Dentisterie
Formation continue
ANIMAUX DE COMPAGNIE
Auteur(s) : Gwenaël Outters
Plus qu’esthétique, la gestion thérapeutique des dents cassées entre dans le cadre de la gestion de la douleur chez l’animal.
Les fractures dentaires sont observées chez environ un quart des chiens et 10 % des chats. La classification en est assez simple : la fracture simple n’est pas associée à une exposition de la pulpe dentaire à l’environnement oral, alors que la fracture compliquée (ou complexe) est associée à une contamination bactérienne de la pulpe dentaire.
Les fractures dentaires s’observent sur la couronne ou la racine, voire sur les deux. Les fractures coronaires et corono-radiculaires sont simples ou compliquées. En revanche, les fractures radiculaires sont toujours des fractures dentaires compliquées.
Le diagnostic clinique est aisé et réalisé en consultation à l’aide d’une sonde d’exploration dentaire : si elle s’ancre fermement au niveau du trait de fracture, la fracture est compliquée ; si elle glisse sur la dent, il s’agit d’une fracture simple, de l’émail ou de la dentine.
La dent s’harmonise autour du parodonte (gencive, ligament parodontal, cément, os alvéolaire) et de l’endodonte (pulpe dentaire, dentine). La pulpe est constituée de tissus conjonctifs, de vaisseaux et de nerfs. La dentinogenèse s’observe tout au long de la vie et permet de renforcer avec l’âge les structures mécaniques de la dent : plus la dent vieillit et plus la paroi de la dent s’épaissit, avec malgré tout un canal dentaire qui persiste tout au long de la vie. Vers huit à dix mois, chez le chien, l’apex radiculaire se ferme, mais reste perméable au regard de l’existence de nombreux tubuli dentinaires.
Les dents subissent un grand nombre d’agressions. Une contamination bactérienne est possible dès que le canal de la dent est ouvert. Les agressions thermiques, moins fréquentes chez les animaux que chez l’homme, et les agressions mécaniques, plus fréquentes chez l’animal, ont pour conséquences pathogéniques une ischémie et/ou une nécrose pulpaire dont l’expression douloureuse est bien réelle dans la majorité des cas.
En présence d’une fracture compliquée, la pulpe est exposée et la dent est “infectée”. Les bactéries colonisent la pulpe dentaire via le canal dentaire et stimulent une inflammation aiguë puis chronique. Il existe une alternance entre ces deux phases selon la réponse inflammatoire de la pulpe dentaire et l’importance du système vasculaire. Comme le canal dentaire est un système clos, l’inflammation pulpaire(ou pulpite) aboutit presque inévitablement au stade d’ischémie, puis de nécrose pulpaire. Chez le chien adulte, le délai observé est rapide, de l’ordre de deux à trois semaines. L’infection se diffuse ensuite au travers de l’apex radiculaire vers la mâchoire et une parodontite périapicale se développe autour de l’apex de la racine dentaire. La réaction systémique du système immunitaire qui se met alors en place explique une évolution selon la réponse immunitaire sous un mode aigu (formation d’un abcès périapical qui peut donner lieu à une fistulisation ou à une cellulite maxillo-axiale) ou chronique (formation d’un granulome ou d’un kyste).
Une fracture dentaire simple conduit à une sensibilité dentinaire exacerbée, car l’émail dentaire ne protège plus les tubuli dentinaires. Dans de rares cas, cette perméabilité dentinaire acquise rend possible une colonisation bactérienne du canal pulpaire.
Le traitement des fractures dentaires simples consiste à imperméabiliser la dentine afin de maîtriser sa stimulation sensorielle et l’éventuel (presque improbable) risque d’infection canalaire. Des techniques de restauration dentaire, qui utilisent les résines fluides photo-polymérisables, sont mises en place sous anesthésie générale.
Le traitement d’une fracture dentaire compliquée dépend avant tout de son ancienneté. En présence d’une lésion de plus de quarante-huit heures, le traitement conservateur est illusoire. La pulpite, qualifiée d’irréversible, évoluera vers une nécrose pulpaire, puis vers une ostéomyélite localisée (parodontite périapicale) qui peut aller jusqu’à un phlegmon facial diffus. La douleur, tout d’abord aiguë au stade de la pulpite réversible, s’atténue au moment de l’ischémie pulpaire. Elle redevient importante en cas de parodontite périapicale, alternant alors des phases algiques importantes ou plus sourdes. La dévitalisation ou l’extraction dentaire sont alors les deux seules options thérapeutiques.
En présence d’une lésion de moins de quarante-huit heures, un traitement conservateur doit être envisagé. Une pulpectomie partielle (retrait de la pulpe sur 6 à 10 mm) permet, à ce niveau, d’exciser la pulpe dentaire infectée. Le traitement est complété par l’apposition d’un pansement pulpaire pour favoriser la cicatrisation de la pulpe dentaire enflammée sous-jacente. L’étanchéité coronaire est rétablie par une restauration dentaire à base de ciment et/ou de résines dentaires. Ce type de traitement nécessite avant tout un suivi clinique postopératoire strict, mais il est rare de pouvoir l’obtenir au-delà de six mois. Ce suivi est pourtant indispensable, compte tenu du vieillissement des matériaux de restauration, dont la perméabilité augmente avec le temps, et surtout de la difficulté à utiliser des signes de douleur bucco-dentaire comme signes d’appel d’un éventuel échec thérapeutique.
La gestion des fractures corono-radiculaires est plus complexe : elle requiert des techniques de soins pour rétablir l’intégrité du parodonte et supprimer l’inflammation pulpaire en cours.
Les lésions dues aux fractures dentaires anciennes sont souvent sévères et associées à un processus douloureux avec une infection permanente. En pratique, lors d’extraction dentaire, il convient de noter l’importance du curetage alvéolaire de tout le tissu de granulation inflammatoire, de l’alvéoplastie et des sutures sans tension du lambeau d’accès. Les extractions dentaires chirurgicales doivent suivre les principes de la chirurgie atraumatique.
La décision finale dépend de l’importance du traumatisme pulpaire, du délai de l’intervention et de la maturation pulpaire. Chez le jeune, la capacité de cicatrisation pulpaire est importante et le praticien est incité à préférer la pulpectomie partielle. Chez un animal plus âgé, le canal dentaire devient moins important et l’ischémie pulpaire s’installe plus rapidement, ce qui rend alors le choix d’une pulpectomie totale tout à fait indiqué.
Le suivi clinique et radiographique est toujours le maître mot. Face à l’impossibilité d’un suivi fiable à moyen terme, il est important d’avertir le propriétaire des risques encourus : l’extraction dentaire peut alors être privilégiée. Pour un traitement conservateur efficace (pulpectomie partielle), le premier élément à prendre en compte est l’approbation du propriétaire quant au suivi thérapeutique qui sera accordé.
L’objectif de tout traitement chirurgical dentaire est de contrôler l’infection et l’inflammation en cours. La désinfection canalaire doit être particulièrement soignée et efficace. Elle est objectivée par la radiographie dentaire et la cicatrisation du periapex. Un traitement temporaire à l’hydroxyde de calcium est parfois utilisé pour améliorer l’efficacité thérapeutique. Il est évalué un mois plus tard, par la cicatrisation du periapex et la disparition de la fistule buccale.
La dent dévitalisée n’est pas particulièrement fragilisée par ce type de traitement. Elle devient “inerte” à la suite du traumatisme dentaire et du traitement mécanique et antiseptique du canal dentaire. Le parodonte redevient sain et assure alors ses fonctions mécaniques et sensorielles. La dent dévitalisée demeure en place avec un système d’attache parodontal sain, sans douleur ni infection.
Nicolas Girard, consultant à Ollioules (Var) et La Gaude (Alpes-Maritimes).
Article tiré de la conférence « Dent cassée : problème esthétique ou médical ? », présentée au congrès de l’Afvac 2008.
• « Conduite à tenir face à une fracture dentaire », PV n° 269, octobre 2006.
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