Pathologie digestive du lapin
Formation continue
FILIÈRES
Auteur(s) : Karim Adjou
Toutefois, peu d’entre elles sont identifiées comme des agents pathogènes primaires, à l’exception de Clostridium spiroforme et de Clostridium piliforme.
La pathologie infectieuse représente un poids économique important en élevage industriel de lapins de chair. 25 % des animaux périssent entre la naissance et la vente. Deux syndromes principaux sont habituellement décrits chez le lapin : le syndrome respiratoire, qui domine chez les adultes, et le syndrome digestif, plus répandu chez les lapins en croissance. Pour ce dernier, les clostridies font partie des principales bactéries incriminées, parmi d’autres (Escherichia coli entéropathogènes, klebsielles, etc.). Le lapin peut être porteur de multiples espèces de clostridies. Toutefois, peu d’entre elles sont identifiées comme des agents pathogènes primaires, à l’exception de Clostridium spiroforme et de Clostridium piliforme. Le pouvoir pathogène de Clostridium perfringens chez le lapin est quant à lui toujours sujet à de nombreux débats.
Il s’agit d’une bactérie Gram positif, immobile, anaérobie stricte et capable de sporuler. Son nom vient de sa forme en spirale. Sa pathogénicité est liée à la production d’une toxine binaire. Celle-ci est formée de deux sous-unités indépendantes, Sa et Sb, qui présentent une importante activité cytolytique lorsqu’elles sont associées. Cette toxine détruit la muqueuse digestive et entraîne une entérotyphlite aiguë. Plusieurs événements peuvent favoriser une entérotyphlite (sevrage, transition alimentaire mal conduite, stress, mauvaise hygiène, etc.)
C. spiroforme n’est normalement pas présent dans le tube digestif du lapin sain, mais il est retrouvé en concentration élevée (106/g) dans le contenu cæcal des animaux malades.
Cette bactérie est surtout détectée dans les stades terminaux des troubles digestifs et est souvent associée à d’autres agents pathogènes comme les coccidies, les virus ou E. coli entéropathogènes (EPEC). En France, 10 % des lots de lapins examinés pour atteinte digestive présentent une réponse positive à la recherche de C. spiroforme dans le tube digestif.
Les animaux peuvent être atteints à tout âge, mais la maladie affecte principalement les lapins en croissance (45 à 65 jours). Son évolution peut être particulièrement rapide chez les animaux en postsevrage. Certains peuvent ainsi mourir sans avoir exprimé de symptômes. Une diarrhée profuse d’apparition brutale, avec la présence inconstante de sang et de glaires, peut être observée chez d’autres. Les lapins sont prostrés et anorexiques. Des convulsions ou des paralysies sont parfois notées. La mortalité “habituelle” est de 25 à 50 %.
Chez les lapins plus âgés comme les femelles après la mise bas, des cas sporadiques peuvent apparaître.
A l’autopsie, le cæcum apparaît dilaté et enflammé, avec un contenu particulièrement liquide, parfois hémorragique. La muqueuse cæcale est œdématiée, épaissie, et présente des lésions hémorragiques disséminées en “coup de pinceau”.
Le diagnostic des entérotyphlites à C. spiroforme est fondé sur les lésions nécropsiques et la visualisation de bactéries Gram positif semi-circulaires dans le contenu cæcal des lapins malades.
L’identification définitive est difficile, car les méthodes spécifiques ne sont pas disponibles. Cependant, l’utilisation de la polymerase chain reaction (PCR) est en train de se développer. Les entérotyphlites à C. spiroforme évoluent rapidement vers la mort. Le traitement n’est donc pas intéressant au niveau individuel, mais il doit plutôt s’envisager comme un moyen d’éviter la propagation aux congénères.
Des études récentes se sont penchées sur la sensibilité de C. spiroforme à différents antibiotiques. Trente souches issues d’élevages italiens ont été testées in vitro afin de déterminer la concentration minimale inhibitrice (CMI) pour la spiramycine, l’amoxicilline, la doxycycline, la sulfadiméthoxine, la norfloxacine et la tiamuline. Les résultats indiquent des résistances acquises ou intrinsèques vis-à-vis de toutes les substances testées, sauf pour la doxycycline. Sur le terrain, d’autres antibiotiques, comme la tiamuline, semblent encore donner de bons résultats.
La prévention de la maladie consiste principalement à observer les règles d’hygiène habituelles et une alimentation adaptée. Il est également important de s’intéresser particulièrement aux méthodes de désinfection qui permettent de détruire les spores.
Aucun vaccin n’est actuellement disponible. Des équipes de recherche ont cependant obtenu des résultats encourageants en immunisant des animaux avec des préparations à partir de surnageant de culture de C. spiroforme.
Clostridium piliforme est un bacille Gram négatif mobile anaérobie strict et sporulé. Il peut survivre pendant des années dans le milieu extérieur sous forme de spore. A contrario, la forme végétative est particulièrement fragile. C.piliforme est à l’origine de la maladie de Tyzzer.
Cette dernière est décrite chez de nombreuses espèces : le lapin, bien entendu, mais aussi le rat, la souris, le hamster, le cheval, le chat et le chien. Rarement signalée en élevage de lapins, elle peut entraîner de pertes économiques importantes quand elle se manifeste.
La contamination semble se faire par voie oro-fécale à partir d’animaux malades, d’aliments ou de matériels contaminés.
De nombreux facteurs peuvent favoriser l’émergence de cette maladie. Par exemple, l’utilisation des sulfamides ou des corticoïdes est impliquée, de même que l’usage de sulfaquinoxaline pour prévenir la coccidiose et la pneumonie. De mauvaises conditions sanitaires, le stress du transport, ainsi que des maladies intercurrentes contribuent au développement clinique de l’affection qui, chez le lapin, se présente sous deux formes. La forme chronique, la plus commune, se traduit par une diarrhée aqueuse, un retard de croissance, un mauvais état général et une mortalité souvent inférieure à 5 %. Dans la forme aiguë, la maladie est observée chez tous les animaux, mais principalement lors du sevrage. Des femelles peuvent aussi être affectées au moment du part. L’affection provoque alors des diarrhées parfois hémorragiques, une léthargie et la mort en douze à quarante-huit heures. La mortalité est alors supérieure à 50 %. A l’examen nécropsique, les lésions sont celles d’une entérite hémorragique nécrosante qui affecte surtout le segment postérieur de l’intestin (iléon, cæcum, côlon). Le cæcum est le plus touché. Il est le siège d’un œdème marqué au niveau de la séreuse et de la sous-muqueuse. Le cæcum prend généralement une couleur rouge vif. Même si elle est bien moins fréquente que chez les rongeurs, une infection hépatique peut être observée chez les lapins.
C. piliforme n’est pas cultivable sur les milieux usuels de culture, ce qui rend le diagnostic difficile. En outre, les lésions nécropsiques de la maladie de Tyzzer sont typiques, mais non pathognomoniques, et peuvent être confondues avec celles dues à une autre espèce de Clostridium. Le diagnostic est d’autant plus compliqué que les lésions hépatiques caractéristiques n’existent pas toujours.
En revanche, l’analyse histologique permet d’identifier la bactérie avec la coloration de Whartin Starry (imprégnation argentique). Mais cette méthode est longue et délicate : un résultat négatif ne permet pas d’exclure la maladie. Des méthodes immunologiques existent et sont utilisées pour les animaux de laboratoire, mais ne sont pas adaptées pour le diagnostic dans les élevages (nombreux faux positifs ou négatifs). Des tests PCR sont en cours de mise au point.
Les traitements antibiotiques sont souvent illusoires, en raison de la rapidité d’évolution de la maladie, de la formation de spores et de la localisation intracellulaire des bactéries. Cependant, les meilleurs résultats semblent être obtenus avec les cyclines. Une désinfection poussée de l’élevage au moyen de désinfectants sporicides doit être associée à ce traitement.
La destruction des spores peut se faire par une solution d’hypochlorite de sodium à 0,3 % pendant plus de cinq minutes, par exemple.
Aucune preuve tangible n’est encore rapportée concernant la pathogénicité de souches de Clostridium perfringens chez le lapin, y compris dans le cas de l’entéropathie épizootique du lapin (EEL), maladie dans le cadre de laquelle cette bactérie est souvent isolée.
Source : communication de Dominique Licois, présentée le 28/5/2009 à l’école vétérinaire d’Alfort. Retrouvez des références bibliographiques en ligne sur le site WK-vet.fr, rubrique « Semaine Vétérinaire », puis « Compléments d’articles ».
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