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Auteur(s) : Christian Diaz
Les possesseurs de chiens de première et de deuxième catégories sont tenus de posséder un permis de détention, délivré par le maire. Théoriquement en vigueur depuis juin 2009, sa mise en place ne s’est pas faite sans heurts. Rappel des faits.
Fidèle à sa théorie d’assimiler les chiens à des armes, le législateur, après avoir créé en 1999 la notion de catégories de chiens dits dangereux au mépris de toutes les considérations scientifiques et épidémiologiques, a inventé le permis de détention pour ces animaux, via la loi du 20 juin 2008. Egalement dépourvu de justification autre que politico-médiatique, ce permis, théoriquement en vigueur depuis le mois de juin dernier, constitue une parfaite illustration de l’incurie des pouvoirs publics dans ce domaine. Rappelons qu’il ne concerne que les possesseurs de chiens de première et de deuxième catégories et est délivré par le maire de la commune de résidence du propriétaire ou du détenteur.
En France, Etat de droit, une loi s’applique dès le lendemain de sa publication au Journal officiel. Celle du 20 juin 2008, publiée le 21 juin, est donc applicable depuis le 22 juin de la même année.
Dès lors, l’obligation d’enregistrement du chien en mairie, imposée par la loi du 6 janvier 1999, n’est plus en vigueur. Entre le 22 juin 2008 et la demande du permis de détention (nous verrons dans quel délai), les détenteurs de chiens concernés n’ont été soumis à aucune obligation déclarative, en dépit d’une circulaire administrative qui, comme toutes ces circulaires, ne saurait imposer sa conduite à une personne privée.
Certaines municipalités refusent cependant toujours d’enregistrer les chiens de première catégorie, considérant – à tort et par manque d’information – que leur détention est interdite et qu’ils ne peuvent légalement exister, conformément à la croyance selon laquelle un chien de première catégorie est issu d’un chien de première catégorie, alors qu’il peut provenir de nombreux croisements d’animaux considérés comme non dangereux. De nombreux chiens ont ainsi fait l’objet de procédures injustifiées conduisant à leur abattage, pudiquement qualifié d’euthanasie.
L’article L. 211-14 du Code rural indique :
« II. La délivrance du permis de détention est subordonnée à la production :
1° De pièces justifiant :
a) de l’identification du chien dans les conditions prévues à l’article L. 212-10 ;
b) de la vaccination antirabique du chien en cours de validité ;
c) dans les conditions définies par décret, d’une assurance garantissant la responsabilité civile du propriétaire du chien ou de la personne qui le détient pour les dommages causés aux tiers par l’animal. Les membres de la famille du propriétaire de l’animal ou de celui qui le détient sont considérés comme tiers au sens des présentes dispositions ;
d) pour les chiens mâles et femelles de la première catégorie, de la stérilisation de l’animal ;
e) de l’obtention, par le propriétaire ou le détenteur de l’animal, de l’attestation d’aptitude mentionnée au I de l’article L. 211-13-1.
2° De l’évaluation comportementale prévue au II de l’article L. 211-13-1.
Lorsque le chien n’a pas atteint l’âge auquel cette évaluation doit être réalisée, il est délivré à son propriétaire ou son détenteur un permis provisoire dans des conditions précisées par décret.
Si les résultats de l’évaluation le justifient, le maire peut refuser la délivrance du permis de détention. »
Plusieurs conséquences découlent de ce texte. En premier lieu, si les exigences autrefois liées à la déclaration en mairie, abrogée, sont conservées, le législateur en ajoute deux nouvelles : l’attestation d’aptitude du propriétaire ou du détenteur, ainsi que l’évaluation comportementale du chien(1).
Par ailleurs, le texte prévoit qu’un décret précisera les conditions de délivrance du permis provisoire pour les chiens de moins de douze mois (âge limite de l’évaluation comportementale), mais il ne prévoit aucun texte réglementaire nécessaire à la délivrance du permis pour les chiens de plus de douze mois. Dès lors, le refus des maires de délivrer ce permis, dans l’attente d’un décret qui n’est pas prévu par la loi, est inexplicable. Est tout aussi inexplicable le contenu d’une circulaire adressée aux maires le 24 décembre 2009, selon laquelle : « Par ailleurs, le projet de décret relatif au permis de détention a été examiné par le Conseil d’Etat le 17 décembre. Actuellement en cours de signature par les ministres concernés, il devrait être publié au cours de la dernière semaine du mois de décembre. » Ce décret a été publié au Journal officiel le 31 décembre 2009. Il précise que ce permis de détention fait l’objet d’un arrêté municipal et est inscrit dans le passeport européen.
Exception faite du cas des chiens en circulation à la date du 21 juin 2008, le permis de détention est obligatoire pour tous les chiens de plus de douze mois nés à partir du 22 juin 2008. Ces permis devraient donc être régulièrement délivrés par les municipalités depuis le 22 juin 2009. Nous savons qu’il n’en est rien, car ce n’est qu’au dernier trimestre 2009 que les maires ont reçu de la part des pouvoirs publics des bribes d’informations, erronées de surcroît.
Autre remarque : les personnes ne pouvant détenir un chien dit dangereux ne devraient pas pouvoir obtenir de permis de détention. Cependant, la combinaison des articles L. 211-13 et L. 211-14, qui mentionnent que le permis doit être délivré par le maire de la commune de résidence du propriétaire ou du détenteur, soulève une ambiguïté qui ne pourra être levée que par le juge. En effet, si la détention des chiens dits dangereux est interdite à certaines personnes, la propriété n’en est pas prohibée. D’après les textes, le permis de détention semble pouvoir être délivré au propriétaire ou au détenteur. En termes juridiques, la propriété est « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue » (article 544 du Code civil). Ce droit s’applique aux biens de toute nature, aux meubles comme aux immeubles.
Ce droit comprend celui d’user de la chose, d’en remettre l’usage à une personne, de la modifier, de la détruire ou d’en disposer. Pour sa part, le détenteur est celui qui, en exécution d’un contrat, conserve un bien pour le compte d’autrui, propriétaire ou possesseur. Alors que le propriétaire d’un bien meuble ou immeuble exerce sur son patrimoine le droit perpétuel de le détenir, d’en recueillir les fruits et de l’aliéner ou de le détruire, le détenteur ne peut que le conserver et en faire l’usage tenant à la nature de la chose et résultant du pouvoir qui lui a été délégué à titre temporaire. A la lecture de ces définitions juridiques, la notion de détenteur semble indissociable de l’adjectif “temporaire”, en contradiction apparente avec les dispositions de l’alinéa V de l’article L. 211-14.
Soulignons en dernier lieu que le maire peut refuser de délivrer le permis au vu du résultat de l’évaluation. Toutefois, le texte ne précise pas quel niveau de risque peut conduire à ce refus. S’il est légitime de penser que le niveau 4 constituera vraisemblablement – mais sans certitude – une cause de refus systématique, et en l’absence de circulaire administrative précisant ce point, il semble que les maires ont toute latitude pour prendre cette décision, une source potentielle de nombreux recours. Les cas dans lesquels le maire peut refuser le permis de détention sont en fait limités : il s’agit soit de l’incapacité du détenteur si ce dernier est également le propriétaire, soit d’un résultat d’évaluation défavorable, mais en aucun cas d’une naissance récente.
L’article 17 de la loi du 20 juin 2008, non codifié, car d’application temporaire, fixe le sort des chiens en circulation lors de la publication de la loi au Journal officiel.
Les chiens de première catégorie (chiens d’attaque) devaient tous avoir été évalués au 21 décembre 2008 et ceux de deuxième catégorie (chiens de défense) au 21 décembre 2009.
Le même article précise que les détenteurs de ces chiens doivent obtenir le permis de détention avant le 31 décembre 2009. C’est la raison pour laquelle cette date a cristallisé les passions, alors que le permis de détention, délivré par les maires, est théoriquement en vigueur depuis le 22 juin 2009.
Si la profession vétérinaire a mis en œuvre les moyens de remplir ses missions d’évaluation, il n’en est pas de même pour les pouvoirs publics, qui ont sevré les maires d’informations, promulgué des textes réglementaires et diffusé des circulaires dans des délais incompatibles avec la réalisation de leur mission.
En raison du large développement dont l’évaluation comportementale a déjà fait l’objet dans ces colonnes, nous n’aborderons ici que la problématique de l’attestation d’aptitude.
Créée par loi du 20 juin 2008, l’attestation d’aptitude des maîtres est indispensable pour obtenir le permis de détention. Ainsi, selon l’article L. 211-13-1 du Code rural : « I. Le propriétaire ou le détenteur d’un chien mentionné à l’article L. 211-12 est tenu d’être titulaire d’une attestation d’aptitude sanctionnant une formation portant sur l’éducation et le comportement canins, ainsi que sur la prévention des accidents. »
Si les premiers lecteurs de cet article ont imaginé – non sans inquiétude – que cette formation serait sanctionnée par un contrôle des connaissances, s’agissant d’un permis de détention d’une arme, les textes réglementaires l’ont privé de sa substance, transformant l’attestation d’aptitude en une simple attestation de présence à une formation suivie sous la contrainte.
Alors que le ministère de l’Intérieur, lors du vote, avait pris publiquement l’engagement d’en publier rapidement les textes réglementaires (présentés comme déjà écrits), le décret et l’arrêté relatifs à l’agrément des personnes habilitées à délivrer cette formation et son contenu ne sont parus respectivement que le 3 avril et le 2 mai 2009. Malgré les engagements ministériels, aucune information n’a été délivrée au public dans des délais raisonnables, susceptibles de permettre à l’ensemble des personnes concernées de se mettre en conformité avec les textes, malgré leur bonne foi.
En septembre 2009, seulement une cinquantaine de formateurs habilités étaient répertoriés sur l’ensemble du territoire. Les demandes d’agrément ont cependant fleuri en novembre et environ six mille formateurs étaient dénombrés en décembre.
Ne pouvant modifier par voie réglementaire une date fixée par la loi, le ministre de l’Intérieur a tout au plus donné des consignes de clémence aux maires : « C’est pourquoi les propriétaires ou détenteurs de bonne foi, c’est-à-dire ceux qui auront réuni toutes les autres pièces du dossier et n’auront pu obtenir à temps leur attestation d’aptitude, faute de place disponible à une formation, ne seront pas sanctionnés dans l’immédiat. Il leur suffira de se manifester auprès du maire de leur commune et de lui faire connaître la date de la formation à laquelle ils se seront inscrits. »
Le contenu de cette formation, fixé par l’arrêté du 8 avril 2009, est particulièrement dense. Prévue à l’origine sur une seule journée, cette formation de sept heures peut aujourd’hui être dispensée en plusieurs séances par la grâce de l’arrêté du 15 décembre 2009, publié au Journal officiel le 30 décembre. Par ailleurs, elle peut être délivrée par de nombreux formateurs, dont la liste est également fixée par arrêté. Le titre de docteur vétérinaire donne à ses titulaires la possibilité d’en faire partie.
L’article 4 de l’arrêté du 8 avril a ajouté une nouvelle source de confusion. Il stipule que « l’engagement d’un suivi éducatif, avant l’entrée en vigueur du présent arrêté, d’un chien mentionné à l’article L. 211-12 du Code rural auprès de formateurs agréés dans le domaine de l’éducation canine pour une durée d’au moins dix heures équivaut à la formation mentionnée aux articles L. 211-13-1 et R. 211-5-3 du Code rural. L’attestation d’aptitude est alors délivrée par le formateur agréé au propriétaire de l’animal ». Alors que les trois articles précédents traitent de formateurs agréés pour dispenser la formation, l’article 4 fait référence à des formateurs agréés dans le domaine de l’éducation canine, ayant assuré un suivi éducatif de dix heures au minimum avant le 2 mai 2009, soit antérieurement à la délivrance des agréments pour dispenser cet enseignement. Il existe donc deux types de formateurs susceptibles d’être sollicités pour délivrer l’attestation d’aptitude :
– les formateurs agréés en éducation canine, auprès desquels l’engagement d’un suivi éducatif a été souscrit avant le 2 mai 2009. Leur liste n’est pas précisée, mais il est logique de penser qu’il s’agit, selon le législateur, des personnes disposant des titres qui permettent de solliciter l’agrément pour dispenser la formation ;
– les formateurs agréés pour dispenser la formation, postérieurement au 2 mai 2009, date de publication de l’arrêté.
Cet article 4 est d’importance, car il dispense un grand nombre de possesseurs de chiens dits dangereux de suivre la journée de formation. Il suffit pour cela d’avoir bénéficié de dix heures de cours dans une structure officielle, qu’elle soit professionnelle (éducateurs ou dresseurs privés) ou encore associative (clubs d’éducation canine en particulier).
Par ailleurs, selon l’article L. 211-18 du Code rural, « les personnes exerçant les activités mentionnées au premier alinéa du IV de l’article L. 214-6 ne sont pas tenues d’être titulaires de l’attestation d’aptitude mentionnée au I de l’article L. 211-13-1 ». Il s’agit des personnes qui exercent les activités de gestion d’une fourrière ou d’un refuge, d’élevage, d’exercice à titre commercial des activités de vente, de transit ou de garde, d’éducation, de dressage et de présentation au public de chiens et de chats.
Pour ces personnes, en particulier les éleveurs de chiens de deuxième catégorie, le permis de détention est cependant obligatoire, mais comme l’attestation d’aptitude ne l’est pas aux termes de la loi, et malgré le flou des textes, il semble que la nature même de leur activité leur en donne l’équivalence.
(1) Voir « L’évaluation comportementale, guide pratique et juridique », hors série au n° 1374 de La Semaine Vétérinaire du 2/10/2009.
• Selon l’article L. 211-18 du Code rural : « Les dispositions des articles L. 211-13 à L. 211-17, L. 215-1 à L. 215-3 ne s’appliquent pas aux services et unités de la police nationale, des armées, de la gendarmerie, des douanes et des services publics de secours, utilisateurs de chiens. » Ces services peuvent donc détenir des chiens dits dangereux, de première ou de deuxième catégorie, sans se conformer aux obligations relatives au permis de détention et à l’attestation d’aptitude.
• Selon l’article L. 211-14 : « V. Le présent article, ainsi que le I de l’article L. 211-13-1, ne sont pas applicables aux personnes qui détiennent un chien mentionné à l’article L. 211-12 à titre temporaire et à la demande de son propriétaire ou de son détenteur. » Outre l’ambiguïté issue de la définition même du détenteur, la notion de détenteur temporaire relève du pléonasme. Par ailleurs, les textes ne précisent pas quelle durée correspond à cette notion de détenteur temporaire, qui relèvera, une nouvelle fois, de l’appréciation des magistrats.
Nous retiendrons cependant que ce « détenteur temporaire à la demande du propriétaire ou du détenteur » n’est pas tenu de se conformer aux dispositions de l’article L. 211-14. Il ne doit pas être titulaire d’un permis de détention concernant le chien et n’est donc tenu ni de faire les démarches afférentes à la mairie de son domicile, ni d’être titulaire de l’attestation d’aptitude, ni de souscrire aux termes de la loi une assurance enresponsabilité civile spécifique à la détention des chiens dits dangereux, celle-ci n’étant obligatoire qu’en vertu des dispositions de l’article L. 211-14 non applicable en l’espèce. Cependant, le décret du 30 décembre 2009 précise que ce détenteur temporaire doit être en mesure de présenter le permis ou sa copie à toute réquisition. Ce détenteur temporaire peut être un particulier qui garde bénévolement le chien ou un professionnel qui en a la garde juridique.
C. D.Selon l’article L. 211-14 du Code rural : « V. En cas de constatation du défaut de permis de détention, le maire ou, à défaut, le préfet met en demeure le propriétaire ou le détenteur du chien de procéder à la régularisation dans le délai d’un mois au plus. En l’absence de régularisation dans le délai prescrit, le maire ou, à défaut, le préfet peut ordonner que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à l’accueil ou à la garde de celui-ci et peut faire procéder sans délai et sans nouvelle mise en demeure à son euthanasie. »
A la différence des dispositions de l’article L. 211-11, l’avis d’un vétérinaire désigné par le directeur des services vétérinaires n’est pas exigé pour ordonner l’euthanasie de l’animal. Le simple défaut de régularisation un mois après mise en demeure suffit.
Ce cas de figure peut notamment se produire lorsque le maire refuse de délivrer le document au vu du résultat de l’évaluation. Dans ce cas, le propriétaire ou le détenteur pénalisé, s’il refuse d’accepter la mise à mort de son chien, n’aura d’autre choix que d’émigrer vers une commune éventuellement plus bienveillante ou d’entamer une procédure devant le tribunal administratif, éventuellement après la remise en cause du résultat de l’évaluation. De plus, l’absence de permis de détention est passible d’une contravention de 4e classe.
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