décès dans 95 % des cas, tandis que l’infection leptospirosique (excepté le sérovar Pomona) se conclut par une guérison dans 80 % des cas (versus 50 % avec Pomona).

Concernant l’insuffisance rénale chronique, lorsque le syndrome urémique apparaît, l’évolution est défavorable. « Combien de temps mon animal va vivre ? » est une question fréquente des propriétaires d’animaux atteints de maladies rénales chroniques. L’enjeu pour le vétérinaire est d’être capable de fournir une durée de survie chiffrée et de souligner les éléments clés de la prise en charge (par exemple normaliser la phosphatémie). L’intérêt est d’améliorer la communication entre les propriétaires et le vétérinaire et de pouvoir justifier l’investissement financier et émotionnel, ainsi que les choix thérapeutiques.

La classification Iris permet d’affiner le pronostic

Les données sont beaucoup plus importantes dans l’espèce féline. Parmi les éléments dont le praticien dispose (épidémiologie, tableau clinique, biochimie, étiologie, complications), certains permettent d’orientet le pronostic.

La médiane de survie des chats atteints d’insuffisance rénale chronique varie, selon les études, entre 319 jours (260 à 810) et 771 jours (650 à 910). Certaines ont mis en évidence une corrélation entre la créatininémie et la durée de survie. Chez le chien, cette dernière est de 461 jours pour une créatininémie comprise entre 20 et 32 mg/l. Elle passe à 252 jours lorsqu’elle dépasse 37 mg/l. Avec une alimentation de soutien rénal, la durée de survie pour une créatininémie comprise entre 20 et 32 mg/l passe à 615 jours (voir bibliographie 6).

La classification Iris (International Renal Interest Society), qui existe depuis une dizaine d’années, repose sur les valeurs de créatinine plasmatique. Deux études (voir bibliographie 2 et 3), menées sur des animaux atteints d’insuffisance rénale chronique, montrent que cette classification permet d’affiner les informations sur la médiane de survie (voir tableau 1).

La créatininémie et l’hyperphosphorémie sont de bons indicateurs chez le chat

Pour le chat, après une correction de la déshydratation, la médiane de survie varie peu pour les stades II et III. En revanche, lors de stade IV, deux cas se présentent : soit la réhydratation permet de passer à un stade inférieur avec une médiane de survie augmentée, soit les animaux restent au stade IV et leur médiane de survie est drastiquement diminuée. La valeur de la créatinémie constitue donc un élément pronostique intéressant.

Concernant l’urée, les résultats sont similaires, avec une médiane de survie profondément diminuée (cinquante jours) pour les animaux dont l’urémie est supérieure à 2,4 g/l. Parallèlement, l’impact de la protéinurie a été évalué comme valeur pronostique. Dans l’espèce féline, la valeur normale du rapport protéines urinaires/ créatinine urinaire (PU/CU) est revue à la baisse. S’il était admis auparavant qu’un PU/CU normal était inférieur à 1, il est actuellement considéré normal en dessous de 0,2 et à surveiller lorsqu’il est compris entre 0,2 et 0,4 (voir tableau 2). Ce rapport est corrélé à la médiane de survie (risque mortel trois fois supérieur lorsque le PU/CU est supérieur à 1). La détection d’une protéinurie urinaire a une valeur pronostique indéniable.

Parmi les complications de l’insuffisance rénale chronique, l’hyperphosphorémie est indiscutablement un élément intéressant dans l’établissement du pronostic chez le chat (voir tableau 3 en page35). S’il existe une dépendance incontestée entre la créatininémie et la protéinurie, celle entre la créatininémie et la phosphorémie est discutée. Ainsi, le taux de phosphore ne peut être prédit à partir de la seule valeur de la créatininémie. Des études (voir bibliographie 4) montrent que la mesure de la calcémie totale n’est pas un facteur prédictif. Les dosages de la calcémie ionisée, éventuellement de la PTH ou du calcitriol, pourraient être des éléments intéressants, mais difficilement applicables au quotidien.

Un pronostic encore plus ardu chez le chien

Les études sur les éléments pronostiques de l’insuffisance rénale chronique sont moins courantes chez le chien par rapport au chat, ce qui complique le pronostic. Atteint par cette affection, le chien vit moins longtemps que le chat. La médiane de survie au stade III est de 160 jours (versus 770 jours chez le chat). La protéinurie est, dans cette espèce, également un élément pronostique majeur. Quand le rapport PU/CU est supérieur à 1, la médiane de survie est de 230 jours. Les chiens qui présentent une glomérulopathie vivent moins longtemps que ceux atteints de néphropathie tubulo-interstitielle. Le stade de l’insuffisance rénale chronique, la protéinurie, l’hyperphosphorémie, la diminution de la calcémie ionisée, l’anémie et l’hypertension artérielle chez le chien sont des facteurs qui permettent de formuler un pronostic précis.

Pas de corrélation entre hypertension artérielle et durée de survie chez le chat

Aussi surprenant que cela puisse paraître, les études montrent que l’hypertension artérielle n’a pas de valeur pronostique chez le chat, à la différence du chien (si elle est comprise entre 161 et 201 mm Hg, la médiane de survie est de 160 jours dans cette espèce).

La présence d’une anémie arégénérative ou hyporégénérative normochrome normocytaire, liée à un défaut de synthèse de l’érythropoiétine, diminue la médiane de survie aussi bien chez le chien que chez le chat. Pour l’acidose et l’hypokaliémie, le risque relatif de survenue d’un événement défavorable ne semble pas modifié selon les études. Ainsi, si ces troubles électrolytiques sont des facteurs de morbidité et nécessitent une prise en charge, ils ne modifient pas à long terme la durée de survie. Il est impossible de conclure sur les infections urinaires, fréquentes lors d’insuffisance rénale chronique dans l’espèce féline, car ce facteur n’a pas été évalué.

L’épidémiologie et la clinique sont insuffisantes au pronostic

L’âge, la race et le sexe n’ont pas d’influence sur le pronostic. De même, il n’y a pas de modification du risque relatif de survenue d’un événement défavorable concernant les signes cliniques. Par exemple, un animal atteint d’une insuffisance rénale chronique qui vomit n’a pas plus de risque de mourir de sa maladie rénale qu’un animal qui ne vomit pas. Pour la perte de poids, les études sont divergentes, mais quand elle atteint 25 % par rapport au poids initial, elle est considérée par certains auteurs comme un élément pronostique défavorable.

Le soutien nutritionnel est la base du traitement de l’IRC

L’alimentation de soutien de la fonction rénale, chez le chien comme chez le chat, est le traitement de l’insuffisance rénale chronique qui a démontré le plus de preuves quant à son efficacité. Elle agit notamment sur le taux de phosphore. Les données publiées sur l’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) chez le chat, dans le cadre de l’insuffisance rénale chronique (placebo versus bénazépril) n’ont pas montré de modification de la durée de survie entre les animaux du groupe placébo et ceux du groupe bénazépril. En revanche, une amélioration de la durée de survie est constatée pour les chats et les chiens atteints d’une protéinurie. En outre, un gain de poids et une amélioration de l’état général sont notés chez tous les animaux qui ont reçu le bénazepril.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – E.D. Vaughan Jr, J.Y. Gillenwater : « Recovery following complete chronic unilateral ureteral occlusion : functional, radiographic and pathologic alterations », J. Urol., 1971, n° 106, pp. 27-35.
  • 2 – L.M. Boyd, C. Langston, K. Thompson, K. Zivin, M.J. Imanishi : « Survival in cats with naturally occurring chronic kidney disease (2000-2002) », Vet. Intern. Med., 2008, vol. 22, pp. 1 111-1 117.
  • 3 – J.N. King, S. Tasker, D.A. Gunn-Moore, G. Strehlau : « Prognostic factors in cats with chronic kidney disease », benazepril in renal insufficiency in cats (Benric), Study Group, J. Vet. Intern. Med., 2007, vol. 21, pp. 906-916.
  • 4 – P.J. Barber, J. Elliott : « Feline chronic renal failure : calcium homeostasis in 80 cases diagnosed between 1992 and 1995 », J. Small Anim. Pract., 1998, vol. 39, pp. 108-116.
  • 5 – H.M. Syme, P.J. Markwell, D. Pfeiffer, J. Elliott : « Survival of cats with naturally occurring chronic renal failure is related to severity of proteinuria », J. Vet. Intern. Med., 2006, vol. 20, pp. 528-535.
  • 6 – F. Jacob, D.J. Polzin, C.A. Osborne, T.A. Allen, C.A. Kirk, J.D. Neaton, C. Lekcharoensuk, L.L. Swanson : « Clinical evaluation of dietary modification for treatment of spontaneous chronic renal failure in dogs », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2002, vol. 220, n° 8, pp. 1 163-1 170.

Définitions de l’insuffisance rénale

L’insuffisance rénale est une anomalie fonctionnelle définie par une diminution du débit de filtration glomérulaire.

• Dans l’insuffisance rénale aiguë (IRA), la diminution du débit de filtration glomérulaire est potentiellement réversible. Elle est due à une hypovolémie (IRA prérénale), une obstruction des voies excrétrices (IRA postrénale) ou à une IRA parenchymateuse (par exemple, intoxication, leptopsirose).

• Dans l’insuffisance rénale chronique (IRC), la diminution du débit de filtration glomérulaire est irréversible. Elle est évolutive et toujours associée à une néphropathie (néphrite tubulo-interstitielle, glomérulopathie, néphropathie juvénile, lymphome, etc.).

G. O.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

L. Colliard, J.-C. Desfontis, C. Médaille, D. Péchereau : « L’insuffisance rénale chronique en questions », PV n° 275, mai 2007.

CONFÉRENCIÈRE

Christelle Maurey, maître de conférences, unité de médecine de l’ENV d’Alfort.

Article rédigé d’après la conférence « Pronostic de l’insuffisance rénale : état des preuves », présentée lors du congrès de l’Afvac 2008, à Strasbourg.

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