L’intérêt de la caudectomie et de l’épointage des dents est discuté

Entre le premier et le troisième jour de vie, la majorité des porcelets ont la queue coupée et les dents épointées pour prévenir le cannibalisme et éviter les lésions cutanées des truies et des porcelets. Quel est l’impact de ces interventions, réglementées depuis 2003⁽¹⁾, sur le bien-être et la santé du nouveau-né ? Alternant expérience professionnelle et études bibliographiques, notre confrère Guilhem Poudevigne a présenté l’intérêt et les inconvénients de la caudectomie et de l’épointage des dents lors des dernières journées des GTV. Concernant la caudectomie, les données anatomiques montrent que la queue est innervée jusqu’à son extrémité dès le lendemain de la naissance. Elle est donc sensible à la coupe, même si le système nerveux est encore immature.

Les névromes engendrés sont particulièrement douloureux

Les observations menées en élevage suggèrent une douleur modérée et les prélèvements sanguins ne montrent pas d’effet significatif de la caudectomie sur l’axe corticotrope. L’agitation des pattes et les vocalises sont plus importantes chez les porcelets dont la queue est coupée, mais aucun effet notable n’est mesuré sur le temps de repos du nouveau-né, le temps passé à la mamelle et les performances de croissance de la première semaine de vie. Toutefois, des névromes traumatiques⁽²⁾ sont observés en fin d’engraissement chez les porcs dont l’extrémité de la queue a été coupée le lendemain de la naissance. « Chez l’homme, les névromes entraînent des douleurs violentes », indique notre confrère.

« Ces hyperalgies de l’extrémité de la queue pourraient expliquer en partie la diminution de la caudophagie, en raison de comportements de défense plus accentués. » Plusieurs enquêtes ont tenté d’évaluer la prévention du cannibalisme via la caudectomie. Les réponses ne vont pas toutes dans le même sens. Pour certains, la prévalence des morsures de queue est plus faible lorsque les porcelets ont la queue coupée. Pour d’autres, les observations faites dans les élevages pratiquant les coupes de queues montrent une prévalence supérieure de la caudophagie. Cependant, ces élevages sont confrontés à la caudophagie de façon récurrente. Il devient alors difficile de démêler la cause de la conséquence. Ainsi, lors d’arrêt de la caudectomie, il faut préalablement étudier la maîtrise de l’ensemble des facteurs de risque associés au cannibalisme.

Quand la caudectomie s’impose dans un élevage où s’observe le cannibalisme, la queue doit être sectionnée entre un tiers et deux tiers de sa longueur. « L’utilisation d’un coupe-queue thermique nécessite d’aborder la queue par sa face ventrale », précise Guilhem Poudevigne. La veine et l’artère coccygiennes sont sectionnées avec une lame suffisamment chaude. Pour la désinfection, « il ne faut pas utiliser de la teinture d’iode, car cela pique les animaux ». En outre, l’intervenant recommande l’emploi d’un produit cryo-actif instantané, de type Urgosport®, pour insensibiliser l’intervention.

L’épointage des dents augmente la prévalence des lésions buccales et des fractures

L’épointage de dents entraîne des altérations mineures du comportement et de l’axe corticotrope, quel que soit l’outil utilisé, pince ou meuleuse. Mais, « lorsque des porcelets ne vont pas bien en maternité et que l’intérieur de leur bouche est observé de plus près, des infections de la mâchoire, de la langue sont parfois notées », remarque notre confrère. Des enquêtes attestent de l’augmentation de la prévalence des lésions buccales, avec parfois le développement d’abcès et d’arthrite à la suite de l’épointage des dents. Ainsi, des effractions dentaires, des inflammations, des abcès, voire des fractures ont été constatées. Chez l’homme, ces lésions sont associées à une douleur particulièrement importante. Chez le porc, les douleurs se maintiendraient jusqu’au remplacement des dents de lait qui a lieu entre cinquante et cent vingt jours.

Les impacts positifs revendiqués pour justifier l’épointage des dents sont de plus en plus contestés, sur le plan sanitaire comme zootechnique. Les expérimentations menées montrent que, après l’épointage, la réduction des lésions de la mamelle est inconstante, voire nulle. Aucun effet favorable sur le comportement des truies n’est noté. Plusieurs études ne montrent pas d’amélioration de la croissance et de la survie des porcelets. Dans le cas où l’épointage des dents est nécessaire, « la meuleuse est à privilégier, les effractions dentaires sont moins nombreuses qu’avec la pince coupante », explique Guilhem Poudevigne. Ainsi, l’épointage des dents par meulage est la méthode recommandée par le comité scientifique vétérinaire de l’Union européenne. Par ailleurs, la Commission européenne envisage des solutions pour instaurer une certification et un étiquetage des règles de bien-être animal.

• (1) Arrêté du 16/1/2003 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs, publié au Journal officiel du 22/1/2003.

• (2) Un névrome est une tumeur développée aux dépens d’un nerf périphérique. Le névrome d’amputation est une cicatrice qui se développe de façon anarchique et volontiers exubérante à l’extrémité d’un tronc nerveux sectionné lors de l’amputation d’un membre.