La castration n’est pas la panacée lors d’agressivité - La Semaine Vétérinaire n° 1385 du 18/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1385 du 18/12/2009

Idées reçues en éthologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Elle peut être conseillée chez les chiennes qui présentent des troubles comportementaux au moment des cycles, chez les chiens lors d’agressivité ou en cas de fugues sexuelles.

Des idées reçues autour de la castration fourmillent dans les têtes des clients, au palmarès desquelles le fait de castrer un chien agressif le rend gentil, les chevauchements sont liés à une frustration sexuelle, la castration est la solution pour les chiens fugueurs. La stérilisation est perçue comme une chose facile et simple en réponse à quasiment tous les problèmes de comportement. De plus, il s’agit d’un acte qui permet au propriétaire de se décharger sur le vétérinaire, par une intervention de convenance, et qui lui évite de s’investir dans une thérapie comportementale.

Pourtant, dans les pays anglo-saxons et nordiques, le taux de castration chez le chien est élevé (70 à 80 %), ce qui n’empêche pas les troubles comportementaux, présents avec la même incidence qu’en France. Il convient donc de se poser la question des réelles indications de la castration (agressions, fugues, marquages urinaires, hypersexualité) et des moyens de sa réalisation (médicale ou chirurgicale).

Une résolution des problèmes d’agressivité envers l’homme dans 10 % des cas

L’idée reçue selon laquelle la castration résout les problèmes d’agressivité est étayée par d’anciens travaux qui montrent que, chez l’animal agressif, la testostéronémie est élevée. Cependant, la plupart de ces études sont menées sur des rats, par ailleurs sélectionnés pour être agressifs, ou encore sur des renards ou chez l’homme. En fait, les résultats de ces travaux sont contradictoires et il n’est pas possible de relier de façon linéaire le taux sanguin de testostérone avec l’agressivité.

L’université d’Utrecht a publié les résultats d’études qui concernent l’effet de la castration sur un certain nombre de comportements(1).

Ainsi, lors d’agressions entre chiens mâles, la castration permet une diminution de l’agressivité dans 60 % des cas, essentiellement quand ils se battent en présence d’une femelle. Dans toutes les autres formes d’agressivité, en particulier celles vis-à-vis de la famille et des étrangers, la stérilisation a une efficacité faible (environ 10 %). Elle peut donc être raisonnablement conseillée face à un problème entre mâles en présence d’une femelle, en émettant un certain nombre de réserves, puisque 40 % des chiens resteront agressifs. Pour toutes les autres causes d’agressivité, mieux vaut éviter de s’engager quant au résultat escompté.

En revanche, la castration peut être une solution pour la chienne qui montre des agressions cycliques au moment des chaleurs, vis-à-vis des autres chiens ou des propriétaires. Les grossesses nerveuses, au cours desquelles la chienne affiche une agressivité parfois sévère, en particulier vis-à-vis des enfants, constituent également une indication pour la stérilisation. En outre, le vétérinaire peut la conseiller chez les chiennes qui présentent un syndrome de privation ou d’hypersensibilité/hyperactivité (HS/HA), dans la mesure où ce type d’animal n’est pas apte à la reproduction. Cette indication peut aller à l’encontre d’une autre idée reçue, selon laquelle une chienne avec ce type de trouble comportemental sera “assagie” par la maternité. En réalité, dans le meilleur des cas, les chiots deviennent également hyperactifs, dans le pire, la chienne les tue en jouant avec !

Une efficacité correcte lors de fugues sexuelles

Les fugues constituent le deuxième motif de désir de stérilisation. Selon leur origine, la castration sera ou non indiquée. Lors de fugue sexuelle, occasionnelle, avec un chien qui hurle devant la porte, elle peut être conseillée. Mais d’autres troubles comportementaux s’accompagnent de fugues. Lors de syndrome HS/HA, le chien a besoin d’un territoire tellement vaste que le terrain ou la maison ne lui suffit pas. Dans les troubles de la hiérarchie, le chien s’octroie le droit de sortir du territoire quand bon lui semble. Dans les troubles de l’attachement, certains chiens fuguent pour rejoindre leur propriétaire. Enfin, dans le cadre de certaines phobies, le chien fugue dès qu’il entend, par exemple, un coup de fusil. Dans tous ces cas, les symptômes associés sont à rechercher pour identifier la cause de la fugue, ce qui est généralement aisé. Lors de fugues sexuelles, la castration peut présenter une efficacité correcte (64 % dans l’étude de l’université d’Utrecht). Pour les autres situations, elle est bénéfique dans moins de 16 % des cas.

Une disparition du marquage urinaire dans moins d’un cas sur trois

Les demandes de castration en réponse à des marquages urinaires, en particulier chez le chien mâle, sont également nombreuses. Ces marquages sont souvent liés à deux causes : troubles de la hiérarchie et présence d’une femelle en chaleur à proximité. La castration aboutit à une disparition définitive des marquages urinaires dans moins d’un cas sur trois, ce qui est moins efficace qu’un placebo et encore moins qu’une thérapie comportementale.

L’hypersexualité est souvent liée à la malpropreté, mais pas de façon systématique. Les chevauchements sont des comportements mal supportés par les propriétaires et fréquemment mal interprétés (homosexualité sur des chevauchements entre mâles, manque/besoin de sexualité assouvie, etc.). Il peut exister des causes organiques à cette hypersexualité (leydigomes sécrétants, par exemple). Le test à l’hCG et l’examen des testicules apportent alors des éléments en faveur ou en défaveur de l’indication d’une castration.

Pour les autres cas d’hypersexualité, souvent liés à des troubles hiérarchiques ou à des syndromes HS/HA, la stérilisation n’est pas la solution thérapeutique. Dans ces indications, elle remporte un succès relatif dans moins d’un cas sur deux, avec une disparition totale des chevauchements dans moins d’un cas sur trois.

Castration chimique et chirurgicale n’ont pas toujours le même résultat

Le traitement chimique n’apporte pas forcément la même réponse que le traitement chirurgical. Il est parfois proposé en “test”, avant la castration chirurgicale. Les médicaments progestatifs, comme l’acétate de cyprotérone (Androcur®, présentation humaine) ou l’acétate de delmadinone (Tardak®), possèdent, outre leurs effets périphériques, des effets centraux. L’action sur la libido sera identique à une castration chirurgicale. Cependant, ces progestatifs agissent au niveau central sur les récepteurs dopaminergiques, c’est-à-dire sur les mêmes sites d’action que les neuroleptiques. Ainsi, ils diminuent l’activité motrice de l’animal et peuvent donc avoir pour effet d’amoindrir les manifestations agressives. Il ne s’agit cependant pas de leur action périphérique, mais de leur action centrale, que la castration chirurgicale ne reproduira pas. Un bon résultat de la castration chimique avec ces médicaments ne préjuge pas de l’effet de la castration chirurgicale.

Plus récemment, la desloréline (Suprelorin®) a été mise sur le marché vétérinaire. Elle bloque la production d’hormone lutéinisante (LH) et d’hormone folliculo-stimulante (FSH) grâce à son action centrale hypophysaire. Elle inhibe la sécrétion hormonale avec une diminution complète de la libido au bout de six semaines et pour une durée de six mois. En théorie, ce médicament reproduit les effets d’une castration chirurgicale. Cependant, notre confrère Thierry Habran ne dispose pas, étant donné la nouveauté de ce produit, d’une expérience personnelle suffisante.

Enormément d’idées reçues et fantasques circulent sur les effets de la castration. Elles sont à l’origine de déceptions qui peuvent être aussi importantes que les espoirs nourris. Le vétérinaire doit donc rester réservé. Elle est à conseiller chez les chiennes qui présentent des troubles comportementaux au moment des cycles, chez les chiens lors d’agressivité en présence de femelles, lors des fugues sexuelles. Dans ces indications, le taux d’échec est encore de 40 %. Mieux vaut, en revanche, éviter la castration dans tous les autres cas d’agressivité, en présence du syndrome HS/HA, de fugues ou de destructions issues de troubles comportementaux. Si les propriétaires insistent, il ne faut pas forcément refuser l’intervention, qui peut avoir un effet dans un cas sur quatre. Cependant, il convient d’en nuancer l’efficacité et d’essayer de réaliser une évaluation comportementale préopératoire.

  • (1) R.J. Maarschalkerweerd, N. Enderburg, J. Kirpensteijn, B.W. Knol : « Influence of orchiectomy on canine behavior », Vet. Record, 1997, vol. 140, n° 24, pp. 617-619.

CONFÉRENCIER

Thierry Habran, comportementaliste diplômé des écoles vétérinaires françaises, praticien à Strasbourg (Bas-Rhin).

Article tiré de la conférence : « La castration : pour une prescription raisonnée », présentée lors du congrès de l’Afvac 2008 à Strasbourg.

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

Laurent Kern : « Quelles sont les indications comportementales de la castration ? », PV n° 289, octobre 2008.

  • • O. Ezvan : « Essai d’analyse des dogmes et des poncifs en éthologie canine », thèse de doctorat vétérinaire, Nantes, 2000.
  • • C. Mege, M Marion : « Hypersexualité, castrer ou pas ? », Pratique Vet. Equine, 2008, vol. 43, pp. 224-226.
  • • J.C. Neilson, R.A. Eckstein, B.L. Hart : « Effect of castration on problem behaviors in male dogs with reference to age and duration of behavior », Javma, 1999, vol. 211, n° 2, pp. 180-182.
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