Les épizooties de botulisme se déclenchent selon les conditions du milieu - La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009

Médecine aviaire

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Lorenza Richard

L’épisode qui a décimé les oiseaux du lac de Grand Lieu en 1995 a permis d’étudier ses conditions d’apparition.

Grand Lieu (Loire-Atlantique), le plus grand lac de plaine de France métropolitaine, a été le cadre d’une épizootie de botulisme en 1995, qui a touché trente-six espèces d’oiseaux, surtout des anatidés (des canards col-vert et des sarcelles d’hiver à 73 %(1)). Clostridium botulinum est une bactérie tellurique qui vit à l’état naturel dans l’intestin des oiseaux. Alors qu’il existe sept types de toxine, seul le type C a été à l’origine de la contamination de tous les oiseaux à Grand Lieu. Le type E, issu des poissons, ne touche que les piscivores. Toutefois, la mortalité des laridés (goélands, guifettes, etc.) et des autres oiseaux piscivores était également due au type C lors de cette épizootie. Les nécrophages, plus résistants, mais susceptibles d’être affectés par une concentration importante de toxine, ont également été touchés. Ainsi, « la mortalité des busards des roseaux a été estimée à 90 %(2) », a souligné Sophie Le Dréan-Quénec’hdu, praticienne à Mélesse (Ille-et-Vilaine), lors des journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV) organisées à Nantes en mai dernier.

C. botulinum se multiplie en anaérobiose et sécrète la toxine botulique. Les cadavres sont des sources de contamination pour les autres oiseaux et l’environnement. En outre, les invertébrés nécrophages (asticots) concentrent la toxine et infectent à leur tour les canards qui les ingèrent. Un faible niveau d’eau et l’augmentation de matière organique favorisent l’anoxie du milieu, donc la multiplication des bactéries. Par ailleurs, alors que la température minimale de toxinogenèse du type C est de 20 à 23 °C (la croissance est maximale entre 30 et 37 °C), « le faible niveau d’eau favorise le réchauffement du sédiment, lieu où se trouvent principalement les clostridies ». Le lac de Grand Lieu, peu profond et entouré de vasières, dont certaines zones sont recouvertes de nénuphars qui « provoquent l’anoxie au niveau de la surface de l’eau ou du sol », présente donc des conditions favorables à la multiplication des bactéries.

La bactérie est présente dans les sédiments, même en l’absence d’épizootie

Sophie Le Dréan-Quénec’hdu a participé à deux études, en 2001 et 2003, « visant à cartographier la présence de la bactérie ». Plusieurs paramètres (niveau d’eau ; teneur en oxygène dans l’eau de surface, en profondeur et dans la vase ; pH, potentiel redox et teneur en matière organique de la vase) ont été évalués et des échantillons de vase ont été envoyés à l’Institut Pasteur pour « rechercher les bactéries et leurs toxines ». Cela a mis en évidence que « la bactérie est présente dans les sédiments, même en l’absence d’épizootie ».

La flambée de botulisme observée en 1995 avait été expliquée par une hypereutrophisation du lac cette année-là. « Il y avait beaucoup de nénuphars, le niveau d’eau était très bas dès le printemps, la chaleur importante dès le mois de mai. La densité animale était importante, tout comme celle de cadavres, en raison d’une opération de destruction des ragondins. » Des précipitations importantes survenues l’hiver ont lessivé les bassins versants et peut-être mis en suspension les sédiments, augmentant le risque d’une flambée botulinique en été.

L’oxygénation de l’eau est l’une des mesures prophylactiques instaurées

Des mesures ont été mises en œuvre à la suite de ces conclusions, pour éviter une nouvelle flambée. Elles consistent à augmenter le niveau de l’eau (pour favoriser son oxygénation et diminuer la température des sédiments) et à retirer les matières organiques dans les secteurs à risque (eau basse, envasés et où les oiseaux vont préférentiellement). Néanmoins, « le botulisme peut survenir dans des sites parfaitement oxygénés si les microconditions locales le permettent (cadavres). A contrario, la présence de germes et des conditions favorables à la toxinogenèse n’entraînent pas systématiquement une flambée botulinique, car les toxines produites ne sont pas accessibles aux oiseaux ». Ainsi, le ramassage des cadavres et des animaux malades a été proposé, « en effectuant le même trajet sur le lac tous les deux à trois jours dès le mois de juin, ce qui permet également de suivre la mortalité et de limiter les regroupements ».

Après l’épisode de 1995, quelques cas ont été recensés, avec un pic en 2003, année de fortes chaleurs. « La résistance de la toxine au froid explique les résurgences de la maladie année après année, notamment au printemps, avant que les conditions favorables à la toxinogenèse soient réunies, car les oiseaux consomment la toxine de l’année précédente. »

Aujourd’hui, la bactérie persiste dans les sédiments du lac de Grand Lieu. Le risque n’a donc pas disparu, « d’autant que la maladie est présente dans certains secteurs de Loire-Atlantique comme les marais de Goulaine ». Cela montre à quel point le suivi des mesures instaurées est important. « Au niveau de ces espaces naturels, l’enjeu n’est pas nécessairement la santé publique, mais la préservation de la biodiversité. »

Pour Sophie Le Dréan-Quénec’hdu, il reste à déterminer les interrelations entre les différentes zones humides d’une même région. En effet, les années où une épizootie survient au lac de Grand Lieu, la maladie est davantage présente dans différents lacs de la région. Des études sont aussi à mener pour connaître le rôle des autres espèces animales, mammifères et poissons, dans la dissémination de l’affection.

  • (1) L. Marion, S. Reeber : « Impact du retard d’exondation sur l’avifaune du lac de Grand Lieu », rapport Life, Société nationale de la protection de la nature, université de Rennes 1, 1997.

  • (2) L. Marion : « Le botulisme à Grand Lieu : une catastrophe écologique majeure », Le Courrier de la Nature, 1995, n° 154, pp. 18-23.

CONFÉRENCIÈRE

Sophie Le Dréan-Quénec’hdu, praticienne à Mélesse (Ille-et-Vilaine).

Article rédigé d’après la conférence « Un exemple de botulisme aviaire dans la faune sauvage », présentée aux journées nationales des GTV à Nantes, en mai 2009.

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